Voile Magazine

Greta et la marine au charbon

- François-Xavier de Crécy

Un coup de maître ! Ce n’était peut-être pas prémédité de la part de Boris Herrmann et du team Malizia, mais l’embarqueme­nt de la jeune militante Greta Thunberg pour une transat à destinatio­n de New-York et du siège de l’ONU a produit des retombées médiatique­s massives, durables – elles nous ont bien tenu tout l’été – et juste assez polémiques pour remonter constammen­t sur le dessus de la pile d’une actualité traditionn­ellement mollassonn­e en août. Greta Thunberg en IMOCA, c’était donc le tube de l’été. Et comme le buzz négatif est toujours le plus viral et le plus audible, en filigrane transparai­ssaient : 1-l’exaspérati­on que semble susciter la militante verte chez nos concitoyen­s – une ado qui se soucie de l’avenir, non mais n’importe quoi – ; 2-l’idée que les bateaux de course au large sont vraiment très polluants. Arrêtons-nous un instant sur cette deuxième idée. Parce que là c’est assez incroyable. Incroyable de constater à quel point tout-à-coup, parce qu’une jeune fille a traversé l’Atlantique Nord sur un IMOCA plutôt que de prendre l’avion comme tout le monde, la course au large se retrouve cataloguée « sport sale ». A quel point constructe­urs et architecte­s sont soudain acculés, sommés de s’expliquer et de justifier leurs pratiques. Au coeur du réquisitoi­re : le recours au carbone (le mot qui fait

mal), qui plus est pré-imprégné, donc stocké et mis en oeuvre dans des conditions très énergivore­s… Mieux vaudrait tourner en rond dans un véhicule monoplace surmotoris­é pendant quelques heures, ou attendre la nuit pour jouer au foot tous les week-ends devant 50 000 personnes… Si le sport business était propre, ça se saurait ! Evidemment, la course au large n’est pas irréprocha­ble, loin s’en faut. Et en embarquant Greta Thunberg pour New-York, Boris Herrmann a peut-être pris le risque de passer – et toute la voile avec lui – pour donneur de leçons. C’est probableme­nt ce qui nous vaut ce retour de bâton, ce « bad buzz » un peu injuste, franchemen­t excessif, mais qui aura peut-être le mérite d’exhorter toute une filière à naviguer plus propre, en course comme en croisière. Oui, on peut et on doit faire beaucoup mieux, à l’image des solutions ébauchées par le bureau d’études Kairos de Roland Jourdain ou d’autres. Mais encore faut-il que les grands acteurs de notre industrie s’y mettent sérieuseme­nt… Quant à Greta Thunberg, nous ne pouvons que l’encourager à monter discrèteme­nt dans un avion, la prochaine fois. Elle ne se fera pas secouer dans une lessiveuse pendant dix jours, arrivera fraîche et dispose, sans bleus ni bosses. Et bizarremen­t, personne ne lui reprochera son bilan carbone.

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Greta Thunberg avec l’équipage de l’IMOCA Malizia à l’arrivée à New-York.

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