Groupes de niveau au collège : le gouvernement rétropédale
La ministre de l’Éducation a révélé à nos confrères du Monde comment seraient mis en place les groupes de niveau qui ne sont plus appelés comme tels.
Entre rétropédalage, différence de points de vue entre les ministres successifs à l’Éducation nationale et l’opposition, les « groupes de niveau » au collège en mathématiques et en français semblent être morts nés. Enfin, peut-être que si, peut-être que non.
Pour comprendre l’incompréhensible, il faut reprendre le fil de la journée de ce jeudi 7 mars 2024.
Dans un entretien au Monde, Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation depuis le 8 février 2024, persiste et signe : il y aura des groupes de niveau en français et en mathématiques dans les classes de sixième et cinquième malgré la large opposition que suscite la réforme. « Je demande aux enseignants de travailler avec leurs élèves en groupes tout au long de l’année scolaire, en prenant en compte leur niveau et leurs difficultés », explique la ministre.
Toujours des groupes de niveau ?
Les syndicats dénonçaient le risque de « tri social des élèves et l’impact délétère des mesures annoncées », en matière de condition de travail, de surcharge des effectifs, etc. Gabriel Attal avait annoncé en grandes pompes cette mesure dans un plan nommé « choc de savoirs » en décembre dernier. Ce projet éducatif doit permettre d’élever le niveau des élèves face aux mauvais résultats obtenus par la France lors de la dernière enquête Pisa.
Dans cet échange avec le quotidien du soir, la ministre n’utilise pas le terme de groupe de niveau. De fait, la notion a été abandonnée, se félicite, ce jeudi après-midi, le syndicat Unsa Éducation auprès d’actu.fr.
Questionné par nos soins, le ministère affirme qu’ « aucune mesure [du choc des savoirs, Ndlr] ne sera abandonnée » et en même temps ne cite jamais la notion de groupe de niveau.
« Cela va passer par la constitution de groupes de besoins en français et en mathématiques sur la totalité de l’année scolaire, sur l’ensemble des horaires de ces matières », précise le ministère de l’Éducation nationale.
Du côté de l’Unsa, on se réjouit d’utiliser le terme de groupes de besoins, qui permet de « travailler sur une compétence en un temps limité, tout en gardant l’hétérogénéité d’une classe entière sur le temps long de l’année scolaire ». Reste à savoir ce qui sera réellement mis en place. Il y a quelques mois, les syndicats préconisaient déjà de miser sur des groupes de besoins plutôt que de niveau.
Des moments en classe entière
La mesure, devant entrer en vigueur à la rentrée 2024, change de nom. Mais pas seulement. Dans le ripolinage opéré par le ministère de l’Éducation, la mesure sera aussi assouplie, marquant encore davantage la différence entre Nicole Belloubet et Gabriel Attal. Les chefs d’établissements seront responsabilisés, selon les dires de Nicole Belloubet, afin de « voir à quels moments dans l’année, il faut rassembler les élèves en classe entière, afin de réexaminer la composition des groupes », en mathématiques et en français. Et c’est justement cette idée de moment en classe entière qui s’écarte du projet esquissé par l’actuel Premier ministre, et satisfait les syndicats.
Le ministère, en service après- vente, explique que ces temps en classe entière permettront « d’assurer une cohérence dans les apprentissages, et de réexaminer la composition des groupes de manière régulière afin de prendre en compte l’évolution des compétences des élèves ». Pas loin des groupes de besoins voulus par les syndicats.
« Ce n’est pas à moi, depuis le ministère, de dicter l’emploi du temps dans chaque établissement », argumente Nicole Belloubet, réfutant toute inflexion avec Gabriel Attal.
L’Unsa juge la communication de la ministre nécessaire, car la « réforme [de base] était impossible en matière d’effectifs, d’emplois du temps » et voit d’un bon oeil le fait de confier les clés de la mesure aux acteurs de terrains.
« La confiance n’exclut pas les responsabilités »
Elle tente au passage d’afficher sa confiance envers les équipes éducatives, « mais la confiance n’exclut pas les responsabilités », précise-t-elle. « Il y aura un travail avec les corps d’inspection pour voir si ce qui a été imaginé par les équipes répond bien à la commande de la constitution de groupes », assure Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation nationale, au Monde
Aussi, « nous mesurerons in fine la réalité de ce qui a été mis en place grâce aux résultats aux évaluations nationales ». La confiance règne, l’incompréhension demeure.