Deux ans après la fermeture : « On aurait pu et on aurait dû sauver MBF »
Presque deux ans après la fermeture de la fonderie, la colère et l’injustice sont les deux sentiments qui partagent Paolo Spadafora, ancien de MBF, quand il repense à la lutte.
C’est un moment qu’il redoute. Parler de MBF, du combat, de la reconversion. Paolo Spadafora, ancien élu au CSE (Comité Social et économique) de la fonderie automobile, a du mal à tourner la page de cette époque, deux ans après la liquidation judiciaire de MBF.
« Il y a beaucoup de choses que j’ai enterrées au fond de moi. Je pense que j’en avais besoin... Il y a eu beaucoup de fatigue. Jusqu’au bout, on a cru à une intervention de l’État et à celle d’un repreneur. Comme on était élus, tous les salariés comptaient sur nous... Je pense qu’on n’avait pas les épaules si larges que ça. »
Deux ans après les grèves, les espoirs et les rendez-vous au tribunal de commerce, la douleur
reste vive. « Si, aujourd’hui, j’avais en face de moi un membre de ce gouvernement, je l’enverrais chier. On nous dit que les Français sont fainéants, mais ils n’ont rien fait pour sauver nos jobs. Moi, je n’avais jamais été au chômage de ma vie et on m’y a poussé. Pour moi, il y a de la haine, il y a de la colère. L’État nous a laissé tomber, c’est comme ça que je le ressens. »
Dans cette colère justement, un sentiment d’écoeurement et d’injustice. Il estime toujours que la fermeture de MBF était évitable : « On aurait pu et on aurait dû sauver MBF. Une entreprise de 300 salariés, on aurait dû la sauver ! L’État a été capable de donner 85 millions au groupe chinois Jinjiang dans l’Aveyron pour qu’il garde des emplois. Nous, on ne demandait que 10 millions pour trouver un repreneur ! Il y a eu un choix de l’État. »
Des salariés restés sur la paille
280 salariés ont perdu leur emploi après la liquidation judiciaire de MBF en juin 2021. Comme ancien représentant du personnel, Paolo Spadafora a assisté aux réunions à la sous-préfecture qui concernaient le devenir des salariés.
« À la dernière à laquelle j’ai pu assister, en décembre 2021, un tiers des salariés avaient retrouvé un emploi, un tiers était en formation, et le dernier tiers était sans rien. » D’anciens collègues qu’il continue de voir : « J’en connais plusieurs qui n’ont rien aujourd’hui. Certains ont quitté Saint-Claude et d’autres prévoient de le faire aussi parce qu’ils ne trouvent pas d’emplois. Ceux qui n’ont pas retrouvé, ce sont surtout des personnes avec un handicap ou qui ne parlent pas français », selon Paolo Spadafora.
Une reconversion « hyper compliquée
» Lui dit qu’il a eu « de la chance ». Après son licenciement, il trouve une formation dans la comptabilité en décembre 2021.
« Ça a été hyper compliqué. J’ai été beaucoup stressé du début à la fin de cette formation. À 50 ans, c’est compliqué de reprendre
des études. Je craignais de manquer mon examen et de ne pas retrouver du travail derrière. Ma femme voyait à quel point je n’étais pas bien. »
Il signe finalement son premier contrat en février 2022 dans une structure spécialisée dans l’accueil des personnes handicapées. Un emploi à mitemps payé moins de 1 000 euros
par mois contre 2 000 euros quand il était cariste chez MBF.
« Mais ça va, parce que je perçois encore des indemnités qui me permettent presque de compenser. » Il
se demande : « Quand je ne les toucherai plus, j’essaierai de voir si ça sera possible de faire plus d’heures. Sinon, je trouverai un truc à côté. »
« Il y a eu un choix de l’État » PAOLO SPADAFORA, ancien cariste à MBF