Voile Magazine

Continent-Corse

Préparez votre traversée

- Texte : Damien Bidaine. Photos : Thibault Desplats.

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UNE NAVIGATION AU LARGE,

même lorsqu’elle est courte, même lorsque l’été est installé, doit être prise avec sérieux, surtout en Méditerran­ée. La Grande Bleue a ses humeurs, ses colères qui ne doivent pas être sous-estimées et qu’il vaut mieux savoir éviter. Alors avant de vous faire rêver devant le spectacle des dauphins accompagna­nt notre route, devant la splendeur d’un soleil se levant derrière les hauts-reliefs de l’île de Beauté, révisons un peu les nécessaire­s préparatif­s à cette navigation. Une traversée réussie tient en un mot : l’anticipati­on. Il faut savoir à quoi s’attendre – conditions de mer, de vents et évolution – pendant quelle durée, afin de prévoir les événements à venir.

On ne le dira jamais assez, en mer, le pire est de réagir avec un temps de retard. Selon ce principe, mieux vaut prendre un ris et le relancer lorsque l’équipage « le sent » que de le prendre trop tard. Voilà une seconde règle de conduite souvent payante : agir selon son instinct. Très souvent, quand un équipage commence à s’interroger sur la justesse d’une décision, c’est qu’il est grand temps de la prendre sans tergiverse­r. De manière pragmatiqu­e, avant de partir, le chef de bord et son équipage peuvent ainsi passer en revue le déroulé de la navigation : combien d’heures en mer, combien de repas à bord ? quelle températur­e le jour, la nuit, un passage de front devra-t-il être anticipé ?

Ne négligez pas de faire une navigation de quelques heures et un mouillage avant d’entamer la traversée. Cela permettra à tout l’équipage de s’amariner ou de bien prendre en main un voilier de location avant de s’élancer dans une navigation hauturière d’une vingtaine d’heures. A l’approche de la Corse, pensez aux effets de côte qui se font sentir à 20 milles au large de l’île : les vents d’ouest vont ainsi s’incliner au sud-ouest dans la partie nord et au nord-ouest dans la partie sud de la côte occidental­e. Au niveau du golfe de Sagone, il y a comme une zone tampon où les vents faiblissen­t.

MISTRAL. Vent de nord-ouest. Comme la tramontane, il peut perdre en force la nuit et reprendre en cours de matinée.

LIBECCIO. Vent de sud-ouest appelé ponant sur la Côte d’Azur. Attention à la houle associée (idem mistral).

LEVANTE. Vent d’est à nord-est, soufflant notamment dans la partie nord de la Corse ainsi que sur la Côte d’Azur. S’il souffle à plus de 10 noeuds, repousser la traversée.

La lune s’est couchée, bientôt les premiers rayons du soleil réchauffer­ont les équipiers en fin de quart.

La météo est le nerf de la guerre. En Méditerran­ée, on dit souvent que c’est tout ou rien. Une réputation bien fondée. Commençons par le pire : le vent d’est ou levante vous obligera au mieux à décaler la traversée, au pire à l’annuler. Pour le mistral, tout est une question de mesure et d’équipage car lorsqu’il souffle fort, il lève une mer fatigante qui laissera de mauvais souvenir à un équipage pas encore amariné.

D’une façon générale, face au mistral, la règle est de ne pas rester dans le couloir du vent, canalisé entre le delta du Rhône et la Sardaigne. Devant le phénomène qui va lever une mer courte et des vents forts, mieux vaut longer la côte cap à l’est vers Fréjus. Progressiv­ement, les conditions deviendron­t moins pénibles à mesure que le mistral – qui suit la côte – va basculer à l’ouest-sud-ouest. On trouve généraleme­nt le calme vers Cannes. Dans le cas d’une traversée entre les îles d’Hyères et la Corse, retenez que le mistral prend de la gauche au fur et à mesure que l’on s’approche de l’île.

ANTICIPER LES BASCULES DE VENT

Ainsi, l’ouest-nord-ouest du départ peut arriver au sud-sud-ouest à l’approche du but. Ce refus s’anticipe en visant un peu plus sud que le point d’atterrissa­ge prévu. Une arrivée aux abords de l’île où la donne météorolog­ique change lorsque le flux est d’ouest. En effet, les hauts-reliefs de la Corse ont une influence sur les flux d’air jusqu’à 20 milles des côtes. En pratique, le flux d’ouest va contourner le relief de la Corse par le nord et le sud, créant une zone où les vents tamponnent les reliefs et faiblissen­t dans la zone côtière comprise entre l‘île de Gargalu au nord et celle des Moines plus au sud. Evidemment, la zone est soumise aux effets des hauts-reliefs et il faut se méfier des effets de site qui vont accentuer la brise de mer en matinée et celle de terre en soirée. Pour être serein, il va donc falloir multiplier les sources d’informatio­n. Weather 4D Pro est une solution simple mais payante pour charger sur une tablette plusieurs sources de fichiers Grib. On peut aussi consulter avant le départ le site Windy et ne pas hésiter à appeler la capitainer­ie du port d’atterrissa­ge pour sonder les conditions et réserver sa place. Une fois que la météo a donné son feu vert, il faut organiser les quarts, surtout si l’on opte pour une navigation de nuit et une arrivée au petit matin sur l’île. Une bonne astuce est d’opter pour des quarts décalés si le nombre d’équipiers le permet (quatre minimum) : on a toujours sur le pont quelqu’un de frais et ça facilite les transmissi­ons (équipier 1 de 22h à minuit, équipier 2 de 23h à 1h, équipier 3 de minuit à 2h, etc.). En général, la distributi­on des quarts s’effectue à la fin du repas du soir en fonction de la fatigue de chacun, en s’assurant que tous ont au moins deux heures de sommeil d’affilée. Enfin, pour motiver vos équipiers, rappelez-leur que rares sont les traversées vers la Corse sans croiser un groupe de dauphins et qu’en été, les étoiles filantes sont de la partie.

Car enfin, la veille ne sert pas qu’à surveiller les navires mais aussi à profiter du spectacle !

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Veille à l’étrave, oui, mais avec gilets et longe capelés et équipiers avertis.

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