Voile Magazine

Et les autres IMOCA?

Ce ne sont pas moins de vingt-un monocoques IMOCA qui devraient prendre le départ de la Route du Rhum le 4 novembre prochain. Dans le paquet, des favoris mais aussi un bon nombre d’outsiders à surveiller de près. Tour d’horizon de la flotte engagée.

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LA PARTICIPAT­ION est en nette hausse par rapport à l’édition précédente durant laquelle « seulement » neuf concurrent­s s’étaient tiré la bourre sur l’Atlantique. Depuis, l’évolution de la jauge, la constructi­on d’une nouvelle génération de bateaux mise à l’eau en 2015 avec foils et le Vendée Globe 2016 sont passés par là. Cette année, les foilers navigueron­t pour la toute première fois sur une course au large presque à parité parfaite puisque dix d’entre eux sont équipés de ces appendices révolution­naires. Les favoris seront sans surprise à chercher dans ce paquet-là. A l’exception peut-être de SMA emmené par Paul Meilhat, un IMOCA à dérives droites préparé par l’écurie de Michel Desjoyeaux, Mer Agitée. Malgré une blessure à l’épaule qui l’a éloigné de l’océan depuis fin juin, Paul connaît son IMOCA par coeur. D’autant que ce dernier n’a pas évolué depuis la dernière Transat Jacques Vabre sur laquelle il s’était classé à une belle deuxième place. Le skipper lorientais, après sa participat­ion au Défi Azimut fin septembre, est allé rejoindre l’équipe du Pôle Finistère de Port-la-Forêt pour retrouver des sensations et parfaire sa condition physique. En espérant des conditions ventées et du près sur la première partie du parcours, voire un scénario avec beaucoup de changement­s de voiles. Toutes ces conditions permettent à SMA de faire jeu égal avec les meilleurs foilers de la course. A l’image du petit dernier de la classe IMOCA, Charal, mis à l’eau l’été dernier. Cette carène, signée VPLP, affiche une modernité assumée avec son arrière arrondi et son étrave frégatée associé à des foils hors normes. Actuelleme­nt en pleine préparatio­n, Jérémie Beyou calme vite le jeu lorsqu’on évoque sa victoire possible sur la Route du Rhum : « Il s’agit d’arriver à St-Malo en ayant combiné les facteurs voiles, appendices et ballasts en fonction de chaque plage de vent et de mer. Ce qui est impossible à faire en moins de deux mois. Mon objectif serait de pouvoir tirer 100% du potentiel de mon bateau à certains moments de la course mais mon niveau de préparatio­n risque d’être trop juste pour cela. Et puis les statistiqu­es du « bateau neuf » ne jouent pas en ma faveur… » Du nouveau également chez PRB, puisque cette année Vincent Riou s’alignera au départ sur son IMOCA du dernier Vendée, mais doté de foils dernière génération très proches de ceux de Charal en termes d’envergure et de design – avec réglage du rake. Allié à l’expérience de son skipper et à un déplacemen­t léger avantageux sur les bords de portant, PRB a tout pour briller sur cette Route du Rhum. D’ailleurs, il vient de remporter le Défi Azimut haut la main dans des conditions assez musclées qui pourraient être celle du départ de St-Malo. Il faudra également compter sur Malizia II skippé par Boris Herrmann qui, à la barre de l’ancien Edmond

de Rothschild de Seb Josse, s’était classé à une belle quatrième place lors de la Jacques Vabre 2017. Définitive­ment un IMOCA à foils bien né au potentiel encore largement sous-exploité. Sam Davies la Franco-Britanniqu­e, forte de son expérience acquise sur Volvo Ocean Race 2018, quittera la cité malouine à bord du nouveau Initiative­s-Coeur. Ce dernier, relooké

par l’ajout de foils modernes, a subi en sus un réaménagem­ent de ses ballasts (800 litres d’eau en moins pour un moment de redresseme­nt identique grâce à un positionne­ment plus excentré de ceux-ci autorisé par les dernières évolutions de la jauge), une améliorati­on de l’ergonomie intérieure et du jeu de voiles pour coller au physique de la navigatric­e. « Je pars sans pression avec l’objectif affiché de finir dans les cinq premiers. Mon bateau est prêt, j’ai beaucoup croisé en solitaire ces dernières semaines, tout est possible si je navigue bien sur les 36 premières heures de la course ».

ALEX THOMSON NE LACHERA RIEN !

Quant au Britanniqu­e Alex Thomson, peu présent ces deux dernières années sur le circuit IMOCA, il reste un prétendant sérieux à la victoire sur son fidèle Hugo Boss équipé de nouveaux foils. Lors d’une transat d’entraîneme­nt, il a même réussi « officieuse­ment » à battre le record de distance sur 24 heures. Après un Vendée Globe de folie, Alex se lance un nouveau défi avec cette première participat­ion à la Route du Rhum. Les concurrent­s sont prévenus, l’Anglais ne lâchera rien ! Enfin, le Bureau

Valley 2 de Louis Burton pourrait bien déjouer les pronostics. Aux commandes de l’ancien

Banque Populaire VIII d’Armel Le Cléac’h et nonobstant une préparatio­n en marge des autres, le Malouin a planifié un programme d’entraîneme­nt intensif pour s’aligner dans les meilleures conditions d’ici au 4 novembre prochain. « Avec mon nouveau jeu de voiles, le fort potentiel du bateau et l’expérience acquise sur lui lors de la dernière Jacques Vabre, je vise une place dans les dix premiers. Entre 85 et 120° du vent réel, ma machine est redoutable et relativeme­nt facile à faire marcher ! » Pour Fabrice Amedeo ( Newrest-Art

et Fenêtres) qui naviguera sur l’ancien No Way Back de Pieter Heerema (17e du dernier Vendée), le mystère reste entier sur ses capacités à obtenir le maximum de ce plan VPLP-Verdier de 2015 pourtant équipé de foils dernière génération. Verdict à Pointe-à-Pitre ! Chez les « néo foilers » – IMOCA de plus de dix ans ayant été dotés de foils cette année – l’inoxydable Arnaud Boissière sur La Mie

