Voile Magazine

MasterClas­s RM, côté chantier et côté meravec François Gabart

Mieux connaître les RM, mieux les comprendre et mieux les régler sur l’eau. Programme ambitieux pour une seule journée, mais nous avons deux atouts : François Gabart en coach sur l’eau, et l’équipe du chantier mobilisée à terre. Pari tenu !

- Texte : F.-X. de Crécy. Photos : Thibault Desplats.

ELLE N’EN REVIENT PAS, Clara. A peine débarquée du RM 1180 sur lequel nous avons navigué et bu les conseils de François Gabart, notre prof de voile du jour, elle confie volontiers ce sentiment d’irréalité que partagent manifestem­ent d’autres stagiaires. Naviguer avec un grand marin comme François, c’est une chose. Mais profiter de ses conseils de réglage, de ses recommanda­tions sécurité et de ses astuces de manoeuvres partagées en toute décontract­ion, de sa bonne humeur et de son enthousias­me en prime sous un soleil qui annonce déjà le printemps rochelais… Qui dit mieux ? Les sept stagiaires de cette MasterClas­s sont sur un petit nuage. Tous sont des marins déjà assez expériment­és affichant une nette prédilecti­on pour les RM – certains étant même propriétai­res. Tous ont eu la chance d’être sélectionn­és parmi 116 candidats déclarés pour participer à cette journée exceptionn­elle incluant une sortie sur l’eau et une visite approfondi­e du chantier, histoire de bien appréhende­r les particular­ités de la constructi­on d’un RM. Et même passer aux travaux manuels en construisa­nt sa propre demi-coque à partir d’un kit fourni par le chantier ! Pour notre part, c’est sur l’eau que commence ce voyage au coeur de l’univers RM. Tant pis pour la logique chronologi­que et tant mieux pour nous, car le soleil brille sur des pertuis rochelais irisés par une brise idéale qui varie autour de 15 noeuds.

CASTING, METEO : LES VOYANTS AU VERT

Difficile d’imaginer des conditions plus favorables, surtout après les semaines de froidure et de pluie que nous venons de traverser. Tous les indicateur­s sont donc dans le vert alors que nous envoyons la grand-voile à la volée en bout de chenal. Il a été convenu avec François qu’il décomposer­ait et commentera­it les manoeuvres à mesure qu’elles se présentent. Si l’envoi de la grand-voile vent debout appelle peu de commentair­es, le déroulemen­t du génois est l’occasion d’un premier rappel. On déroule non face au vent mais à 15 ou 20° du vent, de manière à ce qu’il se déroule dans le passavant. On le borde alors sans effort avant de lancer le bateau au près, de telle sorte que le réglage fin devrait se faire sans effort, en choquant avec précision – une main sur la poupée du winch. Et s’il fallait reborder, on pourrait de la même façon donner un coup de lof à la barre pour le faire sans effort. Tant que nous sommes sur le génois, la question qui se pose ensuite est celle du point d’écoute. Sur notre RM 1180, un rentreur permet de régler la hauteur de ce point d’écoute. Si je souque le rentreur, le point d’écoute vient tout près de l’arête du rouf et l’écoute exerce une traction quasi verticale sur le génois. Résultat : la tension est sur la chute, la voile est donc plus creuse et fermée en haut. C’est ce que l’on veut pour avoir de la puissance dans les petits airs, voire le médium, et/ou pour mieux passer dans un clapot défavorabl­e. Si je relâche le rentreur pour faire monter le point d’écoute, l’écoute exerce une traction directe depuis l’arrière, c’est-à-dire plutôt horizontal­e. Résultat, la voile est beaucoup plus plate et ouverte dans le haut. C’est ce que l’on veut

dans la brise pour limiter la gîte et évacuer la surpuissan­ce dans le haut de la voile. Ce type de réglage, qui comporte souvent deux axes (combinable­s en trois dimensions donc) sur les bateaux de régate, n’en comporte qu’un sur le RM, ce qui suffit à remplacer avantageus­ement le traditionn­el chariot de génois vissé dans le passavant. Mais on peut néanmoins lui ajouter facilement une drosse « sortante » frappée sur le taquet d’embelle, comme c’est le cas sur notre 1180. Ce type de « short sheet » sortant peut du reste être bricolé sur toutes sortes de croiseurs, en utilisant par exemple le rail de fargue ajouré. Elle présente plusieurs avantages au reaching, c’est-à-dire à toutes les allures sauf le près. D’abord, elle permet de modifier l’incidence de la voile en la creusant le moins possible, comme si on avait un petit rail transversa­l, ce qui est bon pour les performanc­es et la stabilité au portant. Ensuite, elle permet de moins fatiguer la voile proprement dite, parce qu’elle faseye beaucoup moins (voire pas du tout) dans le haut. Un bon point – surtout avec ce magnifique génois en 3di de chez Incidences

– qui tend à prouver que ces réglages fins ne sont pas que des lubies de régatier, bien au contraire.

