Ultimes, médias, abandons... la Route du Rhum en questions
Pour certains, c’est une course décevante avec ces Ultimes qui ne tiennent pas le choc. Pour d’autres, une cuvée du meilleur Rhum avec des arrivées à suspense et une médiatisation exceptionnelle. Qu’en est-il vraiment ? Notre enquête…
< se font jour dans l’étude des Ultimes. « Aujourd’hui, on arrive à simuler l’impact des vagues sur les plateformes, mais on ne voit pas encore les déformations induites sur ces mêmes plateformes. Il nous faudra peut-être encore attendre cinq années pour les définir. On n’est pas encore arrivés au stade où l’on peut simuler ce qu’un bateau va rencontrer durant un tour du monde, quantifier le nombre de vagues qu’il va devoir négocier et quantifier les sollicitations sur la structure. »
UNE CERTAINE FORME D’EMPIRISME...
Constat d’échec ? Non, mais la limite des connaissances dans l’étude de ces nouveaux bateaux volants dont les performances, la capacité à voler, à atteindre des vitesses un peu folles – plus de 40 noeuds dans des vagues de plus de 5 mètres de haut –, semblent avoir été sous-estimées. Ce que me confirmera plus tard l’architecte Guillaume Verdier, chargé de l’étude du Maxi Edmond de Rothschild dont l’avarie s’est produite dans des conditions exceptionnelles. Il n’empêche que Xavier Guilbaud ne cache pas « qu’il y a une certaine forme d’empirisme dans l’étude de ces Ultimes volants et que la cause des avaries est difficile à déterminer. Principalement reproduire le schéma de ce qui s’est vraiment passé. Sous la pression des équipes, on construit léger, ça casse et on renforce. Souvent, dans le doute on ajoute plus de matière sans avoir la conviction que c’est la vraie raison de la casse. On ne le fait pas encore mais il faudra passer par le stade des jauges de contrainte, à l’image de ce qui se fait dans la Coupe de l’America pour connaître les charges et les efforts auxquels sont soumis les plateformes, les bras et les flotteurs. » Pour l’avarie qui a frappé Sodebo, les fissures sur le bras avant, une nouvelle fois Xavier se refuse à établir un diagnostic définitif, d’autant que la réparation menée à La Corogne s’est faite en interne, par l’équipe de Thomas Coville. En revanche, il est important de noter que les bras de Sodebo sont ceux de Géronimo et ont été réalisés il y a déjà dix-huit ans. Si de nombreuses zones d’ombre entourent les problèmes rencontrés par Banque Populaire, on en sait un peu plus sur l’avarie rencontrée par le Maxi Edmond Rothschild. Pour son architecte Guillaume Verdier longuement interrogé, il s’agit d’une « sortie de route ». Ou, en d’autres termes, le tri, superbement mené par Sébastien Josse, a quitté sa trajectoire sans doute en raison d’un problème de pilote, entraînant le plantage des trois étraves. Un ralentissement d’une brutalité inouïe, équivalent à une décélération de l’ordre de 1,4 G. « C’est comme un accident de voiture, précise Guillaume Verdier. Au moment de l’accident, Edmond de Rothschild marchait à 40/42 noeuds, négociant des vagues d’environ 4,50 m de haut. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire plus costaud même si nous ne ferons jamais des bateaux incassables. Nous sommes peut-être en retard dans nos études à la lumière des performances insoupçonnées de ces multis et de la capacité des marins à les mener dans les pires conditions. » Faudrait-il étudier le comportement de ces monstres en bassin de carène, les confronter à la houle, à ce type de décélération ? Guillaume Verdier a déjà tenté ce type d’essais. « Ils se sont révélés un échec.
Les plateformes ont été testées à vitesse constante et leur mise en travers s’est soldée par des détériorations de la plateforme de traction. » Il reste qu’aujourd’hui, rien ne pourra jamais remplacer des essais grandeur nature dans le mauvais temps. Malheureusement, ils n’ont pu être menés durant l’été en raison d’un manque de vent évident. Certains esprits chagrins ne manqueront pas de rappeler que des bateaux comme Macif, confronté à la perte d’un foil, d’un safran, ont déjà accompli des tours du monde, au même titre que Sodebo. C’est oublier que dans cette Route du Rhum, ils ont été confrontés à du près dans du vent fort, avec la mer de face. Conditions rarement rencontrées dans les mers du Sud. Quoi qu’il en soit, Guillaume Verdier, tout comme Xavier Guilbaud de chez VPLP, sont formels. Pour la sécurité des marins, il devient urgent que les connaissances scientifiques soient mises en commun comme cela avait déjà été fait après la Route du Rhum 2002, marquée par une avalanche de catastrophes.