1994-1998 : LE DOUBLÉ DE LAURENT
C’ETAIT ECRIT,
inscrit dans ses gènes. A 28 ans, Laurent Bourgnon ne pouvait que remporter la Route du Rhum. Il fera mieux, en inscrivant son nom et celui de son sponsor Primagaz à deux reprises sur la plus haute marche du podium. Du jamais vu dans la longue histoire du Rhum. Une surprise ? Pas vraiment. Car pour tous ceux qui l’ont approché, Laurent naviguait en parfaite osmose avec la mer qu’il avait appris à tutoyer depuis son enfance sur le bateau familial. Tout semblait lui réussir, quitte à casser les codes, à se débarrasser du superflu. Quand il s’aligne dans la Mini en 1987 sur un Coco qu’il mènera à la deuxième place, il déchire avant le départ les pages inutiles des Instructions nautiques. Il casse en deux le manche de sa brosse à dents pour gagner quelques grammes et laisse sur le quai ses vêtements de rechange. Sa résistance est sans limites. Pour preuve, l’année précédente, celle du Rhum remportée par Philippe Poupon, il traverse l’Atlantique sur un Hobbie Cat 18 avec Fred Gilardi. Sûr, ce petit gars, belle gueule et physique athlétique, est capable de tout. Même de remporter la victoire lors de sa première participation à la Course du Figaro. Unique dans les annales de la Solitaire. Et puis, en 1990 il y a le Rhum où il se lance pour la première fois sur RMO et termine troisième. Il fait désormais partie des grands et le confirme en remportant l’édition 94 où, pour la première fois, multis et monos ont droit à un classement séparé. Sa victoire ne doit rien au hasard. Il s’est fait suivre avant le départ par un médecin spécialisé dans le sommeil. Il entretient des relations privilégiées avec son routeur Richard Silvani. Et sur un autre registre, adepte du free-style, il a une façon bien à lui de mener son tri Primagaz qu’il fait naviguer sur un seul flotteur, coque centrale hors de l’eau. C’est un festival qu’il offre aux bateaux suiveurs à quelques milles de l’arrivée. On le verra se suspendre à l’extrémité de son bout-dehors, Faire le poirier sur le flotteur au vent de son tri avant de saluer, bras levés au ciel, son équipe. Avec l’abandon de bon nombre de concurrents dont certains comptaient parmi les favoris, Loïck Peyron, Francis Joyon, Jean Maurel ou encore Mike Birch, la course se résume à un mano a mano avec le Havrais Paul Vatine handicapé par des problèmes techniques. Paul termine à trois heures de Laurent tandis que les deux monocoques de 60 pieds d’Yves Parlier et Alain Gautier occupent les troisième et quatrième places. Quatre ans plus tard, la Route du Rhum réunit pour son dixième anniversaire pratiquement les mêmes acteurs même si l’on note l’arrivée d’une petite nouvelle, l’Anglaise Ellen MacArthur engagée sur un mono 50 pieds, Kingfisher. Chez les garçons, Thomas Coville a remplacé Yves Parlier, sérieusement blessé lors d’un accident de parapente. Il finira premier des monocoques. Autre marin en devenir, Franck Cammas qui fait ses premières armes sur le Rhum. En terminant à la troisième place sur le tri Groupama, il prévient qu’il faudra retenir son nom. Quant à la course, elle ne manque pas de points communs avec l’édition précédente. Sur la fin, elle se résumera encore à une bagarre opposant Laurent Bourgnon à Alain Gautier. Au terme de ses deux victoires, Laurent fait ses adieux à la course pour armer un cata à moteur et partir en famille. Il était heureux, appréciait sa nouvelle vie sous le soleil avant ce tragique accident de plongée survenu en Polynésie le 24 juin 2015. 1994. 25 concurrents, 13 classés. 1er : Laurent Bourgnon ( Primagaz), 14 j 6 h, 2e : Paul Vatine ( RégionHte-Normandie), 14 j 9 h, 3e : Yves Parlier (mono Cacolacd’Aquitaine), 15 j 19 h. 1998. 35 concurrents, 27 classés. 1er : Laurent Bourgnon ( Primagaz), 12 j 8 h, 2e : Alain Gautier ( Brocéliande), 12 j 11 h, 3e : Franck Cammas (Groupama), 12 j 19 h.