Tout savoir sur le réglage du mât
Technique la question du gréement, sans doute, mais cela ne doit pas vous rebuter ! Se familiariser avec votre mâture et régler son mât aux petits oignons, c’est la garantie de naviguer plus vite et plus longtemps…
AVANT DE PASSER
aux choses sérieuses, à savoir comment régler son mât en fonction du type de gréement, nous allons passer en revue les grandes notions de cet univers complexe, riche en vocabulaire et en principe, mais au final très abordable. Plutôt que de compter sur la chance ou faire mine de ne pas s’y intéresser en espérant que les démâtages n’arrivent qu’aux autres, prenez le problème à bras-le-corps en vous aidant sur cet article que nous avons voulu le plus pédagogique possible. Pour prendre l’information à la source, nous avons poussé les portes de la société Gréement Systems implantée de longue date au Crouesty.
Et c’est aux côtés de Manfred et Laurent, experts en la matière, que nous avons arpenté les pontons…
profil correspondant à un panneau). Donc à diminuer la section du profil, et son poids. C’est ainsi pour des raisons d’allégement du mât que l’on est passé de mâts systématiquement conçus avec un seul étage de barres de flèche à des profils à deux ou trois étages. Voire à quatre ou cinq comme sur les anciens monocoques de la Coupe de l’America. Certains mâts peuvent même se passer de barres de flèche, à l’image des cat boats, des IMOCA 60 et des Ultimes. La raison est simple : grâce à la présence d’un mât aile ou d’un maître bau important, l’angulation du galhauban avec le profil reste suffisamment grande pour se passer de celles-ci.
Barres de flèche poussantes ou dans l’axe ?
Très majoritaire jusqu’au début des années 1980, le gréement à barres de flèche dans l’axe, dit aussi dans le plan, se caractérise par la présence d’une paire de bas-haubans doublés (avant arrière) ou d’une seule paire de bas-haubans qui sera alors complétée d’un bas-étai. A ne pas confondre avec le faux étai qui, lui, est largable. Ce dernier arrive sous l’étai principal avec une cadène sur le pont et un point de capelage au niveau du deuxième étage de barres de flèche. Lorsque les cadènes sont toutes alignées dans l’axe des barres de flèche (dans la latéralité) à l’image des anciens Bénéteau ou des Pouvreau à deux étages de barres de flèche, on retrouve en plus des bastaques de mi-mât, dites aussi de maintien pour limiter les effets du pompage sur le mât. Depuis une vingtaine d’années, le gréement à barres de flèche poussantes s’est largement imposé pour des raisons avant toutes financières. La tendance s’est amorcée timidement avec un V peu prononcé pour finir à des barres de flèche très poussantes à l’instar du Pogo 30. Cette disposition a permis aux chantiers de faire des économies puisqu’il est dorénavant possible de faire revenir tout le haubanage sur une unique cadène associée à un seul renfort ou tirant. Cela autorise aussi de pouvoir déplacer les cadènes sur l’extérieur du passavant afin de faciliter les déplacements sur le pont. Inconvénients : ce type de gréement est plus fastidieux à régler puisqu’il y a dépendance entre les câbles transversaux et longitudinaux. Par exemple, si l’on reprend du galhauban, celui-ci pousse la barre de flèche vers l’avant et fait avancer le profil. En outre, leur résistance en cas de chavirage laisse à désirer, ce qui est moins vrai avec un espar à barres de flèche dans l’axe. Le mât naturellement plus neutre – il y a moins d’inertie – s’avère mieux tenu car le gréement propose plus de triangulations. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la composition des gréements des voiliers qui sont partis sur le dernier Golden Globe : que des barres de flèche dans le plan avec bastaque, double pataras et double paire de bas-haubans !
Gréement en tête ou fractionné ?
Le premier, une espèce en voie de disparition souvent associée aux barres de flèche dans l’axe, se caractérise par un étai et un pataras fixés en tête de mât. Reprendre du pataras a donc un impact direct sur la raideur de l’étai. Mais comme souvent dans l’univers du gréement, une exception vient confirmer la règle : la première génération de Sun Odyssey par exemple affichait un gréement en tête avec barres de flèche poussantes et présence d’un bas-étai. Certes peu angulées mais suffisantes pour éviter un cintrage inversé (c’est-à-dire orienté vers l’avant). Mais alors, pourquoi fractionner son gréement ? Pour obtenir une meilleure possibilité de réglage de la GV et des voiles d’avant. En reprenant du pataras dans la brise, on évacue de fait la puissance contenue dans la grand-voile et le génois. En effet, cette action a pour conséquence de cintrer le mât, ce qui permet d’ouvrir la chute des voiles. De plus, ce type de gréement permet de libérer de la place pour l’installation d’emmagasineurs en tête puisque l’étai est accroché plus bas que la tête de mât. Il existe plusieurs degrés dans le fractionnement : 9/10, 7/8… Ce rapport exprime la hauteur du triangle avant sur la hauteur du mât. Plus le rapport est petit, plus le gréement est fractionné et plus l’étai est accroché bas.
Gréement continu ou discontinu ?
