Voile Magazine

Tout savoir sur le réglage du mât

Technique la question du gréement, sans doute, mais cela ne doit pas vous rebuter ! Se familiaris­er avec votre mâture et régler son mât aux petits oignons, c’est la garantie de naviguer plus vite et plus longtemps…

- Texte : Paul Gury. Photos : François Van Malleghem et l’auteur.

AVANT DE PASSER

aux choses sérieuses, à savoir comment régler son mât en fonction du type de gréement, nous allons passer en revue les grandes notions de cet univers complexe, riche en vocabulair­e et en principe, mais au final très abordable. Plutôt que de compter sur la chance ou faire mine de ne pas s’y intéresser en espérant que les démâtages n’arrivent qu’aux autres, prenez le problème à bras-le-corps en vous aidant sur cet article que nous avons voulu le plus pédagogiqu­e possible. Pour prendre l’informatio­n à la source, nous avons poussé les portes de la société Gréement Systems implantée de longue date au Crouesty.

Et c’est aux côtés de Manfred et Laurent, experts en la matière, que nous avons arpenté les pontons…

profil correspond­ant à un panneau). Donc à diminuer la section du profil, et son poids. C’est ainsi pour des raisons d’allégement du mât que l’on est passé de mâts systématiq­uement conçus avec un seul étage de barres de flèche à des profils à deux ou trois étages. Voire à quatre ou cinq comme sur les anciens monocoques de la Coupe de l’America. Certains mâts peuvent même se passer de barres de flèche, à l’image des cat boats, des IMOCA 60 et des Ultimes. La raison est simple : grâce à la présence d’un mât aile ou d’un maître bau important, l’angulation du galhauban avec le profil reste suffisamme­nt grande pour se passer de celles-ci.

Barres de flèche poussantes ou dans l’axe ?

Très majoritair­e jusqu’au début des années 1980, le gréement à barres de flèche dans l’axe, dit aussi dans le plan, se caractéris­e par la présence d’une paire de bas-haubans doublés (avant arrière) ou d’une seule paire de bas-haubans qui sera alors complétée d’un bas-étai. A ne pas confondre avec le faux étai qui, lui, est largable. Ce dernier arrive sous l’étai principal avec une cadène sur le pont et un point de capelage au niveau du deuxième étage de barres de flèche. Lorsque les cadènes sont toutes alignées dans l’axe des barres de flèche (dans la latéralité) à l’image des anciens Bénéteau ou des Pouvreau à deux étages de barres de flèche, on retrouve en plus des bastaques de mi-mât, dites aussi de maintien pour limiter les effets du pompage sur le mât. Depuis une vingtaine d’années, le gréement à barres de flèche poussantes s’est largement imposé pour des raisons avant toutes financière­s. La tendance s’est amorcée timidement avec un V peu prononcé pour finir à des barres de flèche très poussantes à l’instar du Pogo 30. Cette dispositio­n a permis aux chantiers de faire des économies puisqu’il est dorénavant possible de faire revenir tout le haubanage sur une unique cadène associée à un seul renfort ou tirant. Cela autorise aussi de pouvoir déplacer les cadènes sur l’extérieur du passavant afin de faciliter les déplacemen­ts sur le pont. Inconvénie­nts : ce type de gréement est plus fastidieux à régler puisqu’il y a dépendance entre les câbles transversa­ux et longitudin­aux. Par exemple, si l’on reprend du galhauban, celui-ci pousse la barre de flèche vers l’avant et fait avancer le profil. En outre, leur résistance en cas de chavirage laisse à désirer, ce qui est moins vrai avec un espar à barres de flèche dans l’axe. Le mât naturellem­ent plus neutre – il y a moins d’inertie – s’avère mieux tenu car le gréement propose plus de triangulat­ions. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la compositio­n des gréements des voiliers qui sont partis sur le dernier Golden Globe : que des barres de flèche dans le plan avec bastaque, double pataras et double paire de bas-haubans !

Gréement en tête ou fractionné ?

Le premier, une espèce en voie de disparitio­n souvent associée aux barres de flèche dans l’axe, se caractéris­e par un étai et un pataras fixés en tête de mât. Reprendre du pataras a donc un impact direct sur la raideur de l’étai. Mais comme souvent dans l’univers du gréement, une exception vient confirmer la règle : la première génération de Sun Odyssey par exemple affichait un gréement en tête avec barres de flèche poussantes et présence d’un bas-étai. Certes peu angulées mais suffisante­s pour éviter un cintrage inversé (c’est-à-dire orienté vers l’avant). Mais alors, pourquoi fractionne­r son gréement ? Pour obtenir une meilleure possibilit­é de réglage de la GV et des voiles d’avant. En reprenant du pataras dans la brise, on évacue de fait la puissance contenue dans la grand-voile et le génois. En effet, cette action a pour conséquenc­e de cintrer le mât, ce qui permet d’ouvrir la chute des voiles. De plus, ce type de gréement permet de libérer de la place pour l’installati­on d’emmagasine­urs en tête puisque l’étai est accroché plus bas que la tête de mât. Il existe plusieurs degrés dans le fractionne­ment : 9/10, 7/8… Ce rapport exprime la hauteur du triangle avant sur la hauteur du mât. Plus le rapport est petit, plus le gréement est fractionné et plus l’étai est accroché bas.

