Les femmes à l’abordage
France Voile Loisirs propose des stages de croisière 100% féminins pour initier les équipières à la navigation et les intégrer, en confiance, dans cet océan masculin. Récit embarqué.
LA VOILE EST,
sans surprise, un sport comme un loisir non paritaire. En attestent les chiffres diffusés par la Fédération française de voile. Parmi les licenciés en 2013, seuls 33% sont des femmes. Au-delà des pourcentages, ces dernières peinent parfois à trouver leur place à l’ombre de leur chef de bord. Pour pallier cet écart, France Voile Loisirs a mis en place des stages exclusivement féminins, destinés aux équipières en devenir comme Christine, Valérie et Adeline, prêtes à embarquer à bord du RM 1050 Alaïa pour la semaine. Pour Valérie Tisserand, ex-ministe et formatrice à bord, ces stages sont une initiative pertinente : « Spontanément, les hommes sont plus dirigistes et les femmes plus discrètes, passives à bord. J’ai eu des stagiaires qui avaient un bateau, naviguaient régulièrement et avaient donc un bon niveau. Mais elles ne prenaient aucune initiative. Entre elles, elles ont moins d’inhibitions, osent poser et reposer des questions et s’essayer aux manoeuvres. Il faut qu’elles réalisent qu’elles savent faire, indépendamment de leur chef de bord, mari ou conjoint ». Pour ce stage d’initiation au départ du port de Vannes, les trois stagiaires ont une même envie : prendre confiance, et devenir autonomes. Adeline, 40 ans, ambitionne un grand voyage, sans retour prévu, avec son compagnon. Si lui a une petite expérience de navigation, elle n’a pas remis les bottes sur un bateau depuis l’adolescence et ses cours de dériveur. Alors elle bûche depuis un an. Elle a passé son permis bateau ainsi que le CRR, se forge une culture nautique en lisant les récits des grands navigateurs et commence même à reconnaître les silhouettes des bateaux à force d’en visiter pour trouver celui qui les emmènera ailleurs. Il est temps pour elle de passer de la théorie à la pratique : « Je n’ai pas trop confiance en moi et je suis très discrète, je suis donc plus à l’aise à l’idée d’apprendre avec des femmes ». Quant à Sylvie et Christine, la soixantaine pétillante, elles pensent à leur retraite ensoleillée. Après avoir fait les différents pleins, l’équipage quitte le port de Vannes, direction La Trinité, pour une journée au portant. C’est l’occasion pour Valérie de jauger le niveau de chacune et de proposer une initiation adaptée. Si c’est une première pour Adeline, Christine et Sylvie se sont déjà familiarisées avec le vocabulaire et la vie à bord. Elles ont toutes deux effectué leurs premiers stages cet été. Mais elles ne
DE LA THEORIE A LA PRATIQUE
se sentent pas pour autant tout à fait à l’aise dans les manoeuvres. « C’est dingue, c’est mon troisième stage, et je ne sais toujours pas hisser correctement une grand-voile » remarque Christine. Parce qu’elle n’osait pas forcément poser des questions qu’elle jugeait « idiotes » ou revenir sur des points qui semblaient acquis par ses copains de bord, Christine a accumulé les petites incompréhensions et les lacunes. Ce stage est l’occasion de reprendre certains détails, depuis le début, et ce en toute confiance. Alors on répète la chronologie des évènements, à savoir placer le bateau bout au vent, ouvrir le taquet de l’écoute et du hale-bas, envoyer la grand-voile tout en surveillant le passage du lazy jack puis étarquer avec le winch... La brise timide et la mer plate permettent de prendre le temps de décomposer avant de hisser donc, puis de dérouler, virer ou empanner. Le soir venu, amarré à côté de l’imposant Spindrift, c’est l’heure du premier bilan. Adeline, un peu sonnée, digère le flflot d’informations. Sylvie ponctue la discussion de plaisanteries. Et Christine, studieuse, souhaite