J.-P. Kelbert refait le match!
LA MIDDLE SEA RACE,
c’est la Fastnet Race du Sud. Elle accueille à chaque édition ce qui se fait de mieux en IRC. Du 20 au 24 octobre dernier, 131 équipages se sont tiré la bourre sur un parcours de 606 milles entre Malte, la Sicile et les îles attenantes. Pour sa première participation, le tout nouveau JPK 1180 du chantier éponyme a fait parler la poudre en remportant cette course en IRC 5 et au classement général ! A son bord, un équipage de choc comprenant entre autres l’inépuisable Gery Trentesaux (le skipper), l’excellent Alexis Loison à la tactique, Jean-Pierre Kelbert dans le rôle de l’équipier haut de gamme, Arnaud Aubry… Mais laissons un peu la parole à « JPK », le marin-constructeur, dont le récit est un véritable régal.
UN DEPART CHAUD BOUILLANT
La course est très engagée, et ce dès la phase de départ : « Samedi 20 octobre, 12h40, nous sommes en procédure de départ sur une ligne très courte et encombrée lorsqu’un Dufour 50 n’arrive pas à répondre à notre lof et nous percute sur l’arrière bâbord. Un chandelier est arraché et nous sommes bloqués contre son bordé sans possibilité de manoeuvrer. C’est très chaud mais au final, plus de peur que de mal. Partis bons derniers de notre classe, nous sortons tout de même deuxièmes à la bouée de dégagement et prenons rapidement les commandes, dès l’envoi du spi lourd. » Arrive alors dans l’étrave un redoutable passage à niveaux : le détroit de Messine. Un sacré casse-tête tactique. « Le courant y est fort et contraire à l’heure prévue de notre passage [...]. Avec Alex et Gery, ça discute depuis un moment de la stratégie à adopter pour sortir de là sans buter le temps de la marée. 5 milles devant nous, le Xp-44 Orange
Mecanix est déjà stoppé à l’AIS. L’idée sera pour nous de traverser sous spi travers au courant pour changer de rive et rejoindre la côte sicilienne où le courant est plus faible avec la renverse de marée prévue en décalage favorable. [...] Le moment approche et le suspense est total. Comment va se dérouler le plan ? Comment va-t-on traverser le détroit, quel vent nous attend sur l’autre rive ? La concentration est maximum. La manoeuvre est envoyée fissa et le barreur concentré lutte pour ne pas arrêter le bateau. Ça défile positif sur la terre à 20 mètres et une dernière risée nous sort du piège !» De très stratégique, la course vire progressivement à l’épreuve de force, avec un « bord de sanglier » musclé pour contourner la Sicile par le nord avant de plonger plein sud dans un vent qui forcit encore. La nuit est d’encre, seules les flammèches du Stromboli éclairent épisodiquement un ciel noir virant à l’orage quand soudain, dans 20-25 noeuds de vent, le bateau sous code 5 (et un ris dans GV) part successivement au lof puis dans une abattée violente : « En 2 secondes, nous sommes sous l’eau et je suis balayé violemment en arrière avec Frank (Legal, ndlr) qui lui aussi se fait embarquer par le flot puissant. Nous sommes sept sur le pont et Arnaud hurle :« Homme à la mer ! » Le bateau se redresse un peu et je sors la tête de l’eau ; Arnaud est penché sous le vent, il tient son pote Franck passé par-dessus bord accroché à son écoute... Je lui file un coup de main et Franck se retrouve à bord. Tout le monde est là ! Xavier attrape la barre qui est restée sans personne et remet le bateau dans l’axe. Alex, qui a traversé le bateau à l’intérieur, vient en renfort et prend la barre. Avec Franck on descend se changer, un peu choqués ! Dans le vrac, j’ai dû me cogner assez fort la jambe et c’est en mode « jambe de bois » que je vais terminer la course ; un bel hématome à la cuisse et au mollet. » Plus de peur que de mal pour l’équipage du JPK 11.80, malgré les bobos de Jean-Pierre et d’Alexandre Loison (un doigt abîmé après un choqué de spi en catastrophe). Pour autant la course continue à 200% avec toujours la première place au général dans le viseur. Le bateau dévale des creux de 4 mètres en survitesse, titillant les 20 noeuds dans les surfs… 80 milles plus tard, après avoir laissé l’île de Lampedusa dans son sillage, le JPK 1180 franchit la ligne d’arrivée après un dernier affalage de spi en catastrophe et un ultime effort pour des équipiers épuisés. Avec au final une victoire qui marque les esprits. Un grand coup de chapeau au gentleman navigateur Gery Trentesaux et à tout l’équipage.