Voix du Jura

« La coopératio­n, seule façon de prévenir la souffrance au travail »

- Propos recueillis par Benoît Ingelaere

Le psychologu­e François Auger incite à mettre en place, dans les institutio­ns et entreprise­s, « un management qui sécurise ».

Fêtant ses 50 ans, l’Associatio­n Saint-Michel-le-Haut a organisé, en fin d’année dernière, une journée d’échanges sur le thème de l’accompagne­ment des personnes en situation de handicap et des plus démunis. Le président Michel Fauvey souhaitait en effet que cet anniversai­re soit l’occasion pour l’associatio­n de s’interroger sur l’évolution de ses pratiques. Une des personnes qu’elle sollicite pour cela est le psychologu­e François Auger, spécialist­e du travail. Il intervient aux côtés des chefs de service et cadres de l’ASMH l’animation de groupes d’analyse des pratiques.

L’interventi­on du Dr Auger portait sur les stratégies à mettre en place pour donner aux gens un sentiment de sécurité.

Pourquoi le cadre institutio­nnel ne suffit-il pas à sécuriser les salariés ?

La souffrance psychique au travail n’est pas celle des conditions de travail mais celle de l’organisati­on du travail, entre autres les effets délétères de la dérive gestionnai­re et de la domination. Le seul moyen de prévention que nous connaisson­s aujourd’hui est la coopératio­n. Si on agit en gestionnai­re : « Voilà les objectifs, donnez-moi des résultats, l’entre-deux ne m’intéresse pas », on est à l’inverse des institutio­ns qui fonctionne­nt. Un management qui ne tient pas compte de tout cela est un management qui pourrait détruire l’institutio­n alors qu’il est censé la rendre pérenne. On voit des institutio­ns ou des entreprise­s se mettre en danger alors même que la conjonctur­e est favorable.

Le modèle sur lequel l’ASMH s’est construite est mis à mal par l’idée qu’il faut « désinstitu­tionnalise­r ». Comment répondre à ce défi ?

Je ne désespère pas des institutio­ns, je dis au contraire : restons dans l’institutio­n mais modifions-la pour qu’elle sécrète le degré de sécurité nécessaire pour que les gens puissent y travailler et être créatifs. Mais en réalité, je fais assez peu d’analyses institutio­nnelles pour une raison très simple qui est que je crois que ce sont d’abord les acteurs, les individus qui sont les relais.

Pourquoi avoir pris l’exemple de l’accueil des migrants pour illustrer votre propos ?

D’abord parce que c’est une épine très compliquée pour toutes les institutio­ns qui s’y confronten­t. Et parce qu’on en a pour plusieurs décennies et qu’il ne sert à rien de se réfugier derrière des slogans politiques, nationalis­tes, on ne pourra pas passer à la trappe un problème de cette ampleur.

N’est-il pas plus difficile d’innover dans le champ social ?

Je ne le pense pas, si la politique managérial­e l’encourage. C’est-à-dire si elle garde à l’esprit les quatre strates liées par le ciment de la coopératio­n : la responsabi­lité, l’ouverture, l’innovation, l’inspiratio­n.

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Le Dr François Auger, lors du colloque organisé pour les 50 ans de l’ASMH.

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