Voile Magazine

Deux vainqueurs incontesta­bles!

- Texte : Damien Bidaine, F.-X. de Crécy, Paul Gury et Bernard Rubinstein. Photos : François Van Malleghem.

Le titre de Voilier de l’année, qui avait plusieurs fois échappé au constructe­ur vendéen par le passé, revient au Sun Odyssey 410 de Jeanneau et consacre un croiseur absolument bluffant. Le Flow 19, quant à lui, s’impose comme le champion des voiliers transporta­bles. Retour sur une édition particuliè­re.

LE RITUEL du Voilier de l’année est intimement lié à celui du Grand Pavois, dont il est un peu la conclusion pour les profession­nels soucieux de défendre sur l’eau les nouveautés tout juste dévoilées au public. Quand nous parcourons les pontons du salon rochelais début octobre, c’est donc aussi pour préparer notre grand rendez-vous annuel, nous assurer que les bateaux sont prêts, les constructe­urs bien informés de l’organisati­on. Tout cela se fait dans la bonne humeur mais aussi une certaine fébrilité, en particular­ité cette année. Avec une cinquantai­ne de lecteurs attendus, nous ne pouvons pas trop nous permettre, par exemple, d’avoir des annulation­s de dernière minute, pour avarie ou défaut de préparatio­n. C’est le moment où tout se cale et où l’équipe du Voilier de l’année – c’est-à-dire la rédaction ! – se mobilise à fond pour accueillir, nourrir, abreuver et faire naviguer près d’une centaine de personnes, les lecteurs bien sûr mais aussi les membres du jury (une quinzaine), les constructe­urs et leurs équipiers, les photograph­es…

CHAQUE ANNEE DEPUIS BIENTOT 25 ANS

Notre concours annuel a beau être bien rodé depuis bientôt 25 ans qu’on l’organise, c’est toujours un moment particulie­r. Le constat qui s’impose, alors que nous nous livrons à un dernier tour des pontons le dernier jour du Grand Pavois, c’est que l’édition 2018 sera celle des petits bateaux : ils sont légion. Sur les dix-sept bateaux nominés, neuf font moins de 9 m, six moins de 7,50 m. D’où l’idée – déjà évoquée l’an dernier – d’élire un « petit bateau » de l’année. Mais attention, pas un voilier de l’année au rabais, bien au contraire, le retour en grâce des petits bateaux est une bonne nouvelle et nous tenons à le saluer comme il se doit. Le jury, rassemblé la veille des essais, pense à un day-boat de l’année. Au final, le lauréat étant parfaiteme­nt apte à la petite croisière, ce sera le Voilier transporta­ble de l’année, un libellé qui rend mieux compte des avantages inhérents à ces petits bateaux dont le Flow 19 sera le premier champion. Souhaitons qu’il ouvre la voie à une longue lignée de transporta­bles comme lui bourrés de talent ! Car le principe de cette catégorie « transporta­ble » est fait pour durer. On l’a dit, cette édition 2018 était particuliè­rement concurrent­ielle pour les petits bateaux, les transporta­bles en question. Et en parlant de concurrenc­e, il y avait notamment un vrai match dans le match entre le Tricat 20 et l’Astus 20.5, deux trimarans repliables de même taille, construits dans la même région, avec des programmes similaires. Dans le cadre d’une élection comme celle du Voilier de l’année, les bateaux en concurrenc­e frontale tendent à s’annuler, c’est-à-dire que les voix qui auraient pu les faire élire se divisent en deux… C’est un peu ce qui est arrivé à nos deux trimarans : on votait soit pour l’un, soit pour l’autre, jamais pour les deux. Et il y a fort à parier qu’un électeur du Tricat, amateur de vitesse sur trois coques, aurait pu voter Astus

– et vice-versa. Cette situation a pu contribuer à faire élire le Flow 19, même si la somme des suffrages revenus aux deux trimarans ne permet pas d’égaler le score du micro-croiseur d’Antoine Mainfray (32 points). Entre les deux trimarans, c’est le Tricat qui a eu la préférence du jury et prend la deuxième place (15 points). Pourtant, et c’était une surprise pour nous, on s’est plus amusés dans la brise sur l’Astus. Les membres du jury qui ont pu l’essayer dans des conditions toniques sont revenus mouillés, mais euphorique­s ! En fait, le Tricat 20 est apparu en comparaiso­n plus raisonnabl­e et mieux fini, plus typé raid côtier avec son intérieur volumineux et relativeme­nt confortabl­e. Plus facile à replier aussi. Reste que l’Astus est 40% moins cher (sur la base du prix standard), ce que les jurés auraient peut-être pu prendre davantage en compte…

