Voile Magazine

Paroa 34, Malango 1045, RM 1070

Un Normand tiré à quatre épingles, un Breton pur jus, et un Charentais branché qui joue les séducteurs… Drôle de trio pour ce comparatif assaisonné de rafales à 35 noeuds !

- Texte : François-Xavier de Crécy. Photos : François Van Malleghem et Olivier Blanchet.

COMPARAISO­N

, paraît-il, n’est pas raison. Surtout, nous dit-on souvent, quand les bateaux en lice affichent des différence­s de conception flagrantes. Dans le cas de ces trois croiseurs de 10 mètres, ce sont pourtant ces nuances dans le programme, ces divergence­s dans l’approche de la croisière et dans la façon de naviguer qui font toute la richesse de l’exercice. Commençons par les programmes, le reste coulera de source. Le Paroa normand, le Malango breton et le RM charentais sont faciles à situer sur un éventail allant du pur day-boat au bateau de grande croisière. Le Paroa 34 est conçu pour des croisières de courte durée. Il n’a pas de cabine arrière, une hauteur sous barrots limitée et un volume de rangement tout juste suffifisan­t pour une petite semaine. C’est presque ce que les constructe­urs appellent aujourd’hui un « week-ender », un bateau de week-end, il est en tout cas dans l’esprit de ces voiliers au design résolument contempora­in – Brenta 30, Code 0… – mais avec davantage de confort et d’autonomie. Le Malango 1045 est plus volumineux, plus large et mieux armé pour le large. C’est un vrai croiseur, même si le tunnel à annexe – sa botte secrète – placé sous le cockpit limite le volume disponible. La présence d’une jupe, principale différence entre ce 1045 et son petit frère le Malango 999, compense néanmoins cette perte d’espace à l’arrière. Le RM 1070, enfifin, s’affifiche comme un croiseur potentiell­ement hauturier, dans la lignée d’une gamme historique­ment tournée vers la grande croisière. Son originalit­é réside cependant dans son design et sa décoration très soignés, et ses performanc­es sont bien supérieure­s à ce qu’on appelait autrefois un bateau de voyage, du Romanée au RM 1050. Attention cependant à ne pas réduire ces trois bateaux à trois ambitions de croisière – côtière, au large et transatlan­tique –, car il est clair que le Paroa peut très bien traverser la Manche, et que le Malango sera au moins aussi à l’aise que le RM sur la route des alizés. En fait, les vraies différence­s entre ces bateaux résident dans leur philosophi­e et dans les solutions qu’ils proposent aux amateurs de croisière. Le Paroa 34, on l’a dit, joue la séduction et affiche des lignes singulière­s caractéris­ées par une tonture marquée, un franc-bord minimal et un rouf en sifflet à la pente très prononcée. Le choix des couleurs sur cette première unité – deux nuances de gris pour la coque et le pont, des selleries de cockpit jaunes – contribue également à l’effet de surprise. Bonne surprise, précisons-le : voilà un voilier qui ne laisse pas indifféren­t. De ce point de vue, Vincent Lebailly, l’architecte, aidé dans ce projet par le designer Nicolas Crépieux (NC Design), a réussi son coup. D’autant que son Paroa 34 n’est pas qu’une belle image, c’est un bateau remarquabl­ement construit en sandwich PVC – résine vinylester – par les équipes du chantier Shore Team, à Caen. Dès les premières vagues rencontrée­s dans le chenal du port des Minimes, on sent la raideur du matériau et de la structure. Le Paroa ne « sonne » pas comme un voilier composite de grande série. La grand-voile est envoyée facilement grâce à sa drisse mouflflée, et d’autant plus rapidement qu’elle est réduite au deuxième ris. Il s’agit de composer avec les 25 noeuds de vent qui soufflent sur les pertuis, avec des rafales à 35 noeuds dans les grains. Des conditions qui révèlent immédiatem­ent les imperfecti­ons du plan de pont, à commencer par ces winches de génois placés sur le passage du palan de grand-voile quand on abat. On comprend l’intention, qui était de ramasser la zone de manoeuvre autour des postes de barre et de réserver les bancs matelassés à la détente, mais il faudra pourtant se résoudre à avancer les winches sur les hiloires. Deuxième souci : le poste

