Rêves collectifs
« Urgent rêver », temps fort de la saison 2016-2017, des Scènes du Jura débute ce vendredi par mise en scène des rêves racontés par des Dolois.
Freud proposait de voir dans les rêves l’image des aspirations ou tourments les plus intimes. Dans les années 30, toujours en Allemagne, la sociologue Charlotte Beradt en avait montré la dimension collective. « Elle a recueilli 300 rêves d’hommes et de femmes de tous âges, toutes conditions, toutes convictions. Son but était de montrer comment le régime nazi malmenait les âmes. Dans leurs rêves, les gens lui parlaient du système totalitaire en cours d’installation, avant même que les choses ne se produisent », explique Samuel Gallet.
Avec la complicité du collectif Eskandar, l’auteur dramatique et metteur en scène s’intéresse à l’image que nos rêves donnent de notre époque. Il prévient : « On ne fait pas d’analyse. Les récits que nous recueillons sont une matière d’écriture. On parle de notre temps, pas mieux mais de façon différente ».
Là où l’exercice a déjà été pratiqué, certains thèmes sont revenus de façon récurrente. Les gens parlent de leur rapport au travail, de la crise économique, de leurs difficultés à envisager l’avenir ; ils expriment aussi leur volonté de ne pas céder à la résignation, le désir d’un monde plus fraternel… « Les rêves sont une chose dont on ne parle jamais. Ils peuvent être tout à fait insensés ».
La semaine dernière, Samuel Gallet et son équipe sont pendant deux jours venus procéder à la collecte des rêves de Dolois. Ils ont interrogé des abonnés des Scènes du Jura, sont allés au lycée Duhamel, ont rencontré les élèves et enseignants du dispositif relais, des bénéficiaires du Secours populaire, des personnes fréquentant le centre social L’Escale, des pensionnaires de la Maison des Pupilles de Jouhe. « Ce sont des publics avec lesquels on travaille depuis plusieurs années. L’entretien avec les collecteurs de rêves leur permet de voir les différentes facettes du spectacle », explique-t-on aux Scènes du Jura. « D’autres fois, le public est plus éclectique. Là, on s’est retrouvé face à des gens qui sont dans des situations très complexes, confrontés parfois à des encadrements très sévères… Ce n’est pas un choix délibéré mais je me dis que ça peut-être, en pleine présidentielle, une occasion de faire entendre de choses qui ne sont pas dites ou donner à voir des réalités souvent ignorées ».
Des Antologie oniriques ont déjà été proposées en Normandie, dans la région de SaintEtienne, l’été dernier au Chili, en mars à Lons-le-Saunier. Les rêves racontés par les Dolois seront mis en scène au cours d’un spectacle donné ce vendredi 12 mai, avec la participation également des Compagnons des Scènes du Jura. Lesquels ont, samedi, sillonné la ville pour enrichir la collecte effectuée par le collectif Eskandar. Ils en feront la restitution sous forme d’éléments de décor de la salle de la Fabrique. La représentation sera suivie d’un échange avec Mireille Losco-Lena, professeure à l’école nationale supérieure des arts et techniques du théâtre, et Chrystel Delaigue, philosophe et auteure.
Cette soirée marquera le lancement du temps fort « Urgent rêver ». Du 12 au 20 mai, les Scènes du Jura font le projet de « tordre le principe de réalité ». Dans « La Bataille d’Eskandar », poème rock de Samuel Gallet, tout devient possible. Olivier Saccomano et la Compagnie du Zieu reviennent à Gevingey pour « L’instant décisif ». A Lons-le-Saunier, « Uranie », concert sous le casque par Thierry Balasse précédera une nouvelle anthologie onirique.