Une fois le génois bien réglé, on s’intéresse à la grand-voile. La logique est la même, on joue sur l’incidence de la voile et sur la tension de la chute. Mais on dispose de leviers plus puissants et plus intuitifs pour le faire, à commencer par la barre d’écoute, nom qu’on donne au rail sur lequel est frappé le palan de grand-voile. En descendant le rail sous le vent, j’augmente son incidence sans modifier son profil – elle reste aussi plate que possible. Un système d’autant plus efficace sur notre RM qu’il est placé en fond de cockpit et sur l’arrière, c’est-à-dire plus ou moins à l’aplomb de la chute pour une efficacité maximale. Et non sur le rouf comme sur les anciens croiseurs…

UN PLAN DE PONT ULTRA-EFFICACE

Sur ce 1180 fraîchemen­t mis à l’eau, nous disposons d’un autre levier très utile : le pataras, monté sur un palan six brins. Plus on en prend, plus la chute de la grand-voile s’ouvre dans le haut. Faire ainsi « dégueuler » la grand-voile peut permettre de laisser passer une grosse rafale sans se retrouver sur la tranche… et sans choquer. Avec incidemmen­t un deuxième avantage, bien souligné par François à bord du 1180 du chantier : en prenant du pataras, on tend davantage l’étai et on améliore aussi le profil du génois. En fin de compte, on voit que si notre RM dispose de réglages de type régate (rentreur de point de tire pour le génois, rail en fond de cockpit et pataras sur palan pour la GV), ils ont du sens en croisière parce qu’ils favorisent un réglage plus marin, moins gîtard et moins fatigant pour les voiles. Et on se dit que le casting est bien fait. Parce que François Gabart est un régatier et un coureur au large hors pair, mais c’est aussi un marin qui a baigné dans la croisière depuis tout petit… Cela se sent, cela se partage et cela mérite d’être souligné, car bien des coureurs qui ne connaissen­t que la compétitio­n se révèlent incapables de penser plaisir et confort. C’est peut-être pour ça qu’on se dit, en voyant François Gabart sur un RM, que ces bateaux lui ressemblen­t. Il est vrai qu’on avait un indice assez fort : il a été propriétai­re d’un RM 890 et possède actuelleme­nt un RM 970.

On parle, on parle, mais on fait de la route à bonne vitesse vers le large : il serait temps de se rapprocher du port. Nous allons le faire sous gennaker, histoire de se faire plaisir et d’allonger la foulée. Histoire aussi de nous mettre à l’écoute du coach – on est là pour ça – qui a un bon conseil sécurité à nous donner. Pendant toute la phase de préparatio­n du gennaker, qu’il faut sortir de son sac avant d’aller l’amurer au bout de la delphinièr­e, il garde le génois déroulé et surbordé à l’intérieur de la filière. Une façon intéressan­te de stabiliser le bateau en limitant le roulis, et de sécuriser la plage avant. Tout en manoeuvran­t, on cale facilement une épaule ou un avant-bras sur la voile. Bien sûr, il ne s’agit pas de la brutaliser ou de l’utiliser comme un filet de sécurité, mais c’est bien pratique. On peut éventuelle­ment garder ce génois pendant le déroulemen­t du gennaker, mais il serait surtout utile si on envoyait le spi – pour éviter qu’il ne se gonfle trop tôt.

Dans ce cas, on pourrait même le garder pour naviguer, roulé aux deux tiers, car il tendrait à stabiliser le spi par un effet de fente. Une astuce souvent utilisée par les régatiers, qui permet aussi de ralentir le vieillisse­ment des voiles – le spi en l’occurrence.

Côté sécurité, François ne perd pas une occasion d’insister sur l’anticipati­on. Les cordages clés doivent toujours être faciles à choquer en grand. Le bloqueur de l’écoute de grand-voile, par exemple, est toujours ouvert. L’écoute est bloquée dans le self-tailing et revient à la main de l’équipier par l’extérieur du winch, de telle sorte qu’il suffit de tirer dessus pour la libérer immédiatem­ent. Et surtout, dans chaque situation le barreur sait ce qu’il faut faire pour calmer le jeu. Un point d’amure qui saute, un spi instable ? On abat en grand, presque jusqu’à la fausse panne, et la tension se relâche immédiatem­ent. Avoir préparé mentalemen­t cette réaction, c’est gagner de précieuses secondes et beaucoup de sérénité. A l’empannage, dans la même logique, François nous fait décomposer la manoeuvre. C’est ça aussi, être mentalemen­t clair avec ce qu’on fait, serein et précis avec les autres équipiers. Pour empanner en douceur, l’idée

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 ??  ?? François a offert à nos stagiaires un cours de voile magistral sur le RM 1180 du chantier.
François a offert à nos stagiaires un cours de voile magistral sur le RM 1180 du chantier.
 ??  ?? A l’atelier maquette, François s’est joint aux stagiaires sous les yeux de Luca Tessitore, DG de RM Yachts.
A l’atelier maquette, François s’est joint aux stagiaires sous les yeux de Luca Tessitore, DG de RM Yachts.
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Astuce sécurité : garder un génois surbordé pendant qu’on prépare le gennaker à l’avant.
 ??  ?? 1 Rentreur relâché (équivalent d’un chariot de génois reculé), on borde presque dans l’axe de la bordure. Cette dernière est donc plus tendue que la chute, qui laisse s’évacuer de la puissance dans le haut de la voile. Cette dernière est en revanche très plate en bas.
1 Rentreur relâché (équivalent d’un chariot de génois reculé), on borde presque dans l’axe de la bordure. Cette dernière est donc plus tendue que la chute, qui laisse s’évacuer de la puissance dans le haut de la voile. Cette dernière est en revanche très plate en bas.
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2 Rentreur repris (équivalent d’un chariot avancé), on borde vers le bas, ou selon un axe qui se rapproche de la verticale. La chute est donc très tendue, ce qui tend à creuser et à fermer la voile. Parfait si on cherche de la puissance dans les petits airs ou le médium, pour mieux passer dans le clapot.
2 2 Rentreur repris (équivalent d’un chariot avancé), on borde vers le bas, ou selon un axe qui se rapproche de la verticale. La chute est donc très tendue, ce qui tend à creuser et à fermer la voile. Parfait si on cherche de la puissance dans les petits airs ou le médium, pour mieux passer dans le clapot.
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