Trop beau pour être honnête
Jordan Peele accouche d’un premier long-métrage remarqué, dédié à l’horreur et disséquant la société américaine.
Avec son premier long, ce roi de la comédie made in Britain, nous balance une sorte de chefd’oeuvre du film d’horreur, nous entraînant au passage sur les chemins terrifiants d’un thriller terriblement anxiogène et sur les traces d’un certain Docteur Frankenstein pactisant avec les zombies.
Ah, je sens que j’en ai déjà trop dit. Allez, juste les premières images, pour la mise en bouche. Dans l’Amérique de Donald Trump, Chris et Rose filent le parfait amour.
Et alors ? Ben, voilà, ils ne sont pas de la même couleur. A priori, cela ne doit pas gêner les parents de Rose. Aussi, décidet-elle d’inviter son beau Black dans la demeure de campagne de ses géniteurs. Effectivement, tout se passe bien. Ce couple de neurochirurgien et de psychiatre ouvre grands leurs bras au nouveau venu. Ils sont entourés de domestiques… noirs qui semblent très heureux de leur sort. Mais, bizarrement, dans ce lieu où tout l’accueille, Chris n’est pas à son aise. Comme il a raison de se méfier !
Et nous voilà partis pour une balade en terres horrifiques répondant aux critères fondamentaux du genre : musique super flippante, montage qui prend à la gorge, twists infernaux, enfin, la totale.
Et en plus ce n’est pas tout car, derrière ce petit grand film, Jordan Peele dissèque à la hache l’Amérique raciste, colonialiste, esclavagiste, ségrégationniste qui est en train de renaître de cendres encore brûlantes. Habile comme un renard, le réalisateur truffe son scénario de scènes hilarantes qui ont le pouvoir de calmer la tension, pour ensuite nous replonger sans précautions aucunes pour notre coeur dans le plus horrible des cauchemars. Dans le genre efficace, il est impossible de ne pas rendre les armes et de ne pas se chuchoter plus d’une fois à l’oreille : « Je ne vais pas tenir le coup ».
En tête d’affiche, Daniel Kaluuya excelle dans le rôle de Chris. Il sait lui donner tout à la fois la candeur alarmée du gibier aux aguets et la puissance de l’animal déchaînant son instinct de survie. Il est parfait. À ses côtés, dans des personnages que j’éviterais de détailler, Allison Williams (Rose), Catherine Keener et Bradley Whitford (les beaux-parents), ainsi que tous les autres comédiens ici engagés font le job avec une acuité dramatique renversante.
Un film phénomène dont vous allez sortir fort mal à l’aise mais dont vous vous souviendrez surtout très longtemps. Interdit aux moins de 12 ans. Quand même !