Voix du Jura

De l’athlétisme à l’équithérap­ie, l’étonnante reconversi­on de Bouziane Belghorzi

Champion du Monde sur 60 mètres, ancien capitaine de l’équipe de France, le sprinteur dolois Bouziane Belghorzi s’est reconverti dans l’équithérap­ie. Il raconte.

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Sur les murs : des médailles, des trophées par dizaines, des photos où l’on voit Bouziane Belghorzi sous les couleurs de l’équipe de France dont il fut même le capitaine à l’occasion d’un match France-Belgique. Champion du monde et d’Europe sur 60 mètres, champion de France sur 100 mètres et deux fois recordman de France, le sprinteur a un sacré palmarès.

Une ferme au quartier

Ailleurs, c’est un autre palmarès qui s’affiche : des certificat­s, des diplômes obtenus en reconnaiss­ance des actions associativ­es portées par Bouziane Belghorzi. Notamment pour la Ferme à la ville, projet qu’il a piloté en 2019 et 2020. « Le projet a été reconnu comme le meilleur projet

français », se souvient Bouziane. Chèvres, oies, chevaux... l’idée était d’amener les animaux de la ferme aux habitants du quartier des Mesnils-Pasteur qui ont rarement l’occasion de les

voir en vrai. « J’ai été un chef d’orchestre sur ce projet. Il s’agissait de mettre cette idée en mouvement, de fédérer les bénévoles, mais c’est devenu de plus en plus complexe. » La crise sanitaire est en effet passée par là et la « ferme à la

ville » n’a pas connu de réédition. « Pour mettre en place ce projet, il fallait que ce soit Bouziane qui le porte », tranche Eric Di Domizio, directeur de la régie de quartier.

L’Algérie et les chevaux

Grandi aux Mesnils-pasteur, Bouziane Belghorzi passait ses vacances dans un contexte radicaleme­nt différent. « J’allais dans la famille en Algérie. Mon grand-père élevait des chevaux, c’est là où j’ai appris

à les aimer », explique l’athlète. Sur un mur du bureau, une photo montre l’aïeul en bras de chemise flatter l’encolure d’un cheval qui broute un pré-sec. « Depuis tout petit, je suis avec les chevaux. Aujourd’hui, je vis mon rêve d’enfant : depuis ma fenêtre, je vois mes chevaux au pré », s’amuse Bouziane qui, sur la lancée de son action associativ­e, est aujourd’hui le seul salarié d’Equi’connect, une associatio­n fondée en famille qui propose un accompagne­ment en équithérap­ie.

« Les abîmés de la vie »

Installée à Jouhe, l’associatio­n a son siège au domicile de la famille Belghorzi. Attenante au domicile, l’écurie est à quelques mètres des prés où les chevaux filent comme le vent dès que le box s’ouvre et que la longe ne les retient plus. Mais qu’on ne s’y trompe pas : « Nous ne sommes pas un centre équestre au sens où notre activité demande de consacrer beaucoup de temps à chacun. Il faut un accueil très personnali­sé. L’essentiel de nos interventi­ons se fait auprès d’enfants autistes, mais aussi d’enfants en rupture familiale ou en échec scolaire et

également d’adultes qui ont vécu un burn out. »

Dans l’écurie, une fenêtre ouvre sur un petit appartemen­t

loué par la famille. « C’est parfait pour les parents d’enfants autistes qui ne savent pas où emmener leurs enfants. Ils peuvent faire un séjour ici, faire quelques séances d’équitation et dormir avec vue sur l’écurie. »

Question de confiance

Quelle que soit la nature du traumatism­e traversé par les élèves d’Equi’connect, le levier principal sur lequel appuie l’associatio­n est le même : la confiance. « La base de notre travail, c’est de redonner du sens à la relation aux autres à travers le

cheval », explique Bouziane. Et de prendre l’exemple en vidéo d’un jeune garçon autiste. On le voit sur le cheval, d’abord hésitant, angoissé. Puis quelques séances plus tard, tout a changé : on entend le petit rire aux éclats sur le dos du cheval qui file au trot. « Vous entendez comme il rit », se réjouit le père du garçon. « Quelque chose s’est enclenché à travers la relation au cheval », constate Bouziane. « L’enfant ici vient comme il est. Il n’est pas jugé, c’est un lieu serein. » L’objectif reste le

même « redonner confiance à ceux qui ont été abîmés par la vie. »

Et Bouziane montre quelques images d’une séance où l’on voit un groupe de jeunes hommes marcher au côté d’un cheval. « C’est une interventi­on que nous avons faite auprès de jeunes migrants. Ils se retournent en même temps pour vérifier que le cheval les suit toujours, vous voyez ? C’est un réflexe qu’ils ont acquis : ces gamins ont voulu traverser la Manche à la nage ; ils vérifient que tout le groupe suit. »

Depuis quelques mois, salarié de l’associatio­n, Bouziane Belghorzi sait qu’Equiconnec­t est à la croisée des chemins. L’ancien athlète ne manque pas de projets, mais l’équilibre est fragile. « On nous a proposé plusieurs fois de mener des actions décentrali­sées, d’animer des séances sur d’autres parties du territoire. On va d’abord voir si on peut trouver un équilibre avec un salarié. Ensuite, on pourra peut-être porter d’autres projets. » Julien Berrier

« La base de notre travail, c’est de redonner du sens à la relation aux autres à travers le cheval » BOUZIANE BELGHORZI

 ?? Julien Berrier ?? Bouziane Belghorzi : « Mon grand-père élevait des chevaux, c’est là où j’ai appris à les aimer »
Julien Berrier Bouziane Belghorzi : « Mon grand-père élevait des chevaux, c’est là où j’ai appris à les aimer »
 ?? Julien Berrier ?? « Aujourd’hui, je vis mon rêve d’enfant : depuis ma fenêtre, je vois mes chevaux au pré ».
Julien Berrier « Aujourd’hui, je vis mon rêve d’enfant : depuis ma fenêtre, je vois mes chevaux au pré ».

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