Une réplique à la manière antique
On a beaucoup écrit sur l’aventure de l’Hermione, on en sait moins sur Gyptis, la réplique contemporaine d’une barque de pêche antique. Le projet, retracé dans un ouvrage qui vient de paraître, n’en est pas moins passionnant. Tout commence il y a vingt ans, en 1993, lorsque sept épaves sont découvertes à Marseille. Deux d’entre elles intéressent particulièrement les archéologues : elles datent de l’époque hellénique. L’équipe du laboratoire d’archéologique Camille-Jullian se passionne pour ces navires, construits autour de 550 avant J.-C. par les descendants des fondateurs de la cité phocéenne. Or cette période maritime est encore largement méconnue. Si bien que l’équipe, dirigée par Patrice Pomey, décide de reconstruire à l’identique ces bateaux, avec les matériaux et techniques de l’époque, afin de valider leurs hypothèses de départ. Pour des raisons budgétaires, seule la barque de pêche, baptisée Gyptis, sera reconstruite. Le nom est un clin d’oeil historique à la création de Marseille. C’est plus précisément une référence au prénom de la fille du roi Nannus, qui régnait sur la côte méditerra- néenne avant que les Grecs ne débarquent. Lorsqu’elle choisit le phocéen Prôtis comme époux, ce dernier reçut alors des terres en cadeau, des terres où il fonda Massalia. Des siècles plus tard, les chercheurs doivent élaborer un processus de construction, rechercher les matériaux ad hoc, les techniques ancestrales à (ré)inventer et les personnes capables de reproduire ces gestes pour ressusciter l a barque. Pour fixer les différents éléments de la coque par exemple, les carvelles ont été remplacées par des coutures et les ligatures. Pour l’étanchéité, une couche de cire d’abeille et de poix a été appliquée à l’intérieur et à l’extérieur de la coque. Au bout de vingt ans de minutieuses recherches, d’efforts et de travaux, Gyptis a été mise à l’eau en 2013 et navigue depuis dans la rade de Marseille. Elle accueille à son bord les membres de l’association, investis à leur échelle dans ce projet. Le CNRS – dont dépend le laboratoire – vient d’éditer un ouvrage qui retrace l’histoire de cette résurrection hellénique. Un mythe contemporain, en quelque sorte. Le Gyptis, reconstruction d’un navire, CNRS Editions, 144 pages, 20 €.