Voile Magazine

Transat Jacques Vabre, c’est maintenant

Un an après le départ du Vendée Globe et à tout juste douze mois de la prochaine Route du Rhum, cette édition de la Transat Jacques Vabre va réunir une nouvelle fois le gratin de la course au large. Tour d’horizon.

- Texte : Paul Gury.

LA CELEBRE TRANSAT en double honore sa 13e édition avec au programme un parcours de 4 350 milles sans marque de passage entre Le Havre et Salvador de Bahia. Après Itajai en 2013 et 2015, déjà en terre brésilienn­e, la course renoue avec cette escale historique de la route du café, point d’arrivée de quatre éditions consécutiv­es de 2001 à 2007. Un retour aux sources pour cette épreuve qui a vu le jour en 1993 sous le nom de Route du Café avant de trouver, en 1995, sa formule actuelle – le double – et son partenaire titre, Jacques Vabre. Depuis, les aventures humaines, les drames parfois – on se souvient de la disparitio­n en 1999 de Paul Vatine – ont écrit la légende de cette transat en double. Les plus grands noms de la course au large y ont fait leurs armes, de Franck Cammas à Eric Tabarly, en passant par Loïck Peyron, Laurent Bourgnon ou encore François Gabart. Idéalement située dans le calendrier des régates océaniques, entre Vendée Globe et Route du Rhum, cette transat bisannuell­e est appréciée par les coureurs autant pour la difficulté de son parcours que pour son format en couple. D’ailleurs, la constituti­on de ces doublettes était très attendue lors de la conférence de presse organisée au Pavillon des Champs-Elysées, à Paris, le 20 septembre dernier. En premier lieu, l’associatio­n entre Erwan Le Roux et Vincent Riou en Multi 50, sur Fenêtréa

Mix Buffet, qui cumulent treize participat­ions et cinq victoires à eux deux, n’est pas passée inaperçue. Idem pour celle de Lionel Lemonchois et Bernard Stamm sur Maxi Prince

de Bretagne et leurs onze engagement­s cumulés, ou encore celle de Jean-Pierre Dick et Yann Éliès ( St-Michel-Virbac) et leurs quatre victoires sur l’épreuve en neuf participat­ions. Il y a aussi les couples à la ville qui confirment leur complicité sur l’eau à l’image d’Halvard

Lionel Lemonchois et Bernard Stamm sur Prince de Bretagne : un duo haut en couleur !

Mabire et Miranda Merron en Class 40, qui s’élancent ensemble pour une seconde fois. Quant à Séverine Escoffier et Louis Burton, à bord de l’ancien Banque Populaire VIII, ils forment un duo complément­aire : elle, forte de son expérience de préparatri­ce technique du Team Bureau Vallée, lui de son dernier Vendée Globe bouclé à une belle 7e place.

LA GESTION COMPLIQUEE DU MAUVAIS TEMPS

L’histoire de la Jacques Vabre se nourrit avant tout de ces rencontres et de ces expérience­s humaines. Tandis que sur le plan sportif, les compétiteu­rs peuvent tirer 100% du potentiel de leurs machines en s’évitant les soucis relationne­ls propres aux équipages nombreux. En définitive, le succès dans cette course dépendra en grande partie de ces alchimies qui fonctionne­nt ou se délitent au fil des milles et des choix tactiques. Or de multiples options vont se poser aux 79 bateaux engagés avec une sortie de la manche et un dégolfage rendus souvent houleux par les perturbati­ons automnales. A ce propos, l’organisati­on devra peut-être faire face à la gestion toujours compliquée du mauvais temps entre respect de la sécurité des marins et obligation­s médiatique­s. On a tous en tête le report de quatre jours du départ de la 11e édition en 2013 pour cause de tempête. Il était finalement donné le 7 novembre alors que se présentait, deux jours plus tard, une nouvelle dépression. Une partie de la flotte d’ailleurs n’y résistera pas, en témoignent le chavirage spectacula­ire d’Arkema et l’abandon de Maître

Jacques sur avarie de flotteur. Et l’on ne comptera plus les nombreuses escales techniques, y compris chez les leaders ( Macif,

GDF SUEZ, Tales Santander 2014...), avec pour effet un bouleverse­ment des classement­s. Pour se donner une marge de sécurité un peu plus confortabl­e, l’organisati­on de course, présidée par Sylvie Viant, se donne le droit d’avancer le jour du départ de 24 heures en fonction des conditions météo prévues le 2 novembre. Ou tout simplement de retarder celui-ci d’une journée ou plus si nécessaire. Toujours côté stratégie, l’anticyclon­e des Açores, parfois flottant en cette saison, pourrait aussi faire des siennes, obligeant les concurrent­s à aller chercher l’alizé très au sud avant de pouvoir entamer la descente vers l’équateur et le Brésil. Autre obstacle à éviter, et pas le moindre : le fameux pot au noir dont les sortilèges peuvent engluer une partie de la flotte ou, a contrario, servir de passage à niveau pour ceux qui auront réussi à le traverser avant les autres. Mais une fois la flotte arrivée dans l’hémisphère sud, le flux de sud-est issu de l’anticyclon­e de Ste-Hélène ne devrait pas créer de grande surprise, la route jusqu’à l’arrivée s’effectuant sur un seul bord. Cette partie de la course le long des côtes brésilienn­es n’est d’ailleurs pas du goût de tous, certains coureurs regrettant de ne pas faire cap sur Carthagène en Colombie, ou Puerto Limon au Costa Rica comme lors de précédente­s éditions. En effet, sur ce type de parcours, les cartes peuvent être rebattues jusqu’au dernier moment puisqu’il s’agit de traverser l’Atlantique Nord puis la mer des Caraïbes en multiplian­t

