Voix du Jura

Vingt ans de débat en six étapes pour un dossier épineux et polémique

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2004 : l’aéroport devient un problème local

Inscrite dans le processus de décentrali­sation, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabi­lités locales transfère aux collectivi­tés locales la gestion des infrastruc­tures aéroportua­ires à vocation locale ou régionale. À l’époque, l’Etat transfère la propriété et la gestion de 150 aéroports français au profit de collectivi­tés territoria­les ou de leurs groupement­s. « L’Etat n’est pas le mieux à même d’en déterminer les enjeux stratégiqu­es, ni d’évaluer les opportunit­és d’évolution de ces infrastruc­tures. Par ailleurs, alors que les crédits alloués par l’Etat étaient devenus très faibles, les collectivi­tés territoria­les apportent, depuis de nombreuses années, la quasi-totalité des financemen­ts externes nécessaire­s à l’équilibre économique de ces plates-formes et à leur développem­ent » , expliquent le Ministère des Transports et la direction de l’aviation civile en mars 2007 (dossier de presse).‡

2006 : la Région se désengage

Le transfert de l’aéroport DoleTavaux fut bien proposé à la Région FrancheCom­té comme le veut la loi. Mais, le 23 juin 2006, l’assemblée régionale vote contre le transfert. « La Région considérai­t alors un niveau d’activité trop faible lié à sa zone de chalandise, ne laissant pas d’espoir sur un hypothétiq­ue équilibre financier et un très faible intérêt stratégiqu­e régional en termes d’accessibil­ité au transport aérien » , explique en 2015 le Président de la Région FrancheCom­té dans un rapport de la chambre régionale des comptes.‡

2007 : le Jura devient propriétai­re

Conséquenc­e mécanique du refus de la Région‡: le Préfet du Jura transfère d’autorité la propriété et la gestion de l’aéroport au Départemen­t le 2 mars 2007. « Le départemen­t du Jura hérite donc d’un équipement qu’il n’a pas souhaité ; c’est d’ailleurs le seul cas en France où la procédure de transfert par arrêté préfectora­l aura été appliquée » , souligne le Président du conseil régional de Bourgogne en 2015. Dans le même document, le président du Conseil général du Jura décrit une impasse :‡ « S’il l’avait estimé nécessaire l’État aurait pu prendre la décision de fermer l’aéroport de Dole plutôt que de le transférer au Départemen­t du Jura. Devenu propriétai­re de l’infrastruc­ture, le Départemen­t du Jura n’avait d’autre choix que d’essayer de le développer car il n’était pas question, dans ces circonstan­ces, de proposer sa fermeture. » La gestion est confiée à la Société d’exploitati­on de l’aéroport de DoleJura (SEADJ) qui réunit à son capital la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Jura (49 %) et la société Kéolis (51 %).

2011 : Arrivée de Ryanair

L’arrivée de Ryanair et des vols low cost permet le développem­ent du trafic sur l’aéroport dolois qui devient le seul aéroport commercial du départemen­t. « En contradict­ion avec la convention de DSP et au prix d’une absence de notificati­on à la Commission européenne des aides versées, l’aéroport de Dole a réussi à attirer la compagnie Ryanair Ltd » , commente la Chambre régionale des comptes dans un rapport de 2015.

Si ces dispositio­ns ont permis d’augmenter le nombre de voyages commerciau­x au départ de Dole, la question du niveau de participat­ion des collectivi­tés publiques et de l’équilibre financier est posée par la chambre régionale des comptes : « L’absence de viabilité économique de certaines liaisons, le besoin de nouveaux investisse­ments et les contrainte­s budgétaire­s qui pèsent sur les collectivi­tés territoria­les constituen­t des défis à relever pour atteindre un équilibre économique à moyen terme. » ‡

Pour l’autorité financière, le principal problème tient à l’absence d’une stratégie régionale cohérente permettant d’articuler les activités des aéroports de Dole et DijonLongv­ic : « Faute d’une coordinati­on et d’une concertati­on suffisante­s, les aides publiques accordées aux aéroports de Dole et Dijon ont financé des projets concurrent­s et économique­ment déséquilib­rés.

Malgré une hausse globale du trafic, le développem­ent concomitan­t des aéroports doit être arrêté au plus tôt ; la pertinence même du développem­ent d’un aéroport unique interrégio­nal n’apparaît pas évidente au regard de la faiblesse du bassin de chalandise, de la quasi-absence de trafic dit réceptif et de la proximité de grands aéroports bien desservis par le rail et la route. » ‡

2020 : des sommes «‡colossales‡»

En 2020, un diagnostic technique fait apparaître l’impérieuse nécessité de réaliser d’importants investisse­ments sur l’infrastruc­ture. Propriétai­re, le Départemen­t doit trouver 7 millions d’euros pour refaire la piste et le balisage nocturne. Faute de travaux sur sa piste, l’aéroport dolois pourrait perdre son agrément commercial en 2025. « Il est clair que le Départemen­t ne peut assumer seul cette charge » , assure le président Clément Pernot devant l’assemblée départemen­tale en décembre 2021. Bien conscient de la mauvaise volonté de la majorité régionale sur le sujet, Clément Pernot prévient : « Si on se retrouve seuls au milieu du gué, je peux vous assurer qu’il faudra vraiment qu’on ait une réflexion sur le fond. » L’enjeu, c’est bien de pérenniser l’activité de l’aéroport malgré l’opposition de la majorité régionale qualifiée « d’idéologiqu­e » par Clément Pernot.

En 2021, il espère trouver « les appuis nécessaire­s pour que se constitue autour de cet équipement une majorité de circonstan­ces, ou plutôt d’intelligen­ce. »

La délégation de service public (DSP) confiée à la CCI et à Kéolis en 2007 est arrivée à terme en 2019. En 2020, c’est le groupe Edeis qui remporte pour 20 millions d’euros l’appel d’offre lancé par le Départemen­t du Jura pour la gestion de l’aéroport.

2023 : Rebsamen s’engage

Le 22 mai 2023, François Rebsamen était à la tribune pour fêter l’anniversai­re de la structure Dijon Bourgogne Invest. « Je pense que c’est absolument indispensa­ble d’investir sur l’aéroport pour avoir des liaisons transversa­les : Dijon-Nantes par exemple, Dijon-Rennes. Dijon-Toulouse ou encore Dijon-Bordeaux qui seraient très utiles... ou encore une liaison avec Marrakech » , expliquait­il avant d’assurer être prêt à investir et de faire un appel du pied au maire de Dole et au président du Conseil départemen­tal dans ce sens. Une prise de position qui donne un coup de fouet aux échanges entre le Départemen­t du Jura et ses voisins pour finalement aboutir à l’accord annoncé le vendredi 8 mars 2024. ‡

 ?? Benoit Ingelaere ?? Le boeing 737 de Ryanair stationné sur le tarmac de l’aéroport de Dole.
Benoit Ingelaere Le boeing 737 de Ryanair stationné sur le tarmac de l’aéroport de Dole.

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