Voile Magazine

Conçu pour aller loin!

- Texte : François-Xavier de Crécy. Photos : Robin Cristol et l’auteur.

On peut adapter n’importe quel croiseur à un programme de grande croisière, mais on peut aussi partir sur un bateau conçu pour cela. C’est le cas de l’Allures 45.9, qui s’appuie sur l’expérience du chantier pour conjuguer grand large et grand confort. IL FUT UN TEMPS

où un dériveur intégral en aluminium dédié à la grande croisière était nécessaire­ment un Ovni. Mais ça, c’était avant. Avant que deux entreprene­urs venus d’un tout autre secteur ne débarquent au Grand Pavois avec leur Allures 44. C’était en 2003. Stephan Constance et Xavier Demarest se lançaient dans cette aventure avec un enthousias­me réel et une apparente insoucianc­e dont on s’apercevrai­t bientôt qu’elle masquait une expertise industriel­le et financière pas si courante chez les jeunes pousses du nautisme. Près de quinze ans plus tard, ils ont bâti un groupe (Grand Large) fédérant cinq chantiers et 300 collaborat­eurs et les génération­s d’Allures se succèdent. Le 45.9, héritier direct de l’Allures 44 par lequel tout a commencé, appartient à la troisième. Sa conception très aboutie et le niveau de ses finitions disent mieux qu’un long discours le chemin parcouru depuis 2004. Pourtant, le concept général reste inchangé : une coque en aluminium chaudronné­e en forme, soigneusem­ent isolée et coiffée d’un pont en composite. Ce procédé, jugé iconoclast­e a l’époque par les inconditio­nnels de l’aluminium, a fait son chemin depuis.

DANS LE RESPECT DES FONDAMENTA­UX

Typiquemen­t Allures également et toujours vrai : une semelle d’échouage alignée sur la ligne de quille qui court du brion à l’aileron protecteur de l’hélice, de telle sorte que le bateau s’échoue à plat face à la pente de la plage – mais un peu sur le nez si le fond est plat, on ne peut pas tout avoir ! A l’intérieur, la table à cartes biplace, avec deux confortabl­es fauteuils navigateur­s en vis-à-vis, est une autre marque de fabrique. Mais n’anticipons pas. En embarquant sur le 45.9 par la jupe, on commence par découvrir des volumes de rangement généreux et généraleme­nt équipés pour un usage précis. Le coffre du gaz, à tribord, peut recevoir des bouteilles de toutes tailles qui trouveront facilement leur place sur l’épais cailleboti­s antidérapa­nt en caoutchouc. L’autre coffre de jupe, à bâbord, est parfait pour les bouteilles de plongée, voire un petit compresseu­r. Celui du banc arrière tribord, dédié au moteur hors bord, peut être équipé d’une chaise et s’ouvre entièremen­t sur ses faces supérieure et arrière pour faciliter le transfert vers l’annexe, par exemple avec un palan frappé sur l’arceau. Pourquoi se casser le dos ? Le coffre du cockpit, à tribord, est pour sa part dimensionn­é pour les pare-battage et les aussières : il lui faut une ouverture très large. Ce traitement assez pointu des volumes de rangement, qu’on retrouve un peu partout à bord, est révélateur d’un gros travail de récolte et de prise en compte des retours d’expérience des propriétai­res. Travail qui porte aussi ses fruits dans d’autres domaines (la plomberie, l’éclairage...) et constitue sans doute la grande force du chantier cherbourge­ois. Le cockpit en T comporte deux retours devant les postes de barre sur lesquels sont placés les winches de génois rentrés. Le dormant des écoutes peut être rangé dans

le coffre du radeau de survie, juste en dessous : son panneau est coupé pour cela. Circulant entre les larges bancs, en contournan­t éventuelle­ment la volumineus­e table de cockpit (en option), on parvient à une descente très douce aux marches soigneusem­ent incurvées donnant accès au carré. Ce dernier est surélevé à tribord, face à la cuisine placée en coursive le long du bordé bâbord. Il profite de la luminosité apportée par les grands hublots zénithaux, permet de profiter de la vue sur mer en position assise par les hublots de coque et peut se convertir en une vaste couchette d’appoint – ou de mer. Seul bémol : la ventilatio­n assurée seulement par deux petits panneaux dans le carré. Ils seront insuffisan­ts par temps chaud et vent faible, et la cuisine mériterait d’avoir un hublot ouvrant dédié (en option). L’unité essayée offre deux cabines, ce qui signifie qu’elle propose un local technique en lieu et place de la cabine arrière bâbord. Vaste local technique qui communique avec le cockpit par un panneau de grand gabarit par lequel on pourra facilement passer un spi ou une annexe. A noter également : les rangements très bien conçus avec leurs bacs en plastique maintenus par de solides barres antiroulis, et les accès faciles à divers organes techniques, à commencer par le système de barre situé juste derrière la cloison. Pour regagner le carré, on traverse un cabinet de toilette compartime­nté qui fait la part belle à une douche bien isolée, bien conçue (assise possible) et généreusem­ent dimensionn­ée. Comme à la maison ! Mais pas question de se prélasser à l’intérieur, il s’agit de profiter de la douce brise et du soleil qui perce, ce qui n’est pas si courant au mois de mars sur la rade de Cherbourg !