Le nouveau plan Lift 40 est un candidat sérieux à la victoire.

les empannages dans l’alizé de nord-est. Cette année, 78 concurrent­s formant 39 tandems sont attendus sur la ligne de départ devant le port du Havre, le 5 novembre prochain. Trois Ultimes seront au rendez-vous dont la toute dernière pépite de chez Gitana Team skippée par Sébastien Josse, déjà vainqueur de la Jacques Vabre en 2013 sur MOD 70, associé cette année à Thomas Rouxel. Le duel annoncé entre cette dernière génération de trimarans volants et le Sodebo IV emmené par Thomas Coville et son routeur Jean-Luc Nélias devrait tenir le haut de l’affiche. D’un côté un bateau révolution­naire post-archimédie­n avec ses foils en V – les plus grands du monde – capable d’atteindre des vitesses supérieure­s à 45 noeuds, de l’autre un Ultime extrêmemen­t bien rodé qui fait tomber les records les uns après les autres. Mais il faudra aussi compter sur Prince de Bretagne skippé par Lionel Lemonchois, bien connu pour la justesse de ses choix stratégiqu­es et qui s’est adjoint les services du Suisse Bernard Stamm, réputé pour son dynamisme et sa prise de risques. En Multi 50, l’assoupliss­ement récent de la jauge en matière d’appendices a permis de redynamise­r cette classe de multicoque­s en consacrant l’arrivée des foils. Ce ne sont pas moins de six équipages qui s’élanceront en direction de Salvador de Bahia, dont le tout nouveau Celia Village de Thierry Bouchard et Oliver Krauss construit chez CDK Technologi­es, destiné à voler grâce à ses foils. Lalou Roucayrol et Alexandre Pella sur Arkema pourraient également créer la surprise depuis qu’ils ont ajouté des plans porteurs qui augmentent sensibleme­nt la vitesse moyenne du bateau. Enfin, Réauté Chocolat (Armel Tripon et Vincent Barnaud), certes plus classique, vient de remporter la dernière édition de l’Armen Race et le Tour de Belle-Ile. Pas de doute, ce Multi 50 en a dans le ventre…

DOUZE IMOCA DU VENDEE GLOBE

La classe IMOCA n’est pas en reste sur cette édition avec ses treize participan­ts même si l’on n’atteint pas le record de 2015 avec ses vingt voiliers engagés en préparatio­n du Vendée Globe. Pourtant, douze d’entre eux ont participé à cette dernière édition dont cinq foilers : l’ex- Banque Populaire VIII d’Armel Le Cléac’h, désormais sous les couleurs de Bureau Vallée 2, le Maître Coq de Jérémie Beyou racheté par Tanguy de Lamotte qui sera mené par Sam Davies, l’ancien Safran repris par la société Kairos avec toujours Morgan Lagravière aux commandes, la monture de Sébastien Josse devenu Malizia II qui court sous les couleurs du Yacht-club de Monaco emmené par la paire Hermann-Ruyant, et enfin l’incontourn­able St-Michel Virbac dont le tandem Dick-Elies devrait faire parler la poudre. Nous devrions assister au remake de la première partie de la célèbre course en solitaire autour du monde. L’occasion pour certains de prendre une revanche comme Kito de Pavant, toujours malchanceu­x sur cette course (trois abandons en autant de participat­ions), pour d’autres de se préparer à la prochaine Route du Rhum, à l’instar de la paire Meilhat-Gahinet sur un SMA revisité l’été dernier. Contrairem­ent à l’édition précédente qui avait connu une véritable hécatombe (onze abandons sur vingt inscrits), cette fois-ci les bateaux sont affûtés ! Quant à la Class 40, la plus fournie avec ses dix-sept bateaux, elle est peut-être aussi la plus relevée. Difficile de choisir ses favoris entre les jeunes loups aux dents longues et les vieux routiers abonnés aux podiums de la classe, à l’image du couple Mabire-Merron dont on connaît le talent et la régularité, ou encore de SharpSantu­rbe qui caracolent en tête du championna­t après leurs victoires sur le Grand Prix Guyader et la Normandy Channel Race. Sans oublier le tandem Sorel-Carpentier qui vient de remporter la Fastnet Race ou encore la paire Duc-Loison dont le nouveau bateau, Carac, mis à l’eau en juillet dernier, s’annonce très performant. Du côté des jeunes pousses, Tom Laperche, tout juste vingt ans, embarqué avec Christophe Bachmann, réalise son rêve : traverser l’Atlantique en course ! C’est aussi au sein de cette catégorie que l’on retrouvera le plus de femmes puisque sur les six engagées sur cette édition, trois vont courir en Class 40. A l’heure de la parité, on est encore loin du compte et ce n’est pas Isabelle Joschke sur Generali qui nous dira le contraire, cette dernière étant l’ambassadri­ce sur cette course de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la société.

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