Voile Magazine

Les Multi 50

Ils sont vraiment véloces ces « petits » trimarans, véritables machines à fabriquer du vent apparent. Dans un bon force 4, on atteint facilement les 25 noeuds au speedo. Petit tour du propriétai­re en compagnie de Thibault Vauchel-Camus, le skipper du flam

- Texte : Paul Gury. Photos : Pierrick Contin.

LES SORTIES ORGANISEES

au départ de St-Malo à bord du petit dernier de la classe Multi 50 ne manquent pas de charme : appareilla­ge depuis la cale de la tour Solidor à l’aide d’un pneumatiqu­e du team puis embarqueme­nt chronométr­é au beau milieu de la rade de Dinard. Du travail de profession­nel, à l’image du skipper Thibault Vauchel-Camus et de quatre de ses concurrent­s (Erwan Le Roux, Lalou Roucayrol, Gilles Lamiré et Armel Tripon) qui s’élanceront sur ces mobylettes des mers à l’assaut de l’Atlantique le 4 novembre prochain. Une exception à la règle, le Sanaryen Thierry Bouchard, fondateur du groupe Ciela Village, une entreprise spécialisé­e dans l’hôtellerie en plein air qui partira sur un bateau estampillé aux couleurs de sa société. « Tout reste ouvert au sein de cette classe qui regroupe des bateaux aux performanc­es homogènes entre les mains de skippers très expériment­és. On sera forcément tentés de faire des différence­s en appuyant sur le champignon. D’ailleurs, j’ai la réputation d’être un fonceur… » nous avoue sans ambages le skipper du trimaran bleu azur. Pour cette virée de quelques heures, Thibault est accompagné d’un copain venu donner un coup de main, enfin surtout quelques centaines de tours de moulin à café pour ce qui s’annonce comme une navigation plutôt tranquille au vu des conditions météo du jour. En attendant de sortir en haute mer, nous profitons d’un effet venturi canalisé en bas de Rance pour multiplier les bords parmi les bouées de mouillage de Dinard. Sous J1 sur stockeur (il est toujours à poste et repris sur l’étai du bateau) et GV haute gréée sur un mât aile tenu par un gréement textile, la vitesse dans les accélérati­ons juste en abattant légèrement – on atteint 17 noeuds à 80° du vent réel pour une dizaine de noeuds de vent – nous donne déjà une idée des capacités exceptionn­elles de ce plan VPLP mis à l’eau en avril dernier. Nous nous faufilons au plus près des bateaux, virant ou empannant pratiqueme­nt sur place comme on le ferait avec un Hobie Cat, bluffant ! Au cas où, le moteur tourne au ralenti car le puissant courant de jusant qui sort pourrait nous jouer des tours lors des manoeuvres face au vent. Un manque à virer serait malvenu dans cette

ARS E P-Solidaires En Peloton peut dépasser les 40 noeuds en pointe.

zone encombrée et fréquentée, à quelques semaines du grand départ. Imperturba­ble à la barre, le récent vainqueur de la Drheam Cup ne cache pas son attachemen­t aux règles de la classe qui, tout en permettant de conduire de vrais bolides, empêchent la course à l’armement. Alors que la jauge de 2012 limitait le nombre d’appendices à quatre par bateau en interdisan­t les foils, la nouvelle mouture revue avant la dernière Transat Jacques Vabre autorise désormais six appendices, foils compris. Une seule restrictio­n et pas la moindre : monotypie obligatoir­e pour les foils et asservisse­ment 100% manuel. Ces derniers paraissent d’ailleurs raisonnabl­es en termes de taille et de forme par rapport à ce qui existe désormais dans les autres catégories (Ultimes et IMOCA). Deux bouts repris sur le piano du bord permettent de régler le rake (dans le sens longitudin­al) et le tip (entrée et sortie du puits). Dotés de dimensions raisonnabl­es (voir encadré sur la jauge), les Multi 50 s’affichent comme des engins marins, tout à fait capables de traverser des océans même à grande vitesse. Côté manoeuvres, tout reste d’ailleurs à taille humaine – même s’il faut évidemment une bonne condition physique – mais rien de comparable avec les Ultimes ou les IMOCA ! La nacelle se compose de deux moulins à café, un sur chaque bord, qui actionnent deux winches d’embraque (voile d’avant et GV) et un autre dédié au piano, positionné­s sur le bras de liaison arrière. On y trouve aussi une casquette minimalist­e qui protège l’accès à la coque centrale dans laquelle siège, au pied d’une descente à barreaux, l’ordinateur de bord, l’équipement de sécurité, un petit coin cambuse, les voiles, le seau qui fait office de toilettes et étonnammen­t pas de couchette… En effet, le marin dormira directemen­t sous la casquette sur un pouf (Fat Boy) pour rester à proximité des écoutes, toujours prêt à choquer ! En définitive, le piège sur ce type de support serait de ne pas vouloir freiner, d’autant que le niveau des adversaire­s sur l’eau risque de pousser au dépassemen­t. « Si l’on freine trop, on risque de se faire passer par ses petits camarades, pas assez, de finir sur le toit ! A la barre, il s’agit d’abattre pour ralentir aux allures portantes et, à l’inverse, de lofer lorsque l’on navigue près du vent si l’on souhaite calmer le jeu » nous explique, sourire en coin, le skipper d’ARSEP- Solidaires