Voilà encore deux termes largement employés dans l’univers du gréement même s’ils ne concernent que les mâts équipés au minimum de deux étages de barres de flèche. Avec un gréement continu – les plus fréquents sur les gréements d’ancienne génération – c’est le même câble qui passe par l’extrémité des barres de flèche. Que ce soit le hauban intermédiaire comme le galhauban. En discontinu, il y a interruption mécanique à l’extrémité des barres de flèche. Si l’utilisation d’un gréement discontinu complique dans une
large mesure la procédure de réglage – obligation de grimper dans le mât au niveau des barres de flèche – il offre deux avantages. Tout d’abord il permet l’utilisation de câbles de diamètre dégressif à mesure que l’on monte, donc de diminuer le poids du haubanage dans les hauts. Cet allégement a logiquement séduit de nombreux chantiers de course-croisières (Sun Fast, JPK, Archambault…). Enfin, ce dernier simplifie, au niveau du pont, la cadène. Là où il faut trois points de fixation avec un gréement continu, deux suffisent avec un discontinu.
LE DISCONTINU PLUS DIFFICILE A REGLER
En revanche côté réglages, les choses sont moins aisées. En plus de devoir monter avec une chaise pour régler le D2 (voir schéma), le discontinu demande une certaine habitude. Un ordre strict de réglage est à respecter : on commence par laisser les D2 mous et on finit par eux (il s’agit de la plus faible tension du gréement) sous peine de provoquer un cintre inverse du mât dans sa partie supérieure. Puis on enchaîne avec les V1/D1 avant de reprendre du pataras (cela tend les bas tout en mollissant les galhaubans). Pour finir, on rééquilibre l’ensemble en regardant les tensions. En définitive, le pourcentage maximal de tension devra toujours être supérieur sur les galhaubans que sur les bas-haubans.
Mât emplanté ou posé sur le pont ?
Là aussi, deux façons de poser le mât cohabitent. Soit directement positionné sur le pont avec reprise des efforts par une épontille. Ce montage est préférable sur les voiliers dédiés à la croisière car il présente de nombreux avantages : pas d’infiltration possible par le pied de mât comme ou l’intérieur de l’espar lui-même, les actions de mâtage-démâtage sont facilitées et l’on risque moins d’abîmer le pont en cas de démâtage involontaire. Avec un mât emplanté en revanche, on peut utiliser un profil plus faible en section, donc plus léger, mais aussi mieux contrôler son cintre. Les mâts emplantés offrent en effet une possibilité de réglage supplémentaire en jouant sur la quête du gréement via la position du pied de mât sur la quille. En allongeant l’étai sans déplacement du pied de mât, on crée du pré-cintrage – notons que celui-ci ne devra jamais dépasser la valeur d’un profil du mât. Pour obtenir une quête plus importante, en maintenant cette valeur de pré-cintrage il suffit alors d’avancer le pied de mât sur la quille. Cette combinaison s’avère utile en compétition pour adapter la courbure du mât à celle de la voile. Revers de la médaille, ce type de mât pose des soucis d’étanchéité au niveau de l’étambrai et nécessite de faire appel à des tirants pour éviter au rouf de monter à la traction.
Quel type de câble ?
Trois grandes familles de câbles se partagent le marché du gréement. Le plus courant est le monotoron en inox. Contrairement à ce que son nom laisse supposer, il est en fait composé de dix-neuf torons ou fils qui s’enchevêtrent. On trouve ensuite le C Strand (Dyform : il combine des torons de différents diamètres) et le ROD (une tige en inox plein). On suivra les conseils du fabricant pour chaque type de câble en ce qui concerne la tension à mettre dessus. En effet, chaque producteur propose des tableaux avec des pourcentages de tension à rapporter à la charge de rupture de chaque câble. Le gréeur repart d’ailleurs systématiquement de ces informations pour mettre votre mât en tension. Mais pas uniquement puisqu’il va prendre aussi en compte les spécificités de votre bateau, son âge et celui du gréement, votre programme, la solidité du pont, de la coque ou encore des cadènes. Il arrive parfois que les cotes données par le fabricant soient trop élevées avec comme conséquences une déformation des aménagements intérieurs (des portes qui ne s’ouvrent plus) voire une altération de la coque et du pont. Conclusion : ne pas hésiter à demander conseil à un professionnel avant de reprendre des tours de ridoir…
Quel réglage de base pour tout type de gréement ?
Les fabricants de mâts conçoivent également leur propre haubanage. Vendus par paires, les câbles sont identiques en longueur (à quelques millimètres près). La première action à réaliser sera de mettre la tête de mât dans l’axe longitudinal du bateau : le mât doit toujours être rectiligne. Il ne faut pas se fier au visuel dans un premier temps car un coup d’oeil dans l’engoujure (la gorge du mât) ne suffit pas. A l’aide d’un pied à coulisse ou d’un mètre, on mesure l’écart entre l’extérieur des deux tiges filetées de chacun des câbles sur les deux bords. Cette opération demande une grande rigueur puisque cela se joue au millimètre près. Attention à bien reprendre symétriquement des tours de ridoir en comptant par demi-tour, de loin la meilleure technique de mémorisation. Une fois toutes ces opérations réalisées, votre mât devrait être rectiligne, la base pour passer au maniement du tensiomètre et pousser plus loin le réglage de votre gréement (voir encadré).