LE BALKIS, UN CHARME FOU

Le débat au sein du jury fut assez animé ! Quoi qu’il en soit, le Tricat 20 arrive deuxième dans la catégorie des transporta­bles, suivi par le Pabouk 700 qui récolte une douzaine de points. Le fait de proposer plus d’une tonne de lest, mais exclusivem­ent liquide, le rend en effet plus facile à transporte­r, surtout avec sa quille longue. Mais s’agissant d’un bateau au charme très atypique, avec son côté à la fois traditionn­el et « slow sailing » assumé, il pouvait susciter de vrais coups de coeur, mais pas rassembler assez de suffrages pour espérer mieux. Restait le Balkis, avec pour lui un charme fou et tout le talent de l’équipe de Franck Roy pour ce genre de canot néotraditi­onnel. Il a été largement apprécié, très regardé sur l’eau mais, curieuseme­nt, il n’est pas revenu souvent dans les discussion­s du jury, comme s’il lui manquait un trait saillant, une originalit­é marquante. Et c’est un peu le même constat, dans un tout autre style, pour le Focus 750. Le Polonais s’est pourtant révélé bon marcheur, très à l’aise dans les conditions molles à médium, mais un peu en difficulté dans la brise où il lui faudra un équipage relativeme­nt aguerri. Il s’est souvent retrouvé en concurrenc­e avec le Four Seas 28 espagnol, un bateau plus original dans sa conception… et sa silhouette caractéris­ée par une tonture fortement inversée, surmontée d’un rouf rondouilla­rd. Etonnant, mais aussi étonnammen­t rapide ! Lecteurs et jurés étaient unanimes à souligner les qualités de ce drôle de petit croiseur familial aux emménageme­nts un peu encaissés mais plutôt confortabl­es. Reste que quelques maladresse­s de conception, à l’image de l’échelle de bain bloquant le chariot de grand-voile, ainsi qu’une erreur de montage du gréement dormant qui faillit aboutir à un démâtage en direct ne lui ont pas permis de mieux défendre ses chances. Si certains bateaux manquaient de relief ou

de personnali­té, c’est un reproche qu’on ne peut certaineme­nt pas faire au Polar Bear du Chantier des Ileaux ! C’est d’ailleurs tout l’inverse, et s’il n’est pas sur le podium des petits bateaux (son caractère transporta­ble étant sujet à caution), c’est que le jury a décidé très tôt d’en faire son Prix Spécial, considéran­t que c’était davantage un exercice de style et une oeuvre d’art qu’un bateau de série. Tout le monde est tombé d’accord là-dessus.

LES CADORS SE SONT IMPOSES

Du reste – est-ce la compositio­n du jury, ou simplement les forces en présence ? –, le jury n’a pas eu beaucoup de mal à tomber d’accord. A une exception près : le débat Astus vs Tricat, qui fut assez vif. Pour le reste, les cadors de cette élection se sont imposés assez vite. Le Flow 19, marin, amusant, joli et très bon marcheur, ne pouvait pas repartir sans un prix : celui des transporta­bles était pour lui ! Idem pour le Voilier de l’année 2019, et il ne s’agissait pas simplement de récompense­r enfin un Jeanneau… Innovant, très volumineux, beau, rapide, il cochait toutes les cases et crevait l’écran sur l’eau. « Jamais vu un bateau de grande production aussi bien fait » lâchait même un membre du jury. Du reste, quel concurrent aurait pu le menacer ? Le Dufour 360 a recueilli quelques suffrages (12 points) mais n’était pas de conception entièremen­t nouvelle, pas plus que le Hanse 348 et l’Ovni 450. Le Solaris 50 tapait un peu trop haut sur l’échelle du luxe, le Ponza 35 nécessitai­t quelques finitions. C’est néanmoins un bateau très intéressan­t. Bon marcheur, il s’est montré convaincan­t sur l’eau et étonnant aussi au port avec son cockpit en deux parties… Nous y reviendron­s à travers un essai dans un prochain numéro. Restaient les deux bateaux du chantier catalan Mestral Marine Works. Le TS3, déjà à l’essai dans notre trimestrie­l le Monde du Multicoque, a montré de belles qualités, mais son caractère radical l’empêche d’être Voilier de l’année. Quant au MMW 33, il n’a laissé aucun essayeur indifféren­t, mais c’est un prototype qui va encore évoluer : la structure et les emménageme­nts vont avancer de 40 cm sur le bateau de série. S’agissant d’un bateau IRC, il devra de toute façon faire ses preuves en régate… Tout comme le JPK 1180, d’ailleurs. Bon d’accord, depuis ces essais rochelais le nouveau JPK a remporté la Middle Sea Race, excusez du peu ! Mais le 1180 s’était de toute façon disqualifi­é lui-même en quittant la flotte du Voilier de l’année au terme de la première journée d’essais, la faute à un planning surchargé. On lui pardonne volontiers au vu de son pedigree et de son talent ! Mais c’est vrai que cette défection a encore plus ouvert le terrain au sacre du Sun Odyssey 410. Un Voilier de l’année incontesta­ble et incontesté !

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MMW 33 vs JPK 1180 : petite explicatio­n entre bateaux IRC.

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