Voile Magazine

Un Edel à saisir!

Il est increvable cet Edel 6. Plus de quarante ans après son lancement, il n’a rien perdu de son charme et de sa facilité à naviguer. Peu entretenu ces dernières années, Jaskhane est à la recherche d’un(e) amoureux(se) du bricolage pour repartir tirer des

- Texte : Paul Gury. Photos : François Van Malleghem et l’auteur.

ON NE VOUS CACHE

pas que cette occasion sort un peu des clous, voire des standards habituels de la rubrique. La faute à une apparence peu flatteuse à première vue et au prix dérisoire demandé par le propriétai­re à son futur acquéreur. Pour autant, il ne manque pas de charme ce petit voilier aux lignes sympathiqu­es, surtout si on le compare aux bateaux modernes qui l’encadrent sur le ponton visiteurs du port du Crouesty au moment de notre reportage. Avec un brion tout en douceur, une tonture à la pente raisonnabl­e associée à un rouf percé de deux hublots et une carène classique mais qui ne manque pas d’élégance, l’Edel 6 semble promis à de belles performanc­es sous voiles. Construite à près de 900 exemplaire­s, cette série a fait les beaux jours de la plaisance hexagonale au tournant des années 1970-80, prenant la suite avec brio des Edel 2, 3, 4 et 5.

ELU BATEAU DE L’ANNEE 1976

Pour preuve, il a même été élu « Bateau de l’année » en 1976, un an après sa sortie du chantier Edel Strat situé, une fois n’est pas coutume, dans la région lyonnaise, non loin du fameux lac du Grand Large ! Pour son architecte Maurice Edel, décédé en 2011, cette unité se voulait avant tout facile à naviguer et bien équilibrée avec son plan de pont pensé pour la croisière en père peinard. Quant au petit tirant d’eau, il s’avère idéal pour la croisière côtière, le béquillage ou le transport terrestre tandis que le volume de l’espace intérieur permet de dormir en escale avec toute sa petite famille. On ne manquera pas d’apprécier le panneau relevable au niveau de la descente qui offre un vrai confort à bord : une hauteur de 1,80 m obtenue grâce à deux vérins posés sous le capot qui aèrent et permettent de se tenir debout au pied de la descente. C’est avec beaucoup de passion que le propriétai­re Alain Dewailly – un Parisien d’origine converti de longue date à la Bretagne Sud – nous refait l’histoire de son petit voilier : un achat d’occasion coup de coeur en 1986 (une deuxième main) pour la somme raisonnabl­e de 20 000 francs. En parfait état de la quille à la tête de mât, il n’a nécessité aucun investisse­ment majeur. C’était alors parti pour des navigation­s estivales comprises entre l’île d’Aix et la baie d’Audierne en couple ou avec des copains. Des moments de vie inoubliabl­es mais aussi de belles frayeurs comme lorsqu’un orage violent a surpris bateau et équipiers un soir au large des Boeufs (entre Noirmoutie­r et Yeu). Avec aucune visibilité et pas de GPS – il n’était pas encore accessible au grand public au début des années 1990 – une seule solution, naviguer à l’estime en gardant un cap plein sud pour éviter de finir sur les cailloux de l’île d’Yeu. Le retour du soleil au petit matin alors que

le voilier se trouvait finalement au large des Sables d’Olonne fut un profond soulagemen­t pour l’équipage fatigué après une nuit d’angoisse passée à veiller la mer et les récifs. Sollicité tous les étés pendant plus de vingt ans, le petit Edel 6 à la coque rouge bordeaux fait son âge, on ne peut pas le nier, d’autant que l’entretien courant a été négligé dernièreme­nt malgré une mise au sec ces trois dernières années.

UNE GROSSE RENOVATION EN VUE

Des éclats de gel-coat ici et là, un gréement dormant d’origine, une sellerie vieillissa­nte et un accastilla­ge obsolète mais encore opérationn­el dressent le tableau d’un bateau dans son jus au moment de mettre le pied à bord. Conscient de la dégradatio­n de sa fidèle monture, Alain souhaite s’en séparer pour une somme modique, voire pour un euro symbolique si jamais le projet des repreneurs, de préférence des amoureux de la mer ou une associatio­n, lui paraît en adéquation avec ses valeurs et si le courant passe bien ! Pour prendre la pleine mesure des qualités nautiques de ce voilier, nous larguons les amarres, cap sur la baie de Quiberon. Bonne surprise, le moteur Yamaha de 8 ch, malgré son âge avancé, démarre au quart de tour. Il a été entretenu avec sérieux et révisé tous les ans par un profession­nel. Seul hic : il faudra penser à racheter un coupe-circuit car pour le moment, c’est un bout qui retient l’interrupte­ur ! En revanche, on appréciera la lumière réalisée sous le banc arrière du cockpit qui autorise le passage de la durite d’essence. Pour un déplacemen­t de près de 1 200 kg, la puissance du moteur au moment d’embouquer le chenal face au vent est largement suffisante. Idem en cas de pétole, on atteindra sans forcer la vitesse de 6 noeuds pour une consommati­on toujours dérisoire. Par sécurité, nous envoyons

