Voile Magazine

1990 : LE SACRE DE FLORENCE

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POUR SA QUATRIEME

édition, l’épreuve inventée par Michel Etevenon n’a pas besoin de courir après sa légende. Sa bonne fée s’appelle cette fois Florence Arthaud. D’autant que sa victoire, pour magique qu’elle soit, ne doit rien au hasard. En grandissan­t, Florence a compris que la victoire ne s’improvise pas. Ni ne relève d’une quelconque alchimie. Pour gagner, il faut naviguer, toujours naviguer. Aux côtés de son vieux complice Alain Gabbay, elle a embarqué sur le maxi Charles Jourdan pour trois étapes de la Whitbread 89. Si la cohabitati­on entre ces deux caractères bien trempés monte parfois dans les tours, Florence s’aguerrit avant de disposer pour le Rhum d’un trimaran au top dont la déco a été confiée au talentueux Yannick Mannier. Avec Christian Garrel, le patron du Groupe immobilier Pierre 1er, son sponsor, elle a tissé des liens harmonieux. Elle travaille en totale osmose avec ses préparateu­rs, Patrick Maurel et Gabby, Gabriel Guilly. Elle les respecte, ils l’écoutent. Rare ! Lors du baptême de Pierre 1er célébré en grande pompe, c’est Michel Etevenon qui a le privilège de casser la bouteille. « Votre course pourrait être bien la mienne » lui annonce Florence. Paroles prémonitoi­res. Elles le seront d’autant plus que Florence s’est offert avant le départ un aller et retour vers Newport. On l’a rayé de nos mémoires quand elle débute sa folle chevauchée vers Pointeà-Pitre. En la voyant partir avec une minerve liée à des problèmes de cervicales, qui aurait parié sur la petite fiancée de l’Atlantique – un pseudo qu’elle haïssait ? Après deux jours de mer, son décodeur tombe en panne. Du côté des Açores, des problèmes d’énergie la privent d’instrument­s et des services de son routeur Louis Bodin, Monsieur météo de TF1. En aveugle ou plutôt à l’instinct, elle se sort de toutes les embûches, prenant les bonnes options. Elle doit même faire face à des problèmes de santé avec une hémorragie qui la laisse sans forces. Mais pas question de lever le pouce ni le pied pour franchir la ligne d’arrivée dans la nuit antillaise, offrant aux bateaux suiveurs la plus belle et la plus fantastiqu­e des arrivées. Je me souviens que le ciel avait sorti son plus beau visage alizéen. La mer semblait s’unir à la fête. L’eau prenait des allures de métaux en fusion où se mêlaient l’or et l’argent, les couleurs de Pierre 1er. Même Olivier, pas toujours tendre avec la gent féminine, avait tenu à lui rendre un vibrant hommage : « Elle a su forcer dans le mauvais temps et prendre les bonnes options. Ce qui me ravit, c’est qu’elle a gagné à la loyale. Elle a eu la grâce ». C’est vrai qu’à l’arrivée, où l’attendait Louis Le Pensec, ministre de la Mer, elle s’était fait prier pour donner une conférence de presse avant d’accepter de raconter sa course. Puis elle s’était lâchée, précisant que son hémorragie l’avait réduite à l’état de loque. Qu’elle avait même failli déclencher sa balise de détresse. Avec Florence et grâce à Florence, la voile océanique entrait en peopolisat­ion. Le 9 mars 2015, à cause d’un stupide accident d’hélicoptèr­e, elle l’a définitive­ment quittée, nous laissant sans voix. 31 concurrent­s, 11 classés. 1ère : Florence Arthaud ( GroupePier­re1er), 14 j 10 h, 2e : Philippe Poupon ( FleuryMich­onIX), 14 j 18h, 3e : Laurent Bourgnon ( RMO), 14 j 18 h.

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La plus belle de toutes, l’arrivée de Florence Arthaud debout sur le flotteur de son tri Groupe Pierre 1er.

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