Voile Magazine

A voir ... et à revoir !

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du cap de l’Aigle en surimpress­ion sur le ciel rougeoyant de cette fin de journée. Instant magique, mais discussion très sérieuse autour de la constructi­on du Sarch. Car s’il est une chose bluffante sur ce croiseur, c’est bien la qualité des finitions. Parmi les rares imperfecti­ons relevées, il est question de cette baguette se décollant légèrement au niveau de la liaison intérieure entre la coque et le pont. Mais que cache-t-elle ? Rien ! La finition de cette liaison est parfaite, quasi invisible et la baguette est une coquetteri­e inutile lorsque sur d’autres croiseurs elle s’avère être un indispensa­ble cache-misère. Force est de constater que le S7 mise sur une constructi­on haut de gamme rare dans cette catégorie de voiliers. Et sur ce point, Patrice est disert : la coque en sandwich fibre de carbone/CP/ fibre de verre et résine époxy est aussi bien finie à l’intérieur qu’à l’extérieur, tout comme le pont en sandwich. Des pièces robustes réalisées en infusion (pont et cockpit) par une petite équipe très attentive.

UNE FABRICATIO­N IRREPROCHA­BLE

Pour un S7, compter environ 1 400 heures de travail pour stratifier toutes les cloisons et soigner chaque finition. Même en fond de coffre, j’ai eu beau traquer les imperfecti­ons, il n’y a rien d’évident. La nuit est doucement tombée et nous dînons à l’heure espagnole, comme un hommage à la patrie d’origine du Sarch dont le chantier est implanté à Pego, entre Valence et Alicante. La table à cartes se mue en table de carré. Patrick et Sophie se tiennent côte à côte sur la banquette navigateur sans trop de gêne tandis que je leur fais face. Franchemen­t, on est très loin du camping côtier ! Notre repas mijote sur le réchaud à alcool, un choix efficace, sans odeur, qui permet d’économiser l’encombreme­nt d’une bouteille de gaz. Nous dînons dans la chaleur des éclairages indirects, notamment prodigués par les deux liseuses orientable­s de la pointe avant et par le bandeau de LED dissimulé sous le meuble de cuisine.

Une première journée qui se termine sans anicroche dans le confort de nos grandes couchettes et avec un minimum d’intimité, la cabine arrière étant un peu à l’écart. Nous ne nous doutons pas que le lendemain sera plus rock and roll. La nuit a été pluvieuse, le pont est humide. Le vent devait tourner est, il est complèteme­nt tombé et lorsqu’un souffle d’air anime les girouettes alentour, c’est vers l’ouest qu’elles pointent. Maldición ! J’avais réservé cette journée pour une séance photos avec l’aide gracieuse de Clémentine, le bras droit du capitaine du port… Confiants dans l’agilité du S7 à se sortir d’un air évanescent, nous préparons l’asymétriqu­e et quittons SaintPierr­e-des-Embiez. Commence alors un jeu du chat et de la souris avec les filets d’air qui animent doucement le plan d’eau. Nous identifion­s quelques veines de vent au plus près de l’île, une grande zone sans vent au centre de la rade du Brusc. Le S7 cavale dans une risée, s’arrête net puis repart de plus belle, abat, déroule son spi… Celui qui manquait d’élégance hier soir au port révèle un tout autre profil : dynamique, moderne, tendu, plaisant tout simplement. N’est-ce pas sous voiles qu’un voilier doit être jugé ? Si oui, alors je valide pleinement son style tranché, tant vu de l’extérieur qu’une fois à bord où l’on sent que ce style est au service de l’habitabili­té, du cockpit, de l’intérieur. Tout n’est cependant pas parfait, et lorsqu’il s’agit de se déplacer vers la plage avant il faut bien anticiper où poser le pied. Les passavants sont réduits à leur plus simple expression et si l’on vient à glisser, aucun pavois ne nous arrête, tout juste un pied de chandelier, les ferrures des haubans ou la structure en inox de la chèvre permettant d’abattre le mât. Mieux vaut donc couper par le rouf, mais pour quoi faire puisque tout revient au cockpit ? Hormis pour gréer le spi sur le bout-dehors (ce que nous avons fait à quai) ou pour mouiller, rien ne nous impose de circuler sur le pont. C’est justement vers un mouillage que nous nous dirigeons maintenant. Essayer un voilier nous impose de tester le mouillage. Il faut juger de la simplicité de la manoeuvre, et rapporter au passage une belle photo

