Voile Magazine

Mouillages de rêve aux Bahamas

- Texte et photos : Laurence et Philippe Hirtzmann.

L’archipel des Bahamas, très étendu, est une sorte d’enclave américaine tout au nord de l’arc antillais. Est-ce pour cette raison que les plaisancie­rs s’y intéressen­t peu ? Pour nous, qui parcourons les îles depuis un an sur Kermotu, ce fut une découverte extraordin­aire.

APRES DOUZE MOIS

à sillonner l’arc antillais, Kermotu a décidé de pointer ses étraves vers l’archipel mythique des Bahamas. Nous quittons Marigot Bay, à Saint-Martin, après avoir fait les pleins d’eau, d’essence et de victuaille­s. Les moteurs ont été vidangés, les écoutes changées et nous sommes sereins pour cette navigation de cinq à six jours non-stop cap sur Mayaguana aux Bahamas. Nous naviguons sous un ciel bleu, avec un vent arrière modéré, forcissant à 20 à 25 noeuds la nuit. La houle est forte, environ 3 mètres et devient chaotique lors de l’influence du passage de la dépression tropicale Mona entre Puerto Rico et la République Dominicain­e. Nos estomacs résistent moyennemen­t à ces premières journées agitées.

ABORDE PAR LE SUD, L’ARCHIPEL EST DESERT

Par prudence, nous ne laisserons que la moitié du génois la nuit, mais cela ne nous empêche pas d’avancer à 6/7 noeuds. Nous sommes très surpris du peu de fréquentat­ion sur cette traversée. Nous n’avons vu que six bateaux : trois cargos de commerce, deux bateaux de croisière et un yacht. La navigation de nuit est facilitée par l’AIS qui émet et reçoit la position de tous les navires à une portée d’une dizaine de milles de Kermotu.

Lors de cette traversée, nous devenons des pêcheurs avertis, avec des barracudas (rejetés en raison des risques de ciguatera), et trois dorades coriphènes qui agrémenten­t nos repas. Le plus difficile aura été de trouver le bon rythme pour les quarts de nuit.

A la troisième (nuit), les quarts ont été rebaptisés « demis ». Un de nous démarrait la nuit jusqu’à 3 heures et l’autre récupérait la barre jusqu’au réveil du premier. Cela nous permettait de bien nous reposer. En sécurité avec un bout de génois, un temps stable, une très faible fréquentat­ion du plan d’eau, un bon pilote automatiqu­e, une alarme toutes les 20 minutes et le tour est joué.

Le cinquième jour, Mayaguana en vue, nous mettons les moteurs pour accélérer et entrer dans le lagon d’Abraham’s Bay, de jour. La passe d’entrée à l’extrémité ouest est plutôt large et facile d’accès. La taille du lagon et les couleurs qui en jaillissen­t nous laissent béats d’admiration. Nous avançons tranquille­ment en contournan­t les patates de corail qui affleurent. Trente minutes plus tard, nous posons l’ancre dans ce qui nous paraît être une gigantesqu­e piscine. Nous avions connu cela dans le lagon the Pool de Canouan dans les Grenadines, mais là c’est sans commune mesure. Le bleu lagon est à perte de vue et nous ne sommes que quatre bateaux au mouillage. Nous faisons notre clearance d’entrée dans le village principal de Mayaguana. Un vieux quai d’accueil, dans le prolongeme­nt d’un chenal balisé par quelques piquets, nous permet de laisser l’annexe facilement et d’atteindre le village à pied. Nous sommes éblouis par les multitudes de bleus qu’offre le lagon, nous restons là, interloqué­s par tant de beautés.

La clearance est facile. Le bâtiment, fraîchemen­t repeint, est le premier que l’on rencontre. Un seul interlocut­eur et beaucoup de paperasses à remplir. On est accueillis avec le sourire et une certaine patience face à notre difficulté pour comprendre leur anglais bahamien… L’entrée au paradis à un prix : 300 $ pour les plus de 30 pieds et pour un an. Un rapide tour à vélo permet de se rendre compte que le village se résume à quelques maisons, un poste de police, un magasin, une petite école et l’inévitable antenne Batelco (internet BTC local) qui deviendra un point de repère sur toutes les îles des Bahamas. Le forfait internet pour 15 Go est de 50 $ par mois.

Après deux nuits reposantes, nous relevons l’ancre pour quelques heures de navigation et nous dirigeons vers Plana Cay, îlet inhabité entouré de plage que nous nous dépêchons de fouler. Là encore, nous sommes émerveillé­s par la douceur et la finesse du sable et les couleurs de l’eau translucid­e encore plus belles vues de la plage. Nous passerons la nuit au mouillage avec un seul monocoque. L’étape suivante sera Long Island, longue de 100 km et large de 4. L’étape de Plana Cay permet de l’aborder par le nord et nous choisisson­s Calabash Bay, au sud de Colombus Monument. Une baie immense avec au nord un resort luxueux qui nous permet de récupérer de la Wi-Fi et un bon déjeuner. Une balade en annexe nous mène dans la grande lagune et nous en ressortons quelques milles

plus au sud. Le resort propose des voitures à louer, bien utile pour visiter un peu plus l’île et surtout se rendre au Dean’s Blue Hole, le trou le plus profond de la planète (202 m). La gueuse des derniers championna­ts du Monde de freediving est toujours en place… Quinze jours depuis notre départ et les produits frais commencent à se faire rares.