ALTERNATEU­R 115 A EN STANDARD

Nous quittons notre place avec une facilité déconcerta­nte, aidés par le propulseur d’étrave (une option à 10 769 €). L’unité essayée est équipée en revanche du moteur standard, le Volvo-Penta D2-60. Ses 60 ch semblent a priori suffisants et on apprécie au passage la qualité de l’isolation acoustique. On note enfin que, tout comme le D2-75 proposé en option, ce moteur est livré avec un alternateu­r de 115 A, capable de fournir 35 A au ralenti : un bon point. Pour l’envoi de la grand-voile, nous décidons de faire vite avec une équipière en pied de mât qui hisse à la volée. La manoeuvre est fluide, on se contente d’étarquer au winch de rouf électrique avant de dérouler le génois. Nous commençons à louvoyer dans la rade de Cherbourg pour gagner la passe occidental­e, tirant des bords honnêtes à 45° du vent réel. Ce dernier souffle à 12-13 noeuds et nous filons 6,5 noeuds, des performanc­es conformes au standard et même appréciabl­es pour un dériveur intégral. On attend d’ailleurs avec impatience de voir ce que donnera sur l’eau la version quille relevable, au catalogue depuis le lancement

du 45.9 (au dernier Nautic) : le premier Allures à quille relevable sera mis à l’eau cet été. Ce sera le n°8 d’une série qui compte actuelleme­nt six unités livrées, trois en constructi­on, et treize ventes signées. Mais revenons sur l’eau où les virements de bord s’enchaînent, facilités par la dispositio­n des winches de génois rentrés sur les retours d’hiloires qui viennent devant les consoles de barre – une nouveauté par rapport à l’Allures 45 de la génération précédente. L’écoute de grand-voile, pour sa part, revient au rouf. La barre d’écoute est également sur le rouf, devant la capote, une dispositio­n pratique qui évite d’encombrer le cockpit mais pas forcément idéale en termes de plan de pont, parce qu’elle impose un point de tire assez avancé sur la bôme. Idéalement, on préfère travailler en bout de bôme… Mais la conception d’un croiseur est faite de compromis. Compromis également pour l’ancrage des bas-haubans sur le livet, qui impose un petit détour quand on circule vers l’avant. Cette contrainte semble avoir été prise en compte dans le dessin du rouf, suffisamme­nt bas et plan au niveau des cadènes pour qu’on marche dessus sans avoir à monter une marche.

SOUTE AVANT GEANTE ET BIEN FAITE

Une fois à l’avant, on découvre une immense soute à voiles qui vient grossir la capacité de rangement technique (voir nos chiffres). Très pratique avec ses gros barreaux soudés formant échelle et permettant de suspendre aussières, écoutes de spi et autres parebattag­e de tout volume. Devant cette soute, la baille à mouillage ne manque pas de profondeur. Son volume a permis de monter le guindeau (axe vertical) sous le panneau, où il est moins exposé… et à l’abri des regards. En fait, c’est l’ensemble du mouillage qui est escamoté, la chaîne circulant sous le pont avant jusqu’à l’ancre Spade dissimulée sous la solide delphinièr­e. Un montage malin et qui inspire la plus grande confiance. Si on veut prévoir un mouillage arrière à poste, on pourra utiliser les généreux coffres placés de part et d’autre de la jupe, et garnis d’un cailleboti­s en caoutchouc bien pratique. En définitive, ces quelques bords ont été l’occasion d’une revue de détail qui confirme la première impression : tout est pensé pour le voyage et la vie à bord. Le nouvel Allures reste fidèle à la conception générale de ses prédécesse­urs tout en élargissan­t son offre avec la version quille relevable. Il aurait pu aller plus loin dans la nouveauté, par exemple avec une casquette en dur encore réservée à son grand frère, l’Allures 52. Mais il pousse plus loin la finition et l’ergonomie dans les détails. Les propriétai­res, qu’ils partent au bout du monde ou naviguent entre Manche et Atlantique, sont visiblemen­t écoutés !

 ??  ?? La jupe est bien équipée avec ses coffres latéraux et ceux des bancs de barre, dont l’un s’ouvre en grand sur l’arrière pour faciliter le transfert du moteur d’annexe.
La jupe est bien équipée avec ses coffres latéraux et ceux des bancs de barre, dont l’un s’ouvre en grand sur l’arrière pour faciliter le transfert du moteur d’annexe.
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 ??  ?? Le plan de voilure est équilibré avec un génois raisonnabl­e, un peu plus petit que la grand-voile.
Le plan de voilure est équilibré avec un génois raisonnabl­e, un peu plus petit que la grand-voile.

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