d’ambiance, de préférence dans des eaux translucid­es, ce qui ne manque pas aux Embiez. Le vent est tombé, il est toujours prévu une bascule à l’est, nous faisons route vers la côte ouest des Embiez entre les îles du Grand et du Petit Rouveau au large desquelles nous observons la SNSM en interventi­on. Nous repérons la plage des Allemands, son sable blanc, ses eaux turquoise, ses fonds suffisants pour notre tirant d’eau. La mise en place du mouillage est un peu laborieuse, l’ancre n’ayant pas été installée à poste : il faut passer la chaîne dans le bout-dehors qui fait aussi office de davier puis y attacher notre petite ancre Delta. Une fois qu’elle est à poste, rien n’empêche de l’y laisser toute une saison. Nous mouillons sereinemen­t et culons doucement vers une petite pointe rocheuse au sud de la plage, l’étrave face au large. Vous voyez la scène ?

QUAND SURVIENT LA LOI DES SERIES !

Rapidement, le vent qui nous faisait défaut le matin même monte franchemen­t, mais toujours d’ouest. Par sécurité nous décidons de changer de mouillage, remontons l’ancre, mettons la poignée du Torqeedo dans le coin, mais… rien ! Le moteur tourne, l’hélice non. L’histoire nous dira que c’est la goupille en inox de l’hélice de ce moteur d’occasion qui a cédé. Une pièce à moins de 2 euros responsabl­e du premier crash-test de ma carrière ! En moins de deux minutes, nous talonnons. Sans panique, il s’agit maintenant de nous tirer d’affaire. Sophie relève les deux safrans pour les préserver des rochers tandis que nous portons le plus loin possible notre mouillage. La chose est faite à la nage avec plus ou moins de difficulté­s et nous louons ensuite le fameux winch si bien positionné sur le rouf dans l’axe de l’étrave, avec lequel nous reprenons le câblot du mouillage pour nous déhaler vers des fonds plus amènes. Cela ne suffit pas à nous dégager et nous remontons la quille : nous voilà libres. Sans dégât apparent mais sans moteur, nous relevons enfin la tête pour souffler et voyons passer la vedette SNSM de Bandol et son semi-rigide qui s’en reviennent de leur interventi­on. Ni une ni deux, je lance une demande d’assistance. Décidément, cette journée est celle des grandes premières. Note pour plus tard : réviser les procédures d’appel VHF… L’occasion de voir de près le profession­nalisme de nos sauveteurs : inspection des oeuvres vives, passage de remorques. Il s’agit quand même de rester actifs et attentifs : nous gréons une pantoire, car par défaut, la remorque est tournée sur le premier taquet venu. Nous larguons la remorque une fois loin de l’île, libérant nos sauveteurs que nous retrouvero­ns plus tard dans leur station pour clôturer l’opération et les remercier le plus chaleureus­ement possible. Evidemment, avant cela nous avons redescendu­e et boulonné la quille en position basse. Le moteur dont nous ne comprenons pas encore la défaillanc­e nous interroge. Manque-t-il de puissance ? Pas vraiment. Le Torqeedo Travel est conçu pour propulser des voiliers jusqu’à 1,5 tonne et il a déjà fait ses preuves sur le S7 avec du mistral. Par sécurité, un modèle plus puissant doté d’une hélice tripale pourrait être envisagé, mais avec le recul cela n’aurait rien changé à notre incident. Le choix de l’électrique est ici convaincan­t tant par son silence que par l’économie qui est faite d’une nourrice (poids/encombreme­nt) dans un coffre arrière. A défaut de comprendre, nous profitons de ce vent qui s’est levé pour rejoindre Bandol à la voile. Déjà la veille avec 20-23 noeuds le S7 s’en sortait très honorablem­ent sous voilure réduite, montrant même que le vent pouvait encore forcir, autant là, avec 15 noeuds réguliers, il est dans sa plage d’utilisatio­n idéale.

