Les galériens d'internet rament toujours
Six villages semblent les oubliés de l’opération de montée en débit prévue à partir de 2018 : bienvenue au moyen âge numérique…
« Tout le monde dit que c’est une catastrophe » : pour la maire de Mathenay, Laetitia Dos Santos, comme pour ses 143 habitants (excepté le hameau de Saint-Pierre, rattaché à Vadans), la vie numérique n’est pas un long fleuve tranquille. « Boîte mail ou site Google impossibles à consulter, certains jours je ne peux que laisser tomber et essayer de nouveau le lendemain ».
Le fax, dernier recours
Mais les plus pénalisées sont la dizaine de PME que compte la commune : pour Corinne Borsotti « je perds un temps considérable ». Les deux secrétaires de cette entreprise d’agencement de boulangeries (entre autres) sont dans le pétrin, et ne peuvent pas utiliser en même temps leurs deux ordinateurs par manque de débit. « Quand on m’envoie le plan d’un magasin, je dois parfois aller le chercher en voiture chez l’architecte ou envoyer des documents par fax… pour les sociétés qui en ont encore un ! Avec moins de 512 ko en débit sortant, on est à la préhistoire ». Même son de cloche chez Niglotrans, entreprise de transport express de Mathenay : envoyer un mail avec une pièce jointe peut prendre 15 minutes… si tout va bien. « Tout fonctionne par internet » précise le gérant Fabrice Segaud, « on perd parfois des clients à cause de ça ». tempête le patron très remonté. Situation encore plus ubuesque aux Planches-prèsArbois qui compte depuis novembre une nouvelle habitante travaillant quotidiennement sur internet dans le domaine médical : « Le débit est très bas, la box est sans arrêt en train de couper et se relancer. Je m’adapte en travaillant comme je peux sur mon smartphone, mais ce n’est pas le 21e siècle.
Être connecté, un droit
On a besoin d’être connectés et on a droit à l’accès à l’information. Avant de signer le compromis de vente pour ma maison, j’ai interrogé le maire qui m’a parlé d’une montée de débit ». Pour Hubert Darbon, le premier édile de la commune de 106 âmes la surprise a également été de taille : « En juin 2017, j’avais en effet annoncé une montée en débit, et en décembre l’inverse » soupire-t-il. En cause le déploiement de la fibre optique annoncé par la communauté de communes Arbois Poligny Salinsles-Bains coeur du Jura. Six petits villages ont disparu de la phase 1 prévoyant des travaux dès 2018. Michel Francony, président de celle-ci a prévu d’étudier le cas des villages concernés après une étude technique en cours. Mais les professionnels souffrent à l’instar de l’hôtel-restaurant du Castel Damandre aux Planches, établissement coté… mais très peu connecté. Point commun entre tous ces professionnels :
Idem pour les particuliers qui paient aussi pour la télévision sans arriver à la capter. « Mes enfants qui ont reçu pour Noël des jeux vidéo n’ont pas pu les télécharger » ajoute Laetitia Dos Santos qui pointe aussi du doigt la couverture mobile à Mathenay : « Une seule barre pour un seul opérateur ! Pour envoyer un sms, il faut parfois s’y prendre à 3 ou 4 reprises. Les endroits où ça passe sont stratégiques, si on bouge de 50 cm c’est fini. Il y a 3 ans, j’ai voulu appeler les pompiers pour un accident de la route, mais la communication coupait sur mon portable.
Perte d’attractivité
J’ai dû rentrer à la maison pour les appeler sur mon téléphone fixe ». Le village n’est pas considéré comme une « zone blanche » puisqu’un filet de réseau coule parfois. Mais il en a tout les attributs, et ici comme à Neuvilley ou aux Planches, tous s’accordent à dire que la situation se détériore :
Certains font état d’un débit sortant inférieur ou égal à 512 kbit/seconde (lorsqu’il existe). Peut-être à cause d’utilisateurs plus nombreux, où de tentatives d’usages plus fréquentes ? Au temps de la FTTH (fibre optique jusqu’au domicile) et leur débit de 100 Mbit/seconde (200 fois plus rapide que le 512 kbit/ seconde) ou plus, les six villages semblent pour l’instant les oubliés du progrès, avec la perte d’attractivité qui en découle.
« On paie un forfait pour internet qui ne marche pas ». « Plus ça va, plus ça se dégrade ». « Il ne faut pas oublier les petites communes »