Câline-Artipôle (trois Vendée Globe à son actif) devrait faire parler l’expérience. Surtout que son voilier (signé Owen Clarke) a été largement optimisé : ajout de foils réglables dans le sens longitudin­al (le rake) issus des moules de ceux équipant Initiative­s-Coeur, voiles neuves (un grand gennaker et un J3), installati­on d’un mât aile dans une position plus reculée et modificati­on des ballasts. Aux dires de l’intéressé : « Le bateau est polyvalent tout en étant plus léger. En gros, on a recyclé une vieille carène – celle de Kilcullen Voyager-Team

Ireland – chez Mer Agitée et la performanc­e est au rendez-vous. Il va juste me manquer des heures de navigation dans de la mer et du vent forts mais je compte sur le mois d’octobre

pour y remédier ! » Le Suisse Alan Roura, le benjamin de l’épreuve, repartira sur

La Fabrique. Sauf que cette fois-ci, en plus d’avoir subi des améliorati­ons en termes de plan de pont et de gréement (un mât aile) et un allégement de la structure avant, ce plan Finot-Conq de 2007 est équipé de foils dernier cri en forme de V : « Plus je vais vite plus je les rentre, contrairem­ent aux autres appendices de la flotte dessinés avec un grand coude. Revers de la médaille, ils demandent beaucoup d’énergie au marin » nous confie-t-il avec un objectif ambitieux, intégrer la première partie du classement.

DES OUTSIDERS AFFUTES

Dans la famille des IMOCA à dérives droites, Isabelle Joschke ( Monin), après sa deuxième place sur la Drheam Cup et lors des Monaco Globe Series peut créer la surprise sur l’ancien

Quéguiner-Leucémie Espoir de Yann Eliès, beau cinquième et premier non-foiler du Vendée 2016. Idem pour Damien Seguin dont la réputation de régatier n’est plus à faire. A bord d’Apicil (l’ex- Comme un seul homme d’Eric Bellion), le travail effectué a porté sur la performanc­e (plan de voilure, ergonomie du plan de pont et modificati­on de l’accastilla­ge) mais aussi sur la simplifica­tion des manoeuvres à l’image de la colonne de winch adaptée au handicap du médaillé d’or à Rio en 2.4 mR. « Grâce à la Bermudes 1000 Race que j’ai courue en compagnie de Jean Le Cam, j’ai gagné un temps fou en matière de connaissan­ce sur la conduite d’un IMOCA. Sur cette Route du Rhum, j’espère bien réaliser une belle course, rentrer dans les dix et me bagarrer avec des marins comme Romain Attanasio. » Justement, ce dernier devrait aussi avoir son mot à dire sur cette transat après une préparatio­n intensive au Pôle Finistère à la barre d’une unité (un plan Farr de 2007) sur laquelle Jean Le Cam s’était classé cinquième du Vendée 2012 et qui a décroché le podium de la Barcelona World Race, en 2015. Le bateau est fiable, pour preuve il a bouclé quatre tours du monde ! Fort d’une expérience précieuse de quatre années en Class 40, Manuel Cousin s’élancera sur Groupe Setin pour sa première transat en IMOCA. L’ancienne monture d’Arnaud Boissière, qui a remporté la Barcelona World Race 2007-08, construite au chantier Southern Ocean Marine à Tauranga, en Nouvelle-Zélande, a beaucoup de similitude­s avec les autres plans Farr à l’instar du nouveau Maître Coq de Yannick Bestaven ou d’Un Monde sans sida aux mains d’Erik Nigon qui n’est autre que le Bureau Vallée 1 qui avait fini 7e du dernier Vendée Globe. Toujours du côté des outsiders, Stéphane Le Diraison repart sur un bateau conçu pour le Britanniqu­e Alex Thomson (mis à l’eau en 2007) qui a été le tout premier IMOCA à dépasser la barre des 500 milles parcourus en 24 heures (501 milles lors de la Barcelona Race 2007-08). Précisons que Time For Oceans a été optimisé en vue de la Route du Rhum avec la pose d’un nouveau mât signé Lorima et un allégement total de 690 kg. Quant au Finlandais de la flotte, Ari Pekka Huusela, pilote de ligne dans le privé, il s’élance sur un plan Owen Clark de 2007 (l’ancien Aviva de Dee Caffari). Le nouveau Ariel 2 a subi en 2010 un important refit (modificati­on du cockpit pour plus de protection, remplaceme­nt de la barre à roue par une franche, et nouvelle conception du plan de pont) pour gagner en performanc­e. Des bateaux parfaiteme­nt fiabilisés mais trop vieux pour espérer être vraiment compétitif­s tant les écarts technologi­ques ne pardonnent plus dans ce sport de plus en plus mécanique. Itou pour les deux plans Lombard engagés avec François Guiffant sur CE KE du Bonheur et Alexia Barrier à bord de 4 My Planet. Pour leur première participat­ion à la Route du Rhum, les deux skippers tenteront de jouer les trouble-fête et de prendre un maximum de plaisir avec la Guadeloupe en ligne de mire !

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Charal est un monstre de modernité : foils surdimensi­onnés et carène futuriste.
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Malgré ses dérives droites, SMA est un candidat serieux à la victoire.
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Les moments dynamiques créés par les foils et le tilt de quille ont obligé les bureaux d’études à repenser l’équilibre général du couple de redresseme­nt des nouveaux IMOCA.

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