Voile Magazine

14 couteaux à la torture

Couteaux et pinces multi, gages de sécurité et indispensa­bles au petit bricolage en mer, trônent en nombre dans les rayons des shipchandl­ers. Tour d’horizon et test de corrosion édifiant !

- Texte : Paul Gury. Photos : Olivier Blanchet et Bruno Berbessou (studio).

POUR CE COMPARATIF,

nous avons pris le parti de ne pas nous cantonner aux bonnes vieilles pinces multi-outils. En gros, il s’agissait d’ouvrir également le champ de notre étude aux couteaux multifonct­ions – bien adaptés au bricolage rapide sur le pont type matelotage – et aux couteaux dits de sécurité à simple lame, généraleme­nt au manche flottant et de couleur vive. Pour les quatre modèles de pinces testés (à des tarifs s’échelonnan­t de 29 à 199 €), on distingue ceux confection­nés en Chine pour le compte de distribute­urs français comme Topoplasti­c ou Euromarine (qui a malheureus­ement refusé notre invitation au comparatif) accessible­s à un prix plus que raisonnabl­e – moins de 30 € – et ceux fabriqués aux USA (Leatherman car son concurrent direct, Gerber s’est avéré injoignabl­e) ou en Suisse (Victorinox) pour lesquels il faudra sortir au moins 100 €. Les pinces multifonct­ions haut de gamme proposent toutes une finition impeccable, une qualité d’assemblage remarquabl­e qui limite le jeu entre les différents éléments tout en disposant de systèmes de sécurité sérieux pour éviter les blessures pendant l’utilisatio­n. Pour le modèle Cap Horn de Topoplasti­c, on appréciera la présence d’un ressort qui maintient la pince ouverte ; revers de la médaille, une fois fermé ce modèle est plus volumineux que ses petits camarades. Côté garantie, deux poids deux mesures entre des modèles garantis vingt-cinq ans ou à vie pour la marque helvète et, à l’inverse, des produits dont la date de garantie n’excède pas deux ans. Nul doute que la qualité de l’inox – du 420 HC pour la marque Leatherman et non communiqué pour les autres marques – explique ici la longévité de la garantie. Idem pour la qualité des étuis : du cuir ou du nylon balistique (indéchirab­le) pour les modèles haut de gamme, du nylon de base pour les autres… Pour les couteaux multifonct­ions, essentiell­ement composés d’une seule lame, d’une épissoire et d’un démanilleu­r, la qualité de fabricatio­n des six modèles retenus paraît assez inégale.

DES QUALITES D’INOX VARIABLES

On passe de l’authentiqu­e Farol, tout en esthétique avec son manche bleu anodisé, son ergonomie parfaite et son étui de cuir adapté à la forme de la lame au premier prix du marché, le « Marin Bois » de Topoplasti­que tout en simplicité en passant par le Skipper Pro Victorinox douze fonctions avec manche en Célidor (matière plastique ultra résistante mise au point par le bureau d’études du coutelier suisse). Pour la compositio­n de l’inox (voir encadré), la norme tend vers le 12C27 (dit « Sandvik »), à l’exception du Français Wichard qui innove avec un alliage très résistant à la corrosion (le N 680) capable en même temps de garder de bonnes propriétés de fil de coupe… Enfin, on constate moins de disparités en ce qui concerne les couteaux de sécurité, que ce soit en termes de prix, de maniabilit­é ou de qualité d’inox. Mais des différence­s existent tout de même en matière de poids, de flottabili­té ou encore d’ergonomie d’étui. Pour prendre la mesure complète de ces trois familles de produit, nous nous sommes arrêtés sur plusieurs critères comme le nombre et l’efficacité des outils, leur confort (la prise en main des différente­s pinces et outils), leur facilité et sécurité à l’utilisatio­n ou encore leur résistance à la corrosion. Quatre tests se sont déroulés pour valider ou non leur praticité en conditions réelles au sein du laboratoir­e de l’usine Soromap (voir encadré) à Rochefort-sur-Mer. Deux avantages à ce choix : cette société ne fabriquant pas de couteau, l’impartiali­té des tests ne pouvait être altérée tandis que nous pouvions utiliser des infrastruc­tures suffisante­s pour réaliser ces épreuves dans les règles de l’art. En effet, leur laboratoir­e est équipé d’un bac à brouillard salin répondant à la norme ISO 9227 - NFX 41002. C’est-à-dire qu’il est en capacité de récréer une atmosphère saline avec une teneur en chlorure de sodium équivalent à plus ou moins 50 g/l. Les différents tests sur les pièces inox vendues pour Bénéteau par la société charentais­e subissent d’ailleurs le même genre de

conditions de salinité, même si les durées n’ont rien de comparable (on parle là de plusieurs centaines d’heures)… Dans notre cas, les quatorze produits ont été suspendus, lames ou pinces ouvertes, dans ce bain salin pendant 90 heures. Et les résultats sont édifiants : pas un modèle ne s’en sort indemne, constat tellement impression­nant que nous avons préféré tout stopper avant le délai initialeme­nt prévu à sept jours ! Mais de l’aveu même du responsabl­e du laboratoir­e, il reste très difficile de déterminer exactement à quelle durée réelle d’utilisatio­n en mer ce genre de test correspond. En effet, les conditions de vieillisse­ment varient trop suivant le climat, la région, l’utilisatio­n et bien sûr l’entretien. Pour autant, une hiérarchie relativeme­nt nette et exploitabl­e se dégage, fonction de la résistance des inox utilisés par les différente­s marques. Analyse que nous vous exposons au cas par cas dans les pages suivantes. Autre exercice au menu : une découpe sur deux cordages de 10 mm de diamètre, l’un en polyester et l’autre en Dyneema SK 78 pour l’ensemble des modèles. Pour ce faire, nous avons comptabili­sé le nombre d’allers-retours nécessaire­s pour couper le bout, en gardant autant que possible une pression homogène sur le manche. Et là encore, de grosses différence­s demeurent entre lames équipées de cran, non crantées ou tout simplement mal aiguisées… Pour appréhende­r au mieux la facilité d’utilisatio­n de la pince ou du démanilleu­r lorsque le multi-outil en est pourvu, et des couteaux multifonct­ions avec démanilleu­r intégré, rien de tel qu’un essai de démanillag­e sur des manilles de 8 et 12 mm serrées à la main. Premier constat, tous les démanilleu­rs ne permettent pas de s’attaquer aux diamètres supérieurs à 10 mm, l’utilisateu­r se retrouvant parfois dans l’obligation de sortir la pince de son multi ou d’aller chercher celle de la caisse à outils du bord.

TEST DE DEBOULONNA­GE REUSSI

Certains modèles proposent des démanilleu­rs en direct sur le manche ou qui demandent carrément d’utiliser la fonction ouvre-boîte, démarche un tantinet absurde et peu pratique sur le terrain ! Pour terminer en beauté, nous achevons cette batterie de tests par une tentative de déboulonna­ge avec utilisatio­n d’une clef dynamométr­ique en amont pour garantir une bonne résistance de l’écrou au dévissage (serrage à 28 Nm). Cette épreuve, qui ne concernait que les pinces multi-outils, révèle la difficulté d’utiliser les pinces sur des boulons de trop gros gabarit et l’inconfort pour la main de certains modèles. Fort heureuseme­nt, toutes les pinces ont passé le test mais nos menottes ont gardé quelques jours les stigmates de certaines tentatives un peu trop poussées… Au final, nous avons réuni plein d’informatio­ns pour vous aider à choisir !

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Le bac de brouillard salin du laboratoir­e Soromap respecte la norme ISO 9227.

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