UN HERITAGE EN BOIS MASSIF
Depuis 1910, Morlaix
Fondateurs : Eugène Moguerou et Alain Jézéquel Patron actuel : Jean-Marie Jézéquel Matériau de prédilection : le bois
VOILA 10 MINUTES que je longe la rivière de Morlaix depuis Carantec, suivant ainsi la même veine que les Cormoran, Bernache, Catboat et autres embarcations qui trouvent chaque hiver refuge au chantier Jezequel de Saint-Martin-des-Champs. Arrivé sur site, on m’indique que le patron est dans son atelier, juste avant le panache de fumée qui s’élève d’un tas de copeaux se consumant lentement. Jean-Marie Jezequel, arrière-petit-fils du fondateur, est debout au centre de l’atelier, entouré de coque en attente de ses soins, affairé au-dessus d’une longue pièce de bois. « C’est une quille de Sarcelle. On la prépare pour recevoir les varangues. Ce sera un petit canot de 4,99 m, non ponté avec un gréement houari équipé d’un horsbord bien caché dans un coffre. Il a été construit par mon père Alain et dessiné par son frère Olivier ». L’empreinte familiale est là. Un lourd héritage ? « La question ne se pose pas. Je suis né dans le chantier qui était alors mitoyen de la maison à Carantec. J’ai toujours joué dans la sciure, participé à mon niveau puis, entre 2005 et 2008, j’ai fait mon apprentissage sur la restauration d’une vedette de 15 m. » Evidemment, il a fallu que Jean-Marie suive une formation au lycée d’Audierne, mais honnêtement : « J’avais de meilleurs profs à la maison ! » Un compagnonnage familial à force de constructions et de rénovations. Mais on construit peu d’unités neuves malgré le succès des Cormoran, cette série à restriction de la baie de Morlaix relancée en 1979 sur un dessin d’Olivier Jezequel, encore lui. C’est toujours lui qui vient de revoir sa copie pour une 3e version au maître bau reculé, à l’étrave élargie et cette fois-ci construite par Jean-Marie. Il faut dire que les étraves puissantes, ça lui dit au jeune patron d’un chantier centenaire, lui qui, entre deux coups de rabot, court et s’entraîne sur le Maxi 6.50 qu’il partage avec Paul Cloarec. JeanMarie, constructeur et régatier dans l’âme, est inscrit à la prochaine Mini-Transat. Mais alors sur l’eau, plutôt bois ou composite ? Les deux mon capitaine, alternant courses en 6.50 et régates en J/25 ou sur le cat boat familial. En revanche, côté chantier, « même si certaines essences de bois ne sentent pas toujours très bon, je choisis la construction bois sans hésiter ! Pour l’odeur, la matière, le travail au dixième de millimètre et l’apprentissage permanent. Que l’on travaille sur une rénovation ou une construction neuve, il faut sans arrêt se remettre en question, se perfectionner, fouiller les archives. Chaque essence a sa place, l’iroko pour la charpente, le chêne pour les varangues, l’acajou pour les bordés ou les barrots de pont, l’acacia pour les membrures. C’est immuable et en même temps, chaque unité a ses différences, son caractère. »