Gréement continu ou discontinu ?

Voilà encore deux termes largement employés dans l’univers du gréement même s’ils ne concernent que les mâts équipés au minimum de deux étages de barres de flèche. Avec un gréement continu – les plus fréquents sur les gréements d’ancienne génération – c’est le même câble qui passe par l’extrémité des barres de flèche. Que ce soit le hauban intermédia­ire comme le galhauban. En discontinu, il y a interrupti­on mécanique à l’extrémité des barres de flèche. Si l’utilisatio­n d’un gréement discontinu complique dans une

large mesure la procédure de réglage – obligation de grimper dans le mât au niveau des barres de flèche – il offre deux avantages. Tout d’abord il permet l’utilisatio­n de câbles de diamètre dégressif à mesure que l’on monte, donc de diminuer le poids du haubanage dans les hauts. Cet allégement a logiquemen­t séduit de nombreux chantiers de course-croisières (Sun Fast, JPK, Archambaul­t…). Enfin, ce dernier simplifie, au niveau du pont, la cadène. Là où il faut trois points de fixation avec un gréement continu, deux suffisent avec un discontinu.

LE DISCONTINU PLUS DIFFICILE A REGLER

En revanche côté réglages, les choses sont moins aisées. En plus de devoir monter avec une chaise pour régler le D2 (voir schéma), le discontinu demande une certaine habitude. Un ordre strict de réglage est à respecter : on commence par laisser les D2 mous et on finit par eux (il s’agit de la plus faible tension du gréement) sous peine de provoquer un cintre inverse du mât dans sa partie supérieure. Puis on enchaîne avec les V1/D1 avant de reprendre du pataras (cela tend les bas tout en mollissant les galhaubans). Pour finir, on rééquilibr­e l’ensemble en regardant les tensions. En définitive, le pourcentag­e maximal de tension devra toujours être supérieur sur les galhaubans que sur les bas-haubans.

Mât emplanté ou posé sur le pont ?

Là aussi, deux façons de poser le mât cohabitent. Soit directemen­t positionné sur le pont avec reprise des efforts par une épontille. Ce montage est préférable sur les voiliers dédiés à la croisière car il présente de nombreux avantages : pas d’infiltrati­on possible par le pied de mât comme ou l’intérieur de l’espar lui-même, les actions de mâtage-démâtage sont facilitées et l’on risque moins d’abîmer le pont en cas de démâtage involontai­re. Avec un mât emplanté en revanche, on peut utiliser un profil plus faible en section, donc plus léger, mais aussi mieux contrôler son cintre. Les mâts emplantés offrent en effet une possibilit­é de réglage supplément­aire en jouant sur la quête du gréement via la position du pied de mât sur la quille. En allongeant l’étai sans déplacemen­t du pied de mât, on crée du pré-cintrage – notons que celui-ci ne devra jamais dépasser la valeur d’un profil du mât. Pour obtenir une quête plus importante, en maintenant cette valeur de pré-cintrage il suffit alors d’avancer le pied de mât sur la quille. Cette combinaiso­n s’avère utile en compétitio­n pour adapter la courbure du mât à celle de la voile. Revers de la médaille, ce type de mât pose des soucis d’étanchéité au niveau de l’étambrai et nécessite de faire appel à des tirants pour éviter au rouf de monter à la traction.

Quel type de câble ?

Trois grandes familles de câbles se partagent le marché du gréement. Le plus courant est le monotoron en inox. Contrairem­ent à ce que son nom laisse supposer, il est en fait composé de dix-neuf torons ou fils qui s’enchevêtre­nt. On trouve ensuite le C Strand (Dyform : il combine des torons de différents diamètres) et le ROD (une tige en inox plein). On suivra les conseils du fabricant pour chaque type de câble en ce qui concerne la tension à mettre dessus. En effet, chaque producteur propose des tableaux avec des pourcentag­es de tension à rapporter à la charge de rupture de chaque câble. Le gréeur repart d’ailleurs systématiq­uement de ces informatio­ns pour mettre votre mât en tension. Mais pas uniquement puisqu’il va prendre aussi en compte les spécificit­és de votre bateau, son âge et celui du gréement, votre programme, la solidité du pont, de la coque ou encore des cadènes. Il arrive parfois que les cotes données par le fabricant soient trop élevées avec comme conséquenc­es une déformatio­n des aménagemen­ts intérieurs (des portes qui ne s’ouvrent plus) voire une altération de la coque et du pont. Conclusion : ne pas hésiter à demander conseil à un profession­nel avant de reprendre des tours de ridoir…

Quel réglage de base pour tout type de gréement ?

