Voile Magazine

Naviguer l’hiver Une croisière givrée !

- Texte : Damien Bidaine, F.-X. de Crécy, Paul Gury.

Comment bien finir une année et entamer la nouvelle avec entrain ? En naviguant pardi ! C’est le parti que nous avons pris en nous payant une bouffée d’air marin à quatre jours du réveillon. L’occasion en or pour tester vêtements de mer, frontales et lampes flash.

NAVIGUER SOUS LA NEIGE,

voilà au fond ce que nous espérions ! Nous nous serions même contentés d’un peu de givre sur le pont. Vous savez, cette mince pellicule blanche qui étincelle sous les premiers rayons du soleil du matin, offrant un spectacle rafraîchis­sant avant de disparaîtr­e doucement à mesure que le soleil prend de la hauteur sur l’horizon… Que nenni ! Le programme fut tout autre, sans être moins hivernal. Le premier jour, la mer fut calme et la brise légère, tout juste agitée par quelques risées sous les grains du soir tandis que le lendemain, le vent allait agiter la baie de Quiberon et lever une mer forte à mesure que le vent fraîchissa­it dans tous les sens du terme.

PARES POUR AFFRONTER LES EMBRUNS GLACES !

Avouons que nous étions bien, voire trop bien armés pour la situation. Outre le fait que nous avions composé trois paquetages modernes et complets, respectant à la lettre le principe des trois couches respirante­s (sous-vêtements, vêtements et cirés) afin de vous présenter trois budgets pour nous équiper chaudement en mer, nous avions comme support un séduisant JPK 38 loué chez Alternativ­e Sailing à La Trinité-sur-Mer. Il est certain qu’hommes et machine étaient ainsi très bien préparés pour passer un excellent moment sur l’eau. Ajoutez à cela un avitaillem­ent adéquat et nous larguions gaiement les aussières avant de mettre le cap sur un plan d’eau quasi désert. Un commentair­e sur l’avitaillem­ent : il n’est pas nécessaire de manger plus par temps froid même si vous passez la journée dehors. En revanche, des boissons chaudes seront toujours les bienvenues pour s’hydrater sans se refroidir.

Pour le moment, nous sommes à la manoeuvre pour établir les voiles et couverts comme nous le sommes avec nos vêtements respirants, nous avons tous les trois presque trop chaud ! L’avantage de nos paquetages trois couches est de pouvoir rapidement en enlever une et réguler ainsi notre températur­e. Cela demande une petite gymnastiqu­e physique et intellectu­elle, mais le gain de confort est énorme. Telle est la conclusion d’un premier débrief « à chaud » tandis que le JPK 38 file tranquille­ment en baie de Quiberon, pointant son étrave vers la cardinale sud des Buissons. Car si l’équipage est équipé et préparé pour une navigation hivernale, il est en de même pour cette unité de croisière rapide. Acheté par son propriétai­re en 2018 et confié en gestion-location à Alternativ­e Sailing, ce croiseur bien entretenu et parfaiteme­nt préparé est un pur bonheur à manoeuvrer, à barrer, à vivre. Le modèle qui fut élu Voilier de l’année en 2012 n’a pas pris une ride ! Peut-être peut-on apporter une critique à ce carré déporté sur bâbord où l’on s’attable côte à côte sans que personne ne dîne avec un convive en face de lui, mais guère plus. Pour le reste, la conviviali­té est là, surtout depuis le large cockpit où défile le paysage.

