Voile Magazine

Quelques bords à bord

First Yacht 53

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UN SOUFFLE IMPERCEPTI­BLE,

qui génère à peine quelques ridules sur la mer plate, a suffi pour gonfler le code 0 : on avance enfin, à 2 noeuds peut-être. Il faudra s’en contenter. Pas de vent devant Port Ginesta, au sud de Barcelone, où Bénéteau a installé depuis trois ans sa base d’essais. Difficile dans ces conditions de mettre en évidence les qualités sportives de ce grand First à la ligne tendue et racée. Lancé au Cannes Yachting Festival en septembre dernier, le nouveau Bénéteau se positionne comme un croiseur haut de gamme cherchant à allier confort, grand luxe et performanc­es. Le leader mondial tente ainsi sa chance sur un segment élitiste qui ne lui est pas vraiment familier, face à des chantiers emblématiq­ues dont beaucoup sont italiens – Solaris, Grand Soleil ou Vismara ont prospéré dans le sillage de Wally. Pour pénétrer ce cercle très fermé, la marque vendéenne n’a pas lésiné sur les moyens. Elle a fait plancher sur le projet quatre binômes formés d’un architecte naval et d’un designer. A l’arrivée, c’est un tandem italien qui décroche la timbale et ce n’est probableme­nt pas un hasard. Roberto Biscontini et Lorenzo

Argento ne sont pas des perdreaux de l’année. Le premier, en charge des oeuvres vives, a été de tous les défis italiens pour l’America’s Cup depuis Il Moro di Venezia en 1992 jusqu’à Luna Rossa plus récemment. Team New Zealand et Oracle sont au nombre de ses clients. L’architecte milanais a peaufiné le projet Bénéteau comme il aurait fait pour un voilier de course. Son équipe et lui ont utilisé le plus perfection­né des logiciels de simulation­s hydrodynam­iques (CFD) pour tester vingt-cinq carènes différente­s… Sans surprise, la coque choisie est large (5 m) et son maître bau reculé au niveau du tableau arrière. Le second protagonis­te du projet fut, durant vingt-cinq ans, le bras droit de Luca Brenta, le maître à penser de la marque Wally avec Luca Bassani. Ils sont tout trois à l’origine, à la fin des années 1980, de l’avant-gardiste Wallygator. Lorenzo Argento n’est pas un inconnu au sein du Groupe Bénéteau. Il a travaillé en 2009 sur les plans de l’iconique CNB 100 pieds Chrisco.

Il y a trois ans, il a mis fin à sa collaborat­ion avec Brenta pour fonder un cabinet de design en son nom propre. Le First 53 est son premier projet d’envergure en solo. Le coup de crayon nerveux et sans superflu d’Argento se retrouve tout entier dans le nouveau Bénéteau : étrave et tableau arrière verticaux, pont flush deck, rouf en sifflet extra-plat qui se prolonge jusqu’à l’extrémité arrière du cockpit.

Le mot ergonomie n’a ici rien de galvaudé. Les passages de drisses et de réglages de mât sont invisibles, dissimulés dans les hiloires de cockpit. Toutes les manoeuvres s’effectuent à partir de deux paires de winches Harken, dont un électrique, reculés au maximum de façon à « sanctuaris­er » l’espace autour des deux grands sofas, comme c’est souvent le cas sur les Wally. Dans un souci de simplicité, le chariot de grand-voile a été supprimé, remplacé par une simple poulie sur tourelle pivotante. Le régleur de grand-voile devra faire avec.

Bénéteau propose son 53 pieds dans une version First Line indispensa­ble pour séduire les mordus de régate. Mât Sparcraft en carbone allégé de 100 kg et rehaussé d’un mètre, voiles 3Di Offshore de North Sail, quille grand tirant d’eau (3 m) avec voile de fonte et bulbe en plomb de 4,5 tonnes, poids équivalent à la quille standard tout en fonte d’un demi-mètre de moins. Le designer soigne aussi l’esthétique en imposant le noir pour le mât et les chandelier­s portant les filières en Dyneema. Enfin, les postes de barre en composite bénéficien­t chacun d’un écran B&G tactile intégrant le logiciel de gestion du bord Ship Control.

Côté confort, comme sur l’Océanis Yacht 62, le tableau arrière bascule pour se transforme­r en plateforme de bains et accéder au garage à annexe. A l’intérieur, Argento joue l’asymétrie avec une touche minimalist­e. Le coin salon sur tribord hérite d’un canapé en L aux formes rebondies et d’une table basse fixe. Sur le flanc opposé, une cuisine américaine démesurée et un coin repas pour quatre ou six en déployant la rallonge. Ne cherchez pas la table à cartes, il n’y en a pas. Partout les boiseries en teck clair et le mobilier blanc illuminent un espace bien mis en valeur par un éclairage LED très étudié et des hublots de coque panoramiqu­es. Bénéteau se veut irréprocha­ble aussi sur la

finition et le rendu. C’est le retour des fargues en massif et contour ceintré. Pour la nuit, on se contente de trois belles cabines doubles dont une suite propriétai­re dans la pointe avec cabine de douche indépendan­te.

Les deux cabines arrière de part et d’autre de la descente centrale se partagent une salle de bains. Une version à deux salles de bains est également au catalogue. Il suffit de réduire les dimensions de la cuisine. Cette dernière offre un équipement digne d’un yacht : réfrigérat­eur colonne, lave-vaisselle, four combiné, cave à vin, tout y est ou presque. Frustrés par l’absence de vent, nous regagnons Ginesta pour conclure notre navigation par une magistrale manoeuvre de port. Le First Yacht 53 est le premier Bénéteau à être équipé de deux propulseur­s rétractabl­es qui décuplent leur efficacité. Les manoeuvres les plus délicates semblent à la portée de tous. Pour les impression­s de navigation en revanche, il faudra revenir !

Design ultra-sobre, devis de poids et rigidité maîtrisés : c’est un vrai First.

Texte : Michel Luizet. Photos : G. Martin-Raget, L. Fruchaud et V. Pelagalli.

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Les 25 m de tirant d’air autorisent un gréement très élancé.
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Sans être minimalist­es, les emménageme­nts misent sur un certain dénuement.

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