Les Heures Sombres, un film de Joe Wright
S’il devait y avoir un troisième volet à la trilogie virtuelle entamée avec Le Discours d’un Roi (Tom Hooper/2 011) et Dunkerque (Christopher Nolan/2 017) ce serait à coup sûr le septième long-métrage de Joe Wright dont le héros n’est autre que celui qui fit lever l’Empire britannique contre les hordes nazies : Winston Churchill. Les « heures sombres » du titre sont en fait les quelques jours qui suivent la nomination de celui-ci au 10 Downing Street en 1940. Le moment est catastrophique car les armées allemandes écrasent tout sur leur passage, les Etats européens capitulent les uns après les autres et le plus conséquent de l’armée britannique est en passe d’être détruit à Dunkerque. Winston Churchill est un Premier Ministre par force en cela qu’il est en difficulté au Parlement avec les deux partis. La présente production s’attache au combat de cet homme face à une fraction de son Cabinet de guerre qui veut lui faire admettre la solution d’une paix négociée avec l’envahisseur par l’entremise de Mussolini. Georges VI interviendra à temps en lui apportant son entier soutien. Il ne restait plus, si l’on peut dire, à Winston Churchill qu’à trouver les mots pour retourner la totalité du Parlement en sa faveur et dans le même temps faire admettre au peuple de Sa Royale Majesté qu’il ne pouvait lui offrir « que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur. » En fait le prix d’une hypothétique victoire, synonyme de ce bien sacré entre tous pour les Britanniques : l’indépendance.
Parfaitement documenté, ce film est une véritable leçon d’un moment d’Histoire grandeur nature. En aucun cas il ne se veut une hagiographie de ce personnage politique, seulement le portrait à l’instant « t » d’un homme qui refuse de baisser les bras, un homme conscient qu’il est en passe de devenir le dernier rempart contre la barbarie. Travaillant jour et nuit, avec l’appui de fortes doses d’alcool et de tabac, orateur et écrivain à la plume incisive et percutante, il va trouver la force et la conviction de croire que tout n’est pas perdu.
Tant en termes de montage que de cadrage, de scénario, de lumière, de direction d’acteur et de casting, ce film est un modèle de virtuosité et de talent appliqué au 7e art. Après plus de trois heures par jour de maquillage et bien des hésitations pour accepter ce rôle, Gary Oldman se glisse dans la peau de Winston Churchill avec un réalisme qui laisse pantois. Ayant étudié autant l’accent, le débit et les inflexions de la parole, que les comportements et les attitudes de ce dernier, ce comédien nous livre un portrait fascinant du Vieux Lion qui eût droit, à sa mort en 1965, et à la demande de la Reine Elisabeth II, à de grandioses obsèques nationales suivies par le monde entier.