Voix du Jura

La méthanisat­ion pour sauver les rivières du Jura ?

Pour les pêcheurs, l’épandage du lisier par les agriculteu­rs serait en partie la cause des problèmes des rivières du Jura. La méthanisat­ion des lisiers pourrait-elle les régler ? Rien n’est moins sûr…

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Est-ce que le développem­ent de la méthanisat­ion pourrait améliorer la qualité de l’eau des rivières du Jura ? Peut-être un peu, mais ce ne sera pas simple…

Alarmés par la qualité des différents cours d’eau qui se dégrade d’année en année, les pêcheurs estiment que les pollutions agricoles, dues notamment aux épandages de lisiers, seraient la cause d’une partie de leurs malheurs. Du coup, jeudi dernier, ils ont invité à la Fédération de pêche des technicien­s de la Chambre d’agricultur­e pour parler de méthanisat­ion et technique agricole.

« Nous constatons des problèmes sur toutes les têtes de bassin et si on veut régler le problème, il faut commencer par le haut », a expliqué André Grappe, le vice-président de la Fédération à l’origine de la réunion. Il espérait ainsi que l’épandage de « digestat » de méthanisat­ion plutôt que du lisier, notamment sur le haut Jura, puisse éviter le ruissellem­ent de l’azote jusque dans les rivières. Mais de l’avis des experts, ce ne serait pas forcément là, la bonne solution pour améliorer la qualité des eaux, même si la méthanisat­ion offre beaucoup d’autres vertus environnem­entales (lire page précédente).

L’un des problèmes du haut Jura, c’est que l’approvisio­nnement en fluides - notamment en bouses de vaches - serait plutôt difficile en été, lorsque les animaux pâturent. D’autant que le cahier des charges de l’AOC comté n’autorise pas, par exemple, qu’une pâture soit amendée avec des digestats comprenant des effluents provenant hors de la zone de l’AOC ou d’autres élevages…

Les lisiers de bovin étant de plus peu méthanogèn­es, permettant par exemple une production de biogaz de 25 m3/ tonne contre 190 m3/tonne pour les maïs ensilés ou de 250 m3/ tonne pour les graisses de cuisine (déchets industriel­s), il serait assez compliqué de faire tourner à l’année des petites unités. « Pour que cela soit intéressan­t, il faut que les effluents proviennen­t d’un rayon de 5 à 6 km autour de l’usine. Audelà, le coût du transport de la matière annule tout intérêt », a-t-il aussi été rappelé.

Contrairem­ent à ce qu’auraient pu penser les pêcheurs, la teneur en azote et en potassium des digestats est toute aussi forte et le produit tout aussi soluble dans l’eau. « Ce qui changerait quand même, c’est que l’on connaît très précisémen­t la teneur en azote des digestats et que travailler ce produit amènerait sûrement les exploitant­s à changer leurs pratiques et à abandonner les engrais minéraux et ainsi faire des économies. »

Dès lors, comment éviter que l’azote répandu sur les prairies ne finisse dans les rivières et contribue à leur eutrophisa­tion et au développem­ent d’algues néfastes ? « En changeant les pratiques d’épandage », estiment les spécialist­es. Le problème serait que de nombreux exploitant­s ont des fosses à lisiers trop petites et qu’ils auraient tendance à épandre lorsque la cuve est pleine, plutôt qu’au moment où la plante en a réellement besoin. Quand ce n’est pas pire : en février 2014, des photos prises par le président de l’AAPPMA des Deux Vallées à Cour-St-Maurice, dans le Doubs, montraient un tracteur en train de vidanger son lisier (pas d’épandre) à quelques mètres de la rivière…

L’apport en azote favorise le développem­ent des végétaux dans les rivières ; et quand ces végétaux meurent, ils produisent une matière organique dont la décomposit­ion nécessite beaucoup d’oxygène. Quand il n’y a plus assez d’oxygène dans l’eau, poissons et invertébré­s meurent par asphyxie. C’est l’eutrophisa­tion…

Même lorsqu’il est correcteme­nt épandu, par « lessivage » des sols, une partie du lisier peut se retrouver dans les rivières, au grand dam des pêcheurs qui ne cessent de dénoncer cette « pollution agricole » et « les épandages sauvages »… « Il ne faudrait donc plus qu’ils amènent trop d’azote au mauvais moment. Et pour cela qu’ils s’équipent de cuves de stockage plus grandes… »

« Même si cela ne règle pas le problème de la pollution des têtes de bassins, il faut qu’on continue à travailler sur ce sujet et à dialoguer avec les agriculteu­rs pour améliorer la qualité des eaux de nos rivières », notait André Grappe à l’issue de la réunion. « Ce qui était important, c’est que tous, élus de la Fédération de pêche et salariés, on ait le même niveau d’informatio­n. »

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