Les fabricants de mâts conçoivent également leur propre haubanage. Vendus par paires, les câbles sont identiques en longueur (à quelques millimètre­s près). La première action à réaliser sera de mettre la tête de mât dans l’axe longitudin­al du bateau : le mât doit toujours être rectiligne. Il ne faut pas se fier au visuel dans un premier temps car un coup d’oeil dans l’engoujure (la gorge du mât) ne suffit pas. A l’aide d’un pied à coulisse ou d’un mètre, on mesure l’écart entre l’extérieur des deux tiges filetées de chacun des câbles sur les deux bords. Cette opération demande une grande rigueur puisque cela se joue au millimètre près. Attention à bien reprendre symétrique­ment des tours de ridoir en comptant par demi-tour, de loin la meilleure technique de mémorisati­on. Une fois toutes ces opérations réalisées, votre mât devrait être rectiligne, la base pour passer au maniement du tensiomètr­e et pousser plus loin le réglage de votre gréement (voir encadré).

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 ??  ?? Gréement fractionné en 7/8 à un seul étage de barres de flèche poussantes avec un mât posé sur le pont sur le Focus 7.50. Bas-hauban et galhauban se retrouvent sur la même cadène.
Gréement fractionné en 7/8 à un seul étage de barres de flèche poussantes avec un mât posé sur le pont sur le Focus 7.50. Bas-hauban et galhauban se retrouvent sur la même cadène.
 ??  ?? Gréement continu en tête à deux étages de barres de flèche dans l’axe pour le Feeling 416. Pas de bas-étai mais une double paire de bas-haubans.
Gréement continu en tête à deux étages de barres de flèche dans l’axe pour le Feeling 416. Pas de bas-étai mais une double paire de bas-haubans.
 ??  ?? Gréement discontinu fractionné en 9/10 à deux étages de barres de flèche poussantes pour le Sun Odyssey 411, élu Voilier de l’année 2018.
Gréement discontinu fractionné en 9/10 à deux étages de barres de flèche poussantes pour le Sun Odyssey 411, élu Voilier de l’année 2018.
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 ??  ?? Le sertissage des haubans est une opération manuelle. Elle consiste à écraser le fût (embout) sur le câble en comprimant l’inox entre deux molettes tournantes.
Le sertissage des haubans est une opération manuelle. Elle consiste à écraser le fût (embout) sur le câble en comprimant l’inox entre deux molettes tournantes.
 ??  ?? Un mât mal réglé - non rectiligne - provoque un manque de performanc­e criant sous voiles et peut, à terme, fragiliser le profil. Sur ce mât de J/80 (deux étages de barres de flèche poussantes avec mât implanté, gréement fractionné et continu), le bas-hauban et le hauban intermédia­ire bâbord ont été trop repris. Conséquenc­e : création d’un arc avec l’impression visuelle que la tête de mât part sur tribord. Une seule solution, mollir l’ensemble et repartir du réglage de base.
Un mât mal réglé - non rectiligne - provoque un manque de performanc­e criant sous voiles et peut, à terme, fragiliser le profil. Sur ce mât de J/80 (deux étages de barres de flèche poussantes avec mât implanté, gréement fractionné et continu), le bas-hauban et le hauban intermédia­ire bâbord ont été trop repris. Conséquenc­e : création d’un arc avec l’impression visuelle que la tête de mât part sur tribord. Une seule solution, mollir l’ensemble et repartir du réglage de base.
 ??  ?? Les galhaubans sont désignés par la lettre V, pour verticale. Les inters, eux, s’accompagne­nt de la lettre D, pour diagonale, en fait oblique. A chaque étage correspond un chiffre : 1 pour le plus bas. Quant à la notation ÿ, elle correspond au diamètre du câble, réduit dans les sections supérieure­s.
Les galhaubans sont désignés par la lettre V, pour verticale. Les inters, eux, s’accompagne­nt de la lettre D, pour diagonale, en fait oblique. A chaque étage correspond un chiffre : 1 pour le plus bas. Quant à la notation ÿ, elle correspond au diamètre du câble, réduit dans les sections supérieure­s.
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