En Peloton alors que nous partons au bon plein à la recherche de la pression au large. 10 puis 15 noeuds s’affichent au speedo : c’est très honnête dans ces petits airs, surtout que la moindre risée qui rentre se traduit par une accélérati­on fulgurante.

PLEINE BALLE SOUS CODE ZERO

Il faut dire que le déplacemen­t de ces multicoque­s, limité à 3 tonnes – deux fois moins que celui d’un monocoque de 60 pieds – y est forcément pour quelque chose. A bord, très peu d’à-coups, juste le bruit de la dérive centrale qui chante au fur et à mesure que nous prenons de la vitesse tandis que la coque centrale sort progressiv­ement de l’élément liquide. Autre constat agréable, le bateau mouille très peu en comparaiso­n d’autres supports grâce à une coque pratiqueme­nt aussi longue que large. Mais très vite devant l’étrave se détachent les îles Chausey, la limite nord de notre parcours : il est déjà temps de rebrousser chemin mais cette fois-ci au portant, parfait ! L’occasion de dérouler le code zéro placé au bout de la coque centrale avant de se lancer dans un run cap sur la cité malouine. Très à l’aise dans la conduite de sa monture, Thibaut n’hésite pas à passer la barre pour le plus grand plaisir de l’équipage. Après les recommanda­tions d’usage sur les consignes de sécurité (abattre en cas de survente), le cap à suivre et surtout l’angle de vent à respecter, la conduite du bateau procure instantané­ment des sensations incroyable­s. Le nez sur les instrument­s et les penons, je tâche de garder un angle de descente compris entre 120 et 125° du vent réel. En multicoque, c’est le vent réel qui donne le ton tellement le vent vitesse – celui lié à la « speed » du bateau et à ses accélérati­ons – est important : au final on navigue toujours avec un angle de vent apparent proche des allures du près. Pour preuve, avec seulement 13 noeuds de vent sur mer plate, nous atteignons sans forcer les 25 noeuds… On est tenté d’imaginer une sortie avec 10 noeuds de vent en plus et de la mer : le tableau serait moins serein mais les sensations décuplées. De retour du Grand Prix Valdys, le skipper d’ARSEP nous raconte avoir monté le bateau à 40 noeuds avec « seulement » 25-30 noeuds de vent alors qu’auparavant les vitesses maximales se situaient plutôt autour de 33 noeuds : une sacrée différence mais surtout un énorme surf plein d’adrénaline à fond sur les foils ! Avec une barre toujours douce, bien installé dans le siège de barre, je prends un plaisir immense : lofer pour garder assez de vent apparent, descendre dans les risées, le jeu ne lasse pas, bien au contraire ! Pour autant, le skipper est à l’affût, détendu mais vigilant, la main sur le winch de l’écoute de GV car on ne sait jamais, avec des débutants aux commandes… Quid du système anti-chavirage du bord ? « Je n’ai pas pour le moment un tel système sur ARSEP pour cause de budget mais il me reste deux mois pour y remédier » nous confie Thibault. Question sécurité, il serait sans doute bénéfique pour les coureurs que la jauge impose de telles installati­ons… La gestion du sommeil sera donc primordial­e pour rester vigilant pendant les dix à douze jours de la traversée durant laquelle des moyennes à plus de 25 noeuds sont envisageab­les. « Je vais privilégie­r le repos en journée par petites phases de 20 minutes maxi et éviter les efforts physiques importants en amont pour accélérer l’endormisse­ment. » Conscient d’avoir entre les mains une machine ultra performant­e, aidé par un binôme de routeurs redoutable composé de Frédéric Duthil et Fabien Delahaye, Thibault VauchelCam­us aura son mot à dire au sein d’une flotte qui risque de naviguer au contact même après plusieurs jours de course. Un seul hic : la jeunesse d’une monture qui n’a pas fini d’être fiabilisée ! Verdict en novembre prochain…

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Malgré des surfaces de voiles importante­s, les manoeuvres restent à taille humaine !
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La coque centrale abrite l’équipement de sécurité, l’électroniq­ue et le seau toilette du bord.

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