Quelques bords à bord
X40
C’EST COMME SI une nouvelle ère commençait pour X-Yachts, comme si, en renouant avec le principe d’une gamme médiane course-croisière, le chantier danois avait retrouvé ses fondamentaux. Pourtant, ce nouveau 40 pieds est beaucoup plus qu’un retour en arrière. A l’image de son grand frère le 43, vendu à 80 exemplaires depuis 2016, c’est surtout une synthèse renouvelée entre une certaine tradition du chantier et le design contemporain. Un bel équilibre donc et un bateau bien né, mais servis par une construction toujours aussi exigeante (voir page 54).
Ce qui frappe au premier abord, quand on découvre le nouveau X, c’est son élégance. La ligne est à la fois agressive et retenue, sportive mais adoucie par les courbes détendues de l’hiloire. Les trois hublots de coque sont bien proportionnés, celui du rouf, visuellement trapézoïdal, ne court pas sur toute sa longueur. Sur la face avant de ce rouf, on a même réussi à placer un hublot frontal discret mais précieux. Les panneaux de pont, quant à eux, sont tous affleurant, et l’enrouleur de génois est sous le pont. De façon générale, un soin maniaque a été apporté à la pureté des lignes et des surfaces, un peu à la manière de ce que font les concurrents italiens. De fait, et c’est encore plus frappant sur les grandes unités de la gamme, X-Yachts entend s’inscrire dans cette tendance minimaliste portée par les Solaris et autres Del Pardo. Sur notre X40, les drisses circulent sous le contre-moule de rouf, la barre d’écoute de GV est noyée dans le fond de cockpit, et des consoles de barre portent pas mal d’électronique tout en restant assez fines. Pour être chic, c’est chic. Et ça navigue comment ?
DE LA VITESSE ET DU PLAISIR
A peine sortis du petit port d’Arosund, qui fait face à la petite île d’Aro sur la côte baltique de la péninsule danoise, nous envoyons la GV à la volée. C’est du moins ce que j’allais faire, mais l’un des équipiers ne m’a pas attendu et la hisse avec l’assistance du winch électrique. Le spi asymétrique est envoyé dans la foulée pour un premier bord tonique à environ 100° du vent. Kræn Nielsen, le PDg du chantier, me propose aussitôt la barre : difficile de refuser. Le vent s’établit à 15-17 noeuds, nous prenons de la vitesse (8, 10 noeuds en lofant un peu) et surtout beaucoup de plaisir ! La barre est parlante, le bateau réactif. Les choses se gâtent un peu quand on s’essaye à lofer davantage pour charger le bateau et le pousser dans ses retranchements. D’une part le départ au lof n’est pas très loin, mais il est vrai qu’on cherche un peu, et d’autre part la barre devient dure, ce qui est plus étonnant. Question de réglage de la transmission ? De compensation du safran ? Difficile à dire, mais ce petit défaut a le mérite de nous ramener dans le droit chemin… et à des angles de spi plus sages. Ainsi abattus, nous constatons en revanche que l’écoute de GV rague sur les bancs de cockpit : un classique, surtout avec une barre d’écoute au beau milieu du cockpit. Nous nous livrons à quelques empannages qui passent comme à la parade avant d’effacer le spi dans sa chaussette, juste le temps d’observer que les bas-haubans frappés sur le livet incitent à poser le pied sur le rouf, dont la surface plane est prévue pour cela. Au près, le phénomène de durcissement de la barre ne se produit plus, le X40 est au contraire très plaisant à barrer à plus ou moins 40° du vent réel. L’étrave ne tape pas dans le petit clapot, bien que les sections avant soient plus pleines que celles d’un Xp (gamme course).
Le barreur profite à plein du grand cale-pieds pour trouver une position très confortable, il a la main sur la drosse de barre d’écoute
– et naturellement sur l’écoute. En revanche les équipiers pourraient réclamer un cale-pieds, fut-il amovible pour éviter les entorses au port, entre les bancs du cockpit. Ce cockpit n’en reste pas moins très agréable, et facile à ranger avec ses grands coffres et ses astucieuses bailles à bouts intégrées de part et d’autre de la descente. L’examen des fonds de coffre et des soutes arrière, qui donnent accès au secteur de barre et à un pilote monté sur une sérieuse platine en acier, ne permet pas de prendre à défaut la finition, partout irréprochable.
Sous le pont, c’est un peu la même histoire : pas facile de trouver des imperfections ! Le retour de la cuisine, à bâbord, fait face à la table à cartes, un vrai poste navigateur dans le sens de la marche. Son siège est adossé à la cloison du cabinet de toilette, dont le volume est remarquable dans cette version deux cabines. On note d’ailleurs, derrière le WC, un accès à la soute arrière.
Le carré est décalé à bâbord, dans la continuité de la cuisine, face à une confortable banquette
qui peut permettre d’accueillir facilement sept convives en tout. Et à l’occasion faire une couchette de mer appréciable, pour peu qu’on l’équipe d’une toile antiroulis, ce que Jean-Luc Chalant (l’importateur France basé à Port-Grimaud) propose systématiquement. Rien d’incroyablement innovant, mais un sens marin intemporel, du bon goût à revendre et des boiseries très bien finies. Nous avons pu le constater sur les meubles examinés au chantier avant montage : ils sont irréprochables, y compris là où ça ne se voit pas. Cerise sur le gâteau, la cabine avant affiche un volume étonnant et une belle luminosité, grâce aux nombreux vitrages (trois hublots et un panneau de pont), mais aussi à de grandes surfaces blanches (bordés et tête de lit) entrecoupées de placage en chêne clair. On quitte le bord avec le sentiment d’avoir rencontré un bateau bien né, achevé dans le moindre détail dès le n°1. En dépit de sensations de barre mitigées, il faut saluer le lancement d’un X à taille humaine, le précédent 40 pieds remontant quand même à 2009. Et si le tarif reste salé, en dépit d’une construction largement délocalisée en Pologne, force est de constater qu’il semble justifié par le soin apporté à chaque détail.
La silhouette du X40 est sportive, mais ses lignes restent douces.