Voix du Jura

Un Jésus de comédie

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Ethnopsych­iatre, romancier, essayiste, Tobie Nathan a souhaité découvrir Jésus de Nazareth.

Dans son blog, T. Nathan écrit que n’étant pas théologien il campe, dans son

un Christ uniquement historique, reconnaiss­ant par honnêteté qu’il n’a aucune compétence exégétique. Cette précision est importante, sinon ce petit livre risque de très vite tomber des mains. A plusieurs reprises l’auteur énonce sa thèse, par exemple à la page 97 « L’activité de Jésus fut d’abord celle d’un chef politique. » ou page 116 : « Jésus inventa une nouvelle façon de faire de la politique en temps d’occupation et d’oppression : la thérapeuti­que » Pour Tobie Nathan, aucun doute : Jésus était le libérateur promis par les prophètes de l’Ancien Testament afin de chasser l’occupant romain de la terre d’Israël. Ce qu’il y a de déroutant dans ce petit livre, c’est la façon désinvolte avec laquelle l’auteur prétend se passer des recherches accomplies depuis un siècle, voire plus, par l’exégèse chrétienne. Les théologien­s n’existent pas. A ce titre, on peut regretter que T. Nathan n’ait pas pris la peine de lire un théologien contempora­in comme Bernard Sesbouë, auteur d’un remarquabl­e Cette distance prise avec les travaux les plus récents nuit considérab­lement à la thèse énoncée, celle d’un Jésus libérateur agissant, y compris dans ses gestes de guérison, comme un acteur politique. L’auteur ne considère Jésus que dans sa dimension eschatolog­ique, dimension qu’il exacerbe en lui conférant des atours politiques qu’il est un des seuls à voir. On pourra toujours objecter que l’auteur donne du Christ l’image sympathiqu­e de celui qui libère et qui guérit mais cela n’a rien de bien original. Le problème, c’est que la dimension verticale propre au Christ, Fils du Père (cf. le Credo), est complèteme­nt passée sous silence, aplatie par le désir obstiné de donner à Jésus l’image d’un chef politique. Précisons que les sources de l’auteur, qui a eu recours aux oeuvres controvers­ées de Jérôme Prieur et Gérard Mordillat, sont à sens unique.

« La lèpre n’est pas une maladie, c’est un mal social » En lisant ces mots que Jean Debruynne écrivait il y a plus de 20 ans, et son commentair­e de l’Evangile de Marc, j’ai été bouleversé­e en découvrant son actualité pour aujourd’hui. « Le lépreux est ce qui reste de l’homme quand on a tué l’homme qui est dans l’homme(…) Le lépreux est interdit de séjour, on fait le vide autour de lui. (…) On ne doit pas avoir de contact avec le lépreux, c’est défendu… » Et j’ai pensé au migrant qui cherche seulement à survivre, qui meurt sur les routes et les mers de son exil, et après avoir cru être arrivé au but après tant de péripéties au péril de sa vie, risque d’être renvoyé à la case départ… Ce migrant que l’on n’a même pas le droit de secourir sous peine d’être sanctionné, et d’être exclu à son tour… Tout est fait pour qu’il fasse peur, ou pour qu’il n’existe pas ! « Si tu le veux, tu peux me purifier ! » crie le lépreux à Jésus. Il franchit les bornes du permis pour oser s’adresser à lui. Et Jésus le touche ! En partageant sur cet Evangile, une jeune kiné me disait : « C’est mon métier de toucher les gens. Toucher et être touchée ! Deux peaux sont mises en contact et des émotions naissent. Quelqu’un qui est couvert de plaies, ce n’est pas facile de le toucher, tu touches ses plaies. » et on pense aussi à ces enfants qui meurent de ne pas être touchés, car « toucher, c’est donner la Vie » Jésus touche le lépreux, et lui donne Vie. Il le réintègre dans la communauté des hommes. Et celui qui était mort, rejeté, redevient vivant avec toutes ses forces de vie qui le conduisent vers les autres, et les met eux-mêmes en route. Laissons-nous toucher par cet Evangile, qu’il nous réveille, nous libère de nos lèpres intérieure­s, et nous mette en route nous aussi. [Elisabeth et Jacques Lamy]

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