Voile Magazine

California dreaming

Au terme de leur mésaventur­e en Alaska, où avait perdu son mât (VM n°232), l’équipage familial a rejoint les côtes de Californie et fait escale dans une baie mythique...

- Texte et photos : Gilles Ruffet.

DEBUT SEPTEMBRE,

nous avons quitté Port Angeles, dans le détroit de Juan de Fuca, dans l’Etat de Washington, en direction du sud et de la Californie. Le temps pressait. Dans cette région, les premières tempêtes automnales arrivent vite, et la règle communémen­t admise préconise d’avoir quitté la zone avant la mi-septembre. Après Juan de Fuca, qui conduit notamment vers les gros ports de Vancouver et de Seattle, la côte le long de l’Oregon est des plus inhospital­ières, et même l’accès à certains grands ports de commerce, c’est notamment le cas de Portland sur la Columbia River, est souvent interdit aux petits bateaux, la barre à l’entrée du fleuve étant jugée trop dangereuse dès que s’est levée la houle d’hiver. Quand elle s’oppose à un courant sortant, elle devient même infranchis­sable. La météo est bonne et le vent portant, d’ailleurs il vaut mieux car si la grand-voile d’occasion que nous avons achetée pour ce convoyage est tout à fait propre, avec trois bandes de ris, le yankee qui nous sert de voile d’avant, sur l’enrouleur, même s’il est en bon état, possède un point d’écoute bien trop haut pour propulser Coccinelle effificace­ment contre le vent. Mais quelle joie de naviguer de nouveau à la voile, et quel bonheur pour tout l’équipage, Apolline, Camille, Armelle et moi, de se sentir porté par les ailes de la Cox, d’être libre de nouveau, et de posséder un vrai bateau à voile prêt (pas encore tout à fait, il nous manque les voiles neuves !) à naviguer sur toutes les mers du monde. La côte est moins rude et sauvage après le cap Mendocino, la météo annonce sur les canaux dédiés de la VHF des vents de sud dans la région de San Francisco, Eureka nous ouvre ses bras. On devait y rester deux ou trois jours, nous y sommes finalement restés deux semaines. Car les deux derniers mois et demi ont été intenses. Suite au démâtage, il a fallu convoyer au moteur en Alaska, puis assurer le transport en camion, chercher un mât, enfin trouver un chantier pour mâter... avant de nous lancer dans cette navigation vers les côtes de Californie. Après ce rush, nous avons besoin de nous poser.

UN BATEAU SORTI D’UN EPISODE DE TOM SAWYER

Nous mouillons dans un bras de mer au centre-ville, à 100 mètres d’un ponton public accueillan­t. A peine sommes-nous mouillés depuis une heure qu’un vieux, très vieux bateau s’approche de nous. Il semble tout droit sorti d’un épisode de Tom Sawyer, avec sa ligne de steam boat, sa cheminée... Nous apprendron­s plus tard qu’il date du début du siècle, et qu’il s’agit là du plus vieux bateau à passagers encore en service aux Etats-Unis. Le temps est gris et pluvieux, le soir nous allumons le chauffage pour chasser l’humidité. Il tournera ainsi pratiqueme­nt chaque soir jusqu’à Los Angeles, où nous finirons par l’éteindre. Eureka est une petite ville, et nous n’avons eu qu’une fois un voisin au mouillage. Chose plus surprenant­e, quand Armelle est allée chez la coiffeuse, cette dernière savait qui elle était, qu’elle habitait sur le voilier ancré en ville depuis quelques jours, avec des enfants à bord. Le vent est annoncé portant avec très peu de houle, et pourtant la sortie de la passe d’Eureka, si calme quand nous y étions entrés deux semaines plus tôt, commence à s’éveiller. Le courant sortant lève une mer rugueuse, abrupte, et même si la passe est large, sans vent, cela n’aurait pas été un bon endroit pour que le moteur fasse des siennes. Puis la mer s’aplatit à mesure que nous gagnons vers le large, jusqu’à ce que l’on retrouve la mer du vent, au sud du cap Mandecino. Le lendemain soir, nous mouillons à Bodega Bay, dans un mètre d’eau devant Bodega. Le fond de la quille frotte sensibleme­nt la vase, et le lendemain soir, c’est la baie de Drake qui nous accueille. Pour l’histoire, Sir Francis Drake, explorateu­r, ne trouva pas, lors de son passage ici, l’entrée de la baie de San Francisco, à quelques dizaines de milles plus au sud, et c’est dans cette vaste baie, encore déserte aujourd’hui, qu’il passa un hiver.

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