Car le JPK 38 est vif sans pour autant perdre son assiette, son confort. On goûte là l’importance d’être sur un voilier bien lesté (1 900 kg à 2,70 m quille basse) doté de belles voiles, bien plates, qui lui permettent de décoller à la moindre risée. On ne peut alors s’empêcher d’être exigeants sur le réglage des voiles. Car si le JPK 38 pardonne à un équipage peu enclin à bien ajuster ses voiles, il donne tout à celui qui prend soin d’aligner les penons, de tendre la chute. Après un petit tour à l’entrée du golfe puis au Crouesty pour récupérer François notre photograph­e, nous renvoyons les voiles pour une navigation à la tombée du jour. Le vent fraîchit, des grains s’approchent et le plaisir de naviguer ne fait que décupler. Tout paraît très simple à bord, les manoeuvres tombent sous le sens et la barre reste neutre, douce et réactive quoi que l’on fasse. Côté équipement personnel, l’épreuve de la nuit n’est est pas une : sous nos sous-couches, polaires et cirés, nous restons au chaud. Je teste pour la première fois l’associatio­n de chaussette­s étanches avec des chaussures de pont en lieu et place d’une paire de bottes. L’idée soufflée par des skippers profession­nels a du sens et le confort est impression­nant. Seule la protection thermique est moindre, mais il suffirait d’enfiler sous la chaussette étanche une autre paire classique, respirante, pour se réchauffer les orteils ! Une bonne idée à confirmer sur une navigation plus longue. En revanche, le chapitre des gants déçoit : à nous trois, nous avons chacun un type de gants différent et la conclusion est unanime : plus ils sont chauds, moins ils sont pratiques ! François-Xavier a des gants de voile non étanches, non doublés, mais qui, en laissant libres les extrémités de l’index et du pouce, lui permettent d’agir efficaceme­nt. S’il a froid, il plonge ses mains au fond des poches doublées de son ciré. Pour Paul – doté de gants étanches sans véritable grip – et pour moi-même, équipé de gants doublés, hormis tenir la barre, nous ne voyons pas trop quoi faire et pour chaque action nous devons au préalable nous départir de nos gants… Cette navigation est aussi l’occasion pour Paul de tester un bel échantillo­n de lampes frontales et de lampes de poche (fort utiles en cas de panne de pilote). Malgré notre équipement et l’envie de prolonger cette navigation au bout de la nuit, il faut rentrer au port. L’avis de vent frais du lendemain nous interdit de trop nous éloigner du port d’attache du JPK 38. L’hiver, il faut raison garder même si, rétrospect­ivement, nous aurions pu courir un peu plus d’eau… Qu’importe, c’est l’heure du repos dans un voilier en sandwich contremoul­é, autrement dit dépourvu de toute condensati­on.

Un bel atout en hiver.

Le lendemain, c’est une tout autre ambiance qui nous attend : 25 noeuds de sud-sud-ouest sous la pluie avec des claques dans le cahot

d’une mer formée. En bref, une belle piste rouge qu’il a fallu remonter avant de la descendre pleine balle ! Vous le devinez : ce fut un grand bonheur conjugué avec un ris dans la grand-voile et sous trinquette mais avec une barre toujours neutre, agréable, sécurisant­e. Au programme de la journée : monter au vent, virer de bord, abattre, partir au reaching avant de lofer de nouveau, puis d’abattre en grand ! Naviguer sans cap et sans autre but que celui de prendre du plaisir à bord d’un chouette voilier et au passage d’éprouver nos tenues dans la piaule. Le résultat fut bon : ce qui devait être étanche le fut, idem pour ce qui devait être respirant et chaud. Un objectif atteint pour nos trois paquetages et un sansfaute pour le bateau. Des critiques ? L’un de nous aurait apprécié un palan fin pour régler la grand-voile, un autre a trouvé la barre franche un peu trop basse. En revanche, je plaide coupable pour le manque à virer ! Mais il nous a permis de tester la marche arrière du JPK 38… Décidément, il sait tout faire ce croiseur !

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Photos : François Van Malleghem.
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 ??  ?? Prise de ris entre chien et loup juste avant la nuit noire : gilets, harnais et frontales sont de rigueur.
Prise de ris entre chien et loup juste avant la nuit noire : gilets, harnais et frontales sont de rigueur.
 ??  ?? Boule à neige Voile Mag à défaut de vrais flocons pour cette jolie sortie hivernale.
Boule à neige Voile Mag à défaut de vrais flocons pour cette jolie sortie hivernale.
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