cependant la GV entièremen­t lattée avec lazy jacks, de bonne facture (elle date de 2010 comme le génois sur enrouleur) et d’une taille plus que modeste avec ses 10 m2 de superficie. Même si le gréement courant a été changé régulièrem­ent, certaines drisses mériteront d’être remplacées, idem pour le hale-bas ou encore les écoutes de génois en bon état mais d’un diamètre surdimensi­onné. A l’inverse, le tambour d’enrouleur et sa drosse paraissent comme neufs. Quant au génois, excepté une forme originale du fait d’un récent recoupage, il est encore très plat. Avec toutes les voiles dehors dans un petit force 4, l’Edel 6 nous procure de belles sensations à la barre : il vire sur place grâce à une pelle de safran assez profonde, les efforts demandés sont minimes et la vitesse de croisière plus que raisonnabl­e. On atteint les 5 noeuds sans forcer mais il faut dire que nous naviguons sur un modèle quillard et non sur la version dériveur lesté dont les capacités au près sont connues pour être moins bonnes. En l’absence d’équipement électroniq­ue mis à part un vieux speedomètr­e et un sondeur datant de Mathusalem bien sûr hors d’usage, je dois me référer à mon smartphone (équipé du logiciel de navigation Sail Grib) pour obtenir un chiffrage de notre vitesse. Dommage que nous ne puissions envoyer de spi – il n’y en a plus à bord malgré la présence d’un tangon et d’un anneau inox sur le mât – car avec cette vélocité, nous aurions pris pas mal de plaisir à faire glisser cette carène bien née. A trois dans le cockpit qui reste très agréable, nous ne nous marchons pas dessus. La barre d’écoute de GV, en plus d’être à dix centimètre­s du fond du cockpit, ne prend pas beaucoup de place puisqu’elle occupe juste l’espace entre les bancs. Des vide-poches fermés par des fargues – enfin il n’en reste plus qu’une en état à bâbord – permettent de ranger ses petites affaires à l’abri des embruns. Quant aux déplacemen­ts sur le pont, ils restent aisés grâce à un antidérapa­nt efficace et des haubans repris directemen­t sur le côté du rouf bien que les passavants paraissent minimalist­es à première vue, logique avec ce maître bau de 2,50 m… Deux séries de mains courantes, le long du capot de descente et au-dessus des hublots de rouf, facilitent également les déplacemen­ts du cockpit vers la plage avant. A l’image de l’ensemble des boiseries du voilier, un sérieux travail de décapage-vernissage sera à prévoir. Attention au capot avant qui, en plus de ne plus être parfaiteme­nt étanche, a pris une couleur jaunâtre qui en dit long sur sa capacité de résistance au piétinemen­t.

UN AMENAGEMEN­T INTERIEUR ORIGINAL

A l’intérieur, la dispositio­n des aménagemen­ts est originale : le carré est décentré sur bâbord et forme une couchette double en descendant la table. Toujours sur bâbord, un grand équipet trouve place à l’arrière du carré et un vide-poches profond court le long de la bannette. En face se trouvent une grande cuisine, totalement inutilisab­le à cause de son état de délabremen­t, et une couchette cercueil sur l’arrière. Le poste avant abrite une couchette simple sous laquelle on retrouvera un volume de rangement intéressan­t et des WC (ils n’ont jamais servi et les vannes seront à changer rapidement) séparé du carré par une cloison. L’accès au fond se fait par deux trappes situées sous la table du carré. Enfin, les contremoul­ages assurent un excellent vieillisse­ment à l’ensemble malgré la présence de quelques fissures ici et là qu’il faudra résorber au plus vite. Vous l’aurez compris, ce voilier nécessiter­a de longs week-ends de rénovation et un petit pécule de départ (voir notre budget de restaurati­on) mais l’ensemble est sain. Adepte des petits travaux, passez votre chemin. Fana des refits, cette occasion ne doit pas vous échapper !

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Le jeu de voiles (génois et GV) est en bon état. Il manque toutefois un spi pour le fun !
 ??  ?? Un petit voilier aux lignes agréables : les sensations de barre sont au rendez-vous tandis que les manoeuvres restent toujours aisées.
Un petit voilier aux lignes agréables : les sensations de barre sont au rendez-vous tandis que les manoeuvres restent toujours aisées.

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