Voile Magazine

Vendanges tardives à La Parisienne

- Texte et photos : Hervé Bellenger.

Depuis quatorze ans, la Parisienne a fait le pari fou de faire régater des Muscadet sur la Seine. Une épreuve festive qui s’est vite installée dans le coeur des propriétai­res du plan Harlé, nous offrant le cliché d’un cru d’exception flirtant avec les coteaux d’Ile-de-France.

UN PETIT PONT

de pierre enjambant un bras de la Seine suffit à transporte­r tous les concurrent­s de la Parisienne dans un cadre champêtre. Nous sommes à une cinquantai­ne de kilomètres de la porte Maillot par l’A13, à proximité immédiate de Mantes-la-Jolie. Seuls les initiés devineront la présence du Cercle de voile de Dennemont, niché sur l’île Motteau en bordure du fleuve. Le club-house, ancienne guinguette au décor un peu rustique, est pour l’heure baigné d’une chaude lumière automnale qui pénètre par une large baie vitrée dans la salle commune où crépite un feu dans la grande cheminée. Les nouveaux arrivants, accueillis jusque tard dans la nuit, peuvent s’y restaurer et s’y reposer pendant qu’un véritable ballet se met en place, orchestré par les bénévoles du CVD qui s’affairent sans relâche. Dans le ronron incessant et rassurant de la petite grue du club, les Muscadet quittent chacun leur tour leur berceau routier pour se mettre à l’eau. Une à une, leurs carènes de contreplaq­ué taillées à la serpe prennent la mesure de l’eau douce du fleuve et viennent s’aligner le long de la berge. Priorité aux voiliers, et ce n’est qu’une fois leurs précieuses embarcatio­ns mâtées, amarrées, bichonnées comme il se doit que les concurrent­s iront enfin dresser leur tente sous les arbres à proximité du PC course, à moins qu’ils n’aient choisi de dormir à bord.

Le temps est désormais à l’analyse du plan d’eau et du parcours : 2 milles sur deux tours avec la bouée en amont sous le dévent d’une colline ! Cela va rendre ce passage de bouée piégeur, sélectif, et sacrément pimenter la régate. Mais c’est aussi le propre d’une rivière, où la navigation présente des particular­ités sur lesquelles Laurent Bonafous, du CDV Dennemont et récent champion de France des croiseurs légers à la barre de son Muscadet Cipangu, est loquace. « Le choc est souvent rude pour les équipages qui ont l’habitude d’être en mer. La navigation sur rivière se pratique souvent dans des conditions de vent léger et demande de savoir mettre à profit les veines de vent et de courant.

Les conditions sont très changeante­s, par conséquent on n’a pas le temps de peaufiner ses microrégla­ges comme en mer. On navigue dans des bascules de vent et des adonnantes bienvenues. La topographi­e, mais aussi la présence de bâtiments ou de rangées d’arbres en bordure de parcours sont susceptibl­es de faire obstacle au vent et sont évidemment autant d’éléments qu’il ne faut surtout pas négliger ». Avec ses coques rutilantes et ses voiles impeccable­s, la flottille réunie sur les bords de Seine a fière allure ! Cela traduit bien le dynamisme de l’APM qui, forte de ses 120 adhérents, peut se revendique­r comme l’une des plus importante­s et des plus anciennes associatio­ns monotypes de l’Hexagone.

UNE REGATE SERIEUSEME­NT FESTIVE !

Au-delà de l’état impeccable des voiliers, promesse d’une lutte acharnée sur le plan d’eau, transparaî­t rapidement un bel état d’esprit empreint de fantaisie et de joie de vivre. Un grain de folie habite tous les membres d’équipage présents en bord de Seine où se côtoient des marins de tous âges et de tout genre : couples, familles, amis de vingt ans, copains de circonstan­ce, tous se retrouvent autour de l’amour du Muscadet (le voilier). Une unité qui a conservé sa simplicité. Voilà sans doute ce qui explique l’attachemen­t de tous à ce bateau qui n’est plus construit depuis quarante ans, mais qui reste très plaisant et financière­ment abordable à condition d’y mettre pas mal d’huile de coude !

Le départ de la première manche est donné le samedi après-midi. Deux autres suivront. Toutes sont âprement disputées malgré

l’absence d’enjeu, hormis celui de passer un bon moment sur l’eau. C’est à la nuit tombante que les équipages mettent pied à terre pour partager un bon repas au club-house. Une centaine de personnes au CVD, ça commence à faire beaucoup de monde, mais tous se serrent les coudes en attendant la proclamati­on des résultats de cette première journée qui n’arrivent pas à départager Pronto et Triple Buse, toujours au coude à coude. Qu’importe, le temps n’est plus à la régate, d’autant que certains muscadetti­stes ont d’autres cordes à leur arc. C’est le cas de Thomas qui est tout à la fois l’instigateu­r de la Parisienne, skipper de Pronto et membre du groupe de rock Kalzone Babouche qui va brillammen­t animer la soirée jusque tard dans la nuit. « La difficulté est de bien viser son heure ! C’est la dernière soirée de l’année qu’on passe avec les copains des Muscadet. Se coucher trop tôt, c’est l’assurance de rater des trucs sympas qui vont se passer pendant qu’on dort ; se coucher trop tard, c’est l’assurance de rater des trucs sympas le lendemain parce que ce sera vraiment trop dur ! » Il semblerait que le bonhomme soit parvenu cette fois encore à mettre dans le mille, car à l’issue des deux dernières manches du lendemain, et après un petit-déj’ pris au coin du feu avec tous les participan­ts, l’équipage de Pronto terminera une nouvelle fois sur la plus haute marche du podium. La remise des prix animée par Laurence, présidente du Cercle de Voile de Dennemont, est à l’image de cette régate : joyeuse et bon enfant. En plus des trophées remis aux vainqueurs des différente­s catégories, chacun des sept bateaux bizuths a reçu un porte-clefs en forme de tour Eiffel ! Sept nouveaux concurrent­s qui sont la preuve que les vendanges tardives du Muscadet portent leurs fruits, de bon augure pour les éditions à venir de la Parisienne et l’Associatio­n des propriétai­res de Muscadet en général.

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Un bouchain saillant, trois hublots et un rouf invisible... Une ligne décriée à ses débuts et devenue mythique !
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Calme apparent sous spi, mais gare aux risées aussi fulgurante­s que puissantes qui animent la Seine. Sur la Parisienne, il faut sans cesse garder un oeil sur le relief, naturel ou pas, des berges du fleuve.

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