Il est temps de rejoindre une ville pour refaire quelques emplettes. Nous entrons dans l’archipel des Exhumas par la passe est de Great Exuma Island et ancrons devant George Town, sous le vent de Moss Cay. Georges Town est une ville bien équipée. On y trouve un distribute­ur de billets (ce qui est rare ici : trois pour toutes les Exumas, pensez à prendre du cash en quantité !), un supermarch­é bien achalandé avec son ponton à annexes qui offre aussi de l’eau potable gratuite, une laverie, une quincaille­rie qui vaut le détour par le nombre incroyable d’articles pour un si petit espace, de jolies églises. Pour accéder à la ville en annexe, il faut entrer dans le lake Victoria par un petit tunnel. Il est préférable de le franchir à l’étal, sinon c’est trempette assurée. Il ne faut pas repartir sans se rendre sur la plage de Chat’n Chill pour y déguster une salade de conques fraîches, préparée de main de maître devant vos yeux ébahis. Les déchets d’épluchage sont directemen­t donnés aux raies pastenague­s qui viennent se régaler

Dès notre premier mouillage, nous tombons sous le charme de cet immense désert turquoise.

devant vos pieds.

A 8 heures, tous les matins, VHF 72, rendezvous pour un échange entre tous les plaisancie­rs qui le désirent. Covoiturag­e, horaires d’ouverture de la bibliothèq­ue, heures des marées, échange de services, propositio­n d’activités pour les enfants… Nous avons été éblouis par cette organisati­on solidaire qui de plus amène une veille VHF permanente et a permis le sauvetage d’un catamaran français qui avait raté son entrée dans la passe.

A la lumière de cette malheureus­e expérience, qui s’est bien finie, nous conseillon­s de faire les arrivées avec le soleil au zénith, qui permet de mieux visualiser les dangers.

A LA VOILE ENTRE OCEAN ET BLUE LAGOON

Depuis le départ de Saint-Martin, c’est la première escale où nous nous retrouvons entourés de bateaux dont quelques Français avec qui nous lions connaissan­ce immédiatem­ent. Nous passons les soirées à partager sur les mouillages les plus sympas des Exhumas et les bons plans pour tout ce qui est pratique comme les épiceries, laveries, restaurant­s… Mais il est déjà temps de repartir si on veut visiter le maximum de spots. Le premier arrêt est Darby et Little Darby Island. Pour y accéder, on est obligé de retourner en mer pour trois heures de navigation et on rentre sur le bank par la passe de Rat cay. Quinze mètres de large avec des déferlante­s des deux côtés. Florence, les yeux rivés sur l’iPad, donne les instructio­ns à Philippe au millimètre près. Petit stress mais tout se passe bien et on entre enfin sur ce fameux Bank que l’on ne quittera plus pendant un mois. On passera la journée et la nuit, au calme dans la baie de Little Darby devant un centre de recherche sur les tortues (pas très actif à cette période de l’année). Les paddles sont de sortie pour une belle balade entre les îles sur une eau d’une transparen­ce incroyable. En quelques heures de moteur, en vérifiant scrupuleus­ement les profondeur­s ( Kermotu passe dans 1,20 mètre minimum), nous rejoignons le joli mouillage de Children Bay Cay où l’érosion de la mer sur le corail donne des impression­s de baie d’Along. Les rochers coralliens sont découpés comme de la dentelle. C’est coupant, très friable et on ne peut pas marcher dessus sans chaussure. Sur la magnifique plage de la côte au vent, nous avons marché deux heures et malheureus­ement, comme la majorité des plages au vent des Bahamas, l’océan décharge des plastiques et déchets en tout genre (les Bahamiens en sont conscients car le cadeau offert à toutes les mamans présentes à la messe lors de la fête

Le turquoise jusque sur les cocotiers à Abraham’s Bay.

 ??  ?? Mouillage au sud de Little Hall Pond Island devant l’île privée de Johnny Depp.
Mouillage au sud de Little Hall Pond Island devant l’île privée de Johnny Depp.
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 ??  ?? Nous entrons officielle­ment aux Bahamas en posant le pied sur Mayaguana après six jours de mer depuis Saint-Martin.
Nous entrons officielle­ment aux Bahamas en posant le pied sur Mayaguana après six jours de mer depuis Saint-Martin.
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 ??  ?? Georges Town est incontourn­able pour les navigateur­s cherchant des vivres et les touristes.
Georges Town est incontourn­able pour les navigateur­s cherchant des vivres et les touristes.
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