Pour l’amour des livres
Pour lutter contre l’accélération du temps et la réduction à l’homo oeconomicus.
Les lecteurs de la page « Esprit » de Voix du Jura voient bien que l’auteur de ces lignes est un passionné de lecture. Ce dernier vous propose d’exhausser le regard. Pourquoi la lecture demeure-t-elle fondamentale ? Bien sûr, nous sommes plus ou moins prédisposés, comme dans tout domaine, à éprouver de l’amour ou de la répulsion pour la chose écrite. On se refait difficilement et, comme disait un ancien castel-chalonnais, « on est comme on est ». Et, grâce à Dieu, il n’est demandé à personne d’aimer la lecture à tout prix. Toutefois, les raisons d’accorder du prix à l’action de lire sont nombreuses ; retenonsen deux. Parmi d’autres activités, comme la marche, la méditation ou le bricolage, l’acte de lire permet de prendre son temps, de ne pas sombrer dans cet activisme forcené qui devient la marque de fabrique de nos sociétés technologiques. Contrairement à l’écran qui suppose généralement la succession rapide des images, la page écrite présume du temps pour se laisser savourer. Qu’il est agréable de se laisser filer au gré d’une histoire passionnante et d’éprouver le plaisir devant le style puissant, imagé ou coulant d’un grand écrivain ! Mais il y a autre chose. Demandons-nous si le livre n’est pas l’un des derniers refuges de l’homme libre, une cachette lui permettant de ne pas se laisser assigner à la place que lui désigne le marché. L’homme n’est pas sur terre uniquement pour produire et consommer. Lire, c’est faire acte de résistance. Résistance devant une civilisation moderne qui, selon le mot de Bernanos, fomente toujours et partout une conspiration contre « toute espèce de vie intérieure ». C’est aussi contrecarrer ce rouleau compresseur qu’est devenue la consommation. L’école n’a désormais plus pour fonction première de fabriquer des citoyens conscients de leurs droits et devoirs, mais d’en faire des usagers, des consommateurs libérés de tout repère et de toute tradition. Dans La fabrique du crétin, Jean-Paul Brighelli se demande si l’école n’a pas désormais pour but de façonner des êtres mus par la seule satisfaction de leurs désirs individuels. Il n’est pas le seul…