de barre. Passé un certain degré de gîte – et le bateau, plutôt étroit, affiche un caractère volontiers gîtard –, le barreur n’a plus d’appui. Il lui faudrait soit un cockpit moins profond (une assise plus basse), soit un cale-pieds très haut, éventuelle­ment réglable à l’aide d’une garcette comme sur certains bateaux de régate. En revanche, les équipiers placés sur l’avant du cockpit sont bien protégés par le décrocheme­nt de l’hiloire, et ils se calent facilement sur le banc opposé.

LE MALANGO PEUT TOUT ENCAISSER, OU PRESQUE

En termes de performanc­es, le Paroa ne se montre pas sous son meilleur jour dans cette piaule. Ses concurrent­s, et en particulie­r le Malango, sont plus à l’aise dans la brise. Mais le deuxième jour, dans le médium, c’est le Paroa qui va mieux. Logique, sa carène plus étroite, son poids plume font merveille dans le petit temps, et tout cela correspond au programme de navigation­s courtes type week-end, pour lesquelles on choisit a priori des conditions agréables. Le Malango 1045 lui, peut tout encaisser ou presque. Dans la brise, sa carène puissante fait merveille, il semble toujours disposer d’une marge de sécurité confortabl­e et ses deux safrans ne sont jamais pris en défaut. Bénéfician­t des retours d’expérience­s de dizaines de propriétai­res, c’est un bateau extrêmemen­t marin. Sur le pont, tout est à sa place et bien dimensionn­é. Le barreur peut jouer du palan fin et de la barre d’écoute sans se déplacer, le pataras puissammen­t démultipli­é n’est pas loin. Sous le pont, le volume de rangement est impression­nant, rien ne manque et surtout pas la tringle à cirés au fond du cabinet de toilette. La présence du tunnel à annexe ne nous empêche pas de disposer d’une vraie cabine arrière, cabine à laquelle le Paroa 34 a renoncé pour soigner sa ligne. Enfin, de ces trois bateaux à quille pivotante, le Malango est le seul qui puisse échouer. Le RM le peut aussi, mais en version biquille. Sur l’eau, il apparaît comme le plus polyvalent. Moins à l’aise que le Malango dans les grains, il se tire avec les honneurs de l’épreuve de la brise. Dans le petit temps, il fait jeu égal avec le Paroa, voire un peu mieux, quand le Malango semble à la peine. C’est par ailleurs le seul à disposer d’une double barre à roue, ce qui représente un certain confort dans le mauvais temps. Le seul aussi qui permette à ses équipiers de travailler au winch sous l’abri – relatif – de la capote, du fait de leur position rentrée de part et d’autre de la descente. Très réussi en termes de design avec sa tonture inversée et ses faux airs de grand Muscadet moderne, ses aménagemen­ts séduisants et marins, son superbe local technique, il ne manque pas d’atouts face au Malango. Comparer ces deux bateaux-là, c’est aussi confronter deux régions et deux cultures nautiques. Le Paroa 34, de son côté, apparaît comme le plus atypique des trois, le plus ciblé en termes de programme… et de très loin le plus cher. Un prix sans doute logique en termes de constructi­on « custom » – il s’agit d’un bateau unique –, mais diffificil­e à justifier sur le marché des voiliers de série.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Dans la brise, le Malango a affiché son caractère marin, puissant et rassurant. Le Paroa – sous le vent – était un peu plus à la peine, montrant notamment les limites de son plan de pont.
Dans la brise, le Malango a affiché son caractère marin, puissant et rassurant. Le Paroa – sous le vent – était un peu plus à la peine, montrant notamment les limites de son plan de pont.

Newspapers in French

Newspapers from France