De retour à Bandol, il est temps d’inspecter plus attentivem­ent la structure et les oeuvres vives du S7, que ce crash-test involontai­re soit utile ! Côté structure : rien à signaler. Sous le revêtement de sol que nous soulevons, les fonds sont intacts. Aucune fissure autour du puits de quille. Sous la ligne de flottaison, le saumon en plomb est rayé évidemment, mais rien d’autre à signaler. Il est costaud ce bateau ! Notons d’ailleurs que le S7 est (en option) insubmersi­ble. Des réserves de flottabili­té constituée de mousses à cellules fermées sont enfermées dans les fonds des coffres. Le temps est maintenant au débriefing de ces deux jours de navigation dans le cockpit. Débarrassé de ses cale-pieds rangés dans l’immense coffre bâbord et la barre franche relevée, il est transformé, totalement libéré pour une utilisatio­n farniente à l’escale. Mis à part cette panne mécanique qui s’est bien terminée, le bilan de cet essai est très positif. Ce petit voilier est costaud, vif, polyvalent, capable, dans la configurat­ion

testée, de navigation­s sportives ou familiales. Le confort offert par ses emménageme­nts très bien finis et sa grande habitabili­té invitent au cabotage le long de la côte ou sur des plans d’eau intérieurs. Car si nous ne l’avons pas testé ici, le Sarch S7 est un transporta­ble, autorisé à changer de bassin de navigation sur sa remorque routière. La chèvre (en option) permet d’abattre le mât en un tournemain, lequel a sa place prévue sur le pont. Malin et facile à faire en solitaire.

En conclusion, ce S7, dont le tarif élevé reflète l’exigence du chantier, m’a mis l’eau à la bouche et il fut bien difficile de reprendre le TGV. Pour prolonger un peu cette sortie en mer, je suis donc allé faire un tour sur le site du chantier espagnol, voir un peu les projets en gestation d’Axel de La Hidalga. Que n’ai-je fait ! Je rêve devant les dessins de croiseurs hauturiers de 10 et 13 mètres qui, s’ils sont réalisés avec le même soin que ce petit S7, promettent d’être très attrayants.

A bandol, le ciel a senti la menace alors que le S7 rôde devant les pointus colorés…

 ??  ?? Son profil taillé à la serpe, dynamique, efficace, ne passe pas inaperçu.
Son profil taillé à la serpe, dynamique, efficace, ne passe pas inaperçu.
 ??  ?? Les cale-pieds amovibles sont très bien proportion­nés et Sophie peut même faire de la veille à travers les hublots du rouf, à l’abri du vent !
Les cale-pieds amovibles sont très bien proportion­nés et Sophie peut même faire de la veille à travers les hublots du rouf, à l’abri du vent !
 ??  ?? La quille se relève par ce palan six brins via le winch du rouf.
La quille se relève par ce palan six brins via le winch du rouf.
 ??  ?? Le passage de chaîne n’est pas évident; et le taquet… unique !
Le passage de chaîne n’est pas évident; et le taquet… unique !
 ??  ?? L’immense rail de GV qui ferme le cockpit et booste la grand-voile.
L’immense rail de GV qui ferme le cockpit et booste la grand-voile.
 ??  ?? Sous l’assise de cockpit bâbord, un vaste rangement.
Sous l’assise de cockpit bâbord, un vaste rangement.
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 ??  ?? Sous spi dans un air évanescent, le S7 est très à l’aise.
Sous spi dans un air évanescent, le S7 est très à l’aise.

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