Greta et la marine au charbon
Un coup de maître ! Ce n’était peut-être pas prémédité de la part de Boris Herrmann et du team Malizia, mais l’embarquement de la jeune militante Greta Thunberg pour une transat à destination de New-York et du siège de l’ONU a produit des retombées médiatiques massives, durables – elles nous ont bien tenu tout l’été – et juste assez polémiques pour remonter constamment sur le dessus de la pile d’une actualité traditionnellement mollassonne en août. Greta Thunberg en IMOCA, c’était donc le tube de l’été. Et comme le buzz négatif est toujours le plus viral et le plus audible, en filigrane transparaissaient : 1-l’exaspération que semble susciter la militante verte chez nos concitoyens – une ado qui se soucie de l’avenir, non mais n’importe quoi – ; 2-l’idée que les bateaux de course au large sont vraiment très polluants. Arrêtons-nous un instant sur cette deuxième idée. Parce que là c’est assez incroyable. Incroyable de constater à quel point tout-à-coup, parce qu’une jeune fille a traversé l’Atlantique Nord sur un IMOCA plutôt que de prendre l’avion comme tout le monde, la course au large se retrouve cataloguée « sport sale ». A quel point constructeurs et architectes sont soudain acculés, sommés de s’expliquer et de justifier leurs pratiques. Au coeur du réquisitoire : le recours au carbone (le mot qui fait
mal), qui plus est pré-imprégné, donc stocké et mis en oeuvre dans des conditions très énergivores… Mieux vaudrait tourner en rond dans un véhicule monoplace surmotorisé pendant quelques heures, ou attendre la nuit pour jouer au foot tous les week-ends devant 50 000 personnes… Si le sport business était propre, ça se saurait ! Evidemment, la course au large n’est pas irréprochable, loin s’en faut. Et en embarquant Greta Thunberg pour New-York, Boris Herrmann a peut-être pris le risque de passer – et toute la voile avec lui – pour donneur de leçons. C’est probablement ce qui nous vaut ce retour de bâton, ce « bad buzz » un peu injuste, franchement excessif, mais qui aura peut-être le mérite d’exhorter toute une filière à naviguer plus propre, en course comme en croisière. Oui, on peut et on doit faire beaucoup mieux, à l’image des solutions ébauchées par le bureau d’études Kairos de Roland Jourdain ou d’autres. Mais encore faut-il que les grands acteurs de notre industrie s’y mettent sérieusement… Quant à Greta Thunberg, nous ne pouvons que l’encourager à monter discrètement dans un avion, la prochaine fois. Elle ne se fera pas secouer dans une lessiveuse pendant dix jours, arrivera fraîche et dispose, sans bleus ni bosses. Et bizarrement, personne ne lui reprochera son bilan carbone.