Les potins des pontons Un tour de piste en F50
Les très affûtés F50, montés par les meilleurs équipages du moment, se donnent en spectacle sur les plus grands plans d’eau de la planète pour une deuxième saison consécutive. Voile Magazine a embarqué sur le bateau de l’équipe de France. Suivez le novice !
L’AVION TOUT JUSTE
atterri outre-Manche, je saute dans un taxi en compagnie de l’attachée de presse pour retrouver l’équipage français de Sail GP devant un bon dîner. L’occasion d’échanger avec la nouvelle Team au sujet d’un circuit 2020 qui s’annonce relevé et de faire le point avec Billy Besson sur les manches qui nous attendent demain. Eh oui, je vais m’envoyer en l’air sur un F50, l’un de ces bolides, monstres de technologie de même pas 3 tonnes issus directement des AC 50 de la dernière America’s Cup. Des catamarans à foils truffés de capteurs (1 500 en tout, excusez du peu…), bardés d’électronique en tout genre et équipés d’une vingtaine de vérins hydrauliques. Des bêtes de course capables de monter à des vitesses stratosphériques, plus de 50 noeuds en pointe pour les plus habiles au vol. Ça va me changer du J/80, pour sûr! C’est un peu un rêve d’enfant qui se réalise… Impatient, je suis le premier levé avec
Thierry Douillard, le nouveau coach de l’équipe française qui, l’oeil sur la tablette, prépare déjà les exercices de la journée. Veinard que je suis, c’est François Morvan, le nouveau contrôleur de vol – en lieu et place de Marie Riou – qui me laisse son poste pour la première manche du jour. En effet, ce dernier a des détails techniques à voir avec son entraîneur avant de se lancer dans le grand bain. Mais avant que je monte à bord et prenne maladroitement mon poste à l’avant de la nacelle, Matthieu
Vandame, le régleur de l’aile rigide, me tend un harnais avec longe. En effet, la ceinture de sécurité, c’est pas bête en Formule 1… Une sangle en Dyneema nous relie au bateau car les accélérations et les décélérations s’annoncent très sensibles. Le casque fait aussi partie de l’équipement du champion ; en plus de protéger le marin, son micro intégré permet au skipper de passer les instructions au reste de l’équipage et vice versa.
DES ANGLES DE DESCENTE HALLUCINANTS
A 15 minutes du départ, vent d’une quinzaine de noeuds, mer plate, Billy Besson m’explique brièvement mon rôle : « Tu vois les rondelles sur chaque côté de ton siège ? Il s’agit des réglages du rake pour les foils. En gros, l’orientation longitudinale à donner aux appendices pour plus ou moins descendre le bateau. Idem pour les plans porteurs de safran. Je te rassure tout de suite, j’ai les mêmes commandes au poste de barre. Oui, beaucoup de manettes sont montées en double sur ce bateau. Accroche-toi et suis les instructions des manoeuvres à la lettre ! » A peine le temps de dire « ouf », nous voilà partis au travers pleine balle à presque 40 noeuds, cap sur la première bouée de dégagement. Premier bord de portant, premiers empannages avec des angles de descente juste hallucinants. On est proches des 30° du vent apparent pour un vent réel oscillant entre 120 et 145° ! Pour ne pas trop perdre de vitesse et donc voler au maximum, la communication, les trajectoires et les déplacements doivent être fluides. Je scrute avec attention le répétiteur situé dans le bas de l’aile. De gauche à droite et sur deux niveaux s’inscrivent en grosses lettres jaunes la vitesse du bateau, l’angle du vent réel, le pourcentage d’ouverture de l’aile, l’angle de rake (le réglage longitudinal des foils), le « pitch » (l’assiette longitudinale du F50) et les angles d’incidence entre les deux safrans. Ça fait beaucoup d’informations à digérer en temps réel, et ça secoue ! Les « bounderies », les limites du parcours signalées par de grosses bouées coniques, obligent les concurrents à réduire le terrain de jeu et à multiplier manoeuvres et croisements avec les adversaires. A l’image de sa longueur, la composition du parcours est dédiée avant tout au spectacle. Une manche ne peut pas durer plus de 15 minutes pour satisfaire aux exigences de la retransmission télévisée. Du coup, tout s’enchaîne vite à bord : la porte constituant la marque 2 enroulée et derrière nous, nous repartons au près, c’est-à-dire à 18° du vent apparent. L’objectif est de ne surtout pas repasser en mode archimédien pour rester haut sur le parcours. L’idée est de faire le plus de chemin possible avant de virer. Ce sont les manoeuvres qui ralentissent la moyenne en fin de compte. Les instructions s’accélèrent dans le casque : « Dernier virement avant la porte, on prend la bouée de droite. 3, 2, 1 ça tourne les gars ! » prévient le barreur, double champion du Monde de Nacra 17. L’assiette optimale obsède le skipper. Peu de tactique ici mais énormément d’anticipation et encore et toujours la stabilité du vol. Je constate bien que mon inexpérience l’oblige à se concentrer sur le rake en plus de sa barre…
UN DERNIER BORD DE PORTANT
Nous repartons pour le dernier bord de portant après un croisement chaud bouillant avec le F50 australien. Nous avons frôlé la sortie de route dans une grande décélération spectaculaire accompagnée de gerbes d’eau. La tension est soudain montée d’un cran à bord, visiblement la moindre erreur se paie cash… Nous finissons toutefois la manche sans autre frayeur après un ultime bord de travers à fond les manettes. Quel pied ! Mais comme dirait l’autre, toutes les bonnes choses ont un fin, il me faut donc déjà laisser ma place. Et là, surprise, en guise de pneumatique, c’est une passerelle qui me permet de rejoindre la terre ferme… Car cette séquence d’entraînement sur le simulateur du défi suédois de la dernière Coupe est déjà finie ! Ce joujou high-tech, loué 7 000 € la session d’entraînement, est situé dans la banlieue ouest de Londres. Il sert aujourd’hui de simulateur de F50 pour les équipages européens du circuit Sail GP en manque de compétitions. Avouez que vous y avez cru un peu… Sans doute pas autant que moi, je vous l’accorde mais quand même un peu !