2002 : UN RHUM AU GOUT AMER
MICHEL ETEVENON,
n’est plus là pour arpenter les quais du bassin Vauban. L’inventeur de la Route du Rhum est décédé l’année précédente. Mais sans doute aurait-il esquissé un sourire en découvrant les dix-huit trimarans de la flotte ORMA qui s’apprête à prendre le départ du Rhum. En nombre de participants, on peut une nouvelle fois parler de record. Tous les acteurs de la classe ORMA, l’Ocean Racing Multihull Association, traduisez l’Association des multis de course océaniques sont présents. Si bon nombre d’entre eux ont couru les Grands Prix de la saison disputés en rade devant un public clairsemé, seuls quelques-uns leur ont apporté des modifications pour les adapter à la course au grand large, en les équipant, par exemple, de protections au niveau des postes de barre. Sont-ils prêts à affronter la première très forte dépression annoncée sur le golfe de Gascogne ? La question ne se pose pas. Tout comme elle n’est pas à l’ordre du jour du côté des dix-sept 60 pieds monocoques IMOCA que les nouveaux organisateurs de la Route du Rhum ont décidé de faire partir 24 heures avant les multis. Il y a quatre ans à Saint Malo, Ellen MacArthur s’essayait au Rhum sur un 50 pieds. En quatre ans, sur un IMOCA, elle a changé de statut. Elle est devenue une star en terminant deuxième du Vendée Globe 2000/2001 derrière Michel Desjoyeaux. Ça ne lui ressemble pas mais Mich’Dej n’affiche pas, à Saint-Malo, sa sérénité des grands jours. Son trimaran Géant a connu de multiples problèmes techniques depuis sa mise à l’eau, imposant de nombreux retours au chantier. Ce qui était un handicap va se révéler, au final, un atout pour accéder à la plus haute marche du podium. Revenons-en aux faits : le début de course ressemble à un véritable massacre. Dans la famille ORMA, ça tombe comme à Gravelotte. Quelques trimarans résistent à la violence de la première dépression du golfe de Gascogne, puis à la seconde au large du Portugal, générant des vents jusqu’à 50 noeuds. En quelques jours, la flotte est au tapis. Cammas, Bourgnon, Joyon, Monnet sont tous victimes d’un chavirage. Loïck Peyron est contraint d’abandonner son bateau sur rupture du flotteur tribord. Géant est contraint à un stop éclair en rade de Brest, puis à un second arrêt à Madère. Les dessous des bras de son trimaran sont endommagés. Quand il repart, le leader, le Suisse Steve Ravussin a déjà engrangé 600 milles d’avance sur ses rares poursuivants. Selon toute logique, la victoire ne saurait lui échapper. Mais un coup de théâtre va changer le cours des choses. Il chavire dans un grain sous gennaker, pour avoir choqué trop tard. « Ravussin perd la tête, Mich’Dej la récupère » titre un quotidien national. Si le marin de la vallée des Fous s’adjuge la victoire, il n’est pas le premier à franchir la ligne d’arrivée. Deux monocoques partis 24 heures avant l’ont précédé, menés par deux Britanniques, Ellen MacArthur et Mike Golding. Une première, et encore une première dans la famille ORMA. Sur les dix-huit partants, seuls trois couperont la ligne d’arrivée. Le glas sonne pour la classe ORMA. 58 concurrents, 28 classés. 1er : Michel Desjoyeaux ( Géant), 13 j 7 h, 2e : Marc Guillemot ( LaTrinitaine), 13 j 19 h, 3e : Lalou Roucayrol ( BanquePopulaire), 14 j 7 h. Monocoques 1ère : Ellen MacArthur ( Kingfisher), 13 j 13 h, 2e : Mike Golding ( Ecover), 13 j 22 h, 3e : Joé Seeten ( Arcelor), 16 j.