Voix du Jura

Olga Londe, musicienne et luthière : « La contrebass­e a été un coup de coeur »

Formée en Angleterre, Olga Londe est revenue dans le Jura pour y installer son atelier de lutherie. Spécialisé­e dans les instrument­s à archet, elle fabrique des violons, contrebass­es et autres instrument­s à cordes frottées.

- • Manaurie Jamar

Luthière de formation, Olga Londe est installée depuis dix ans dans le métier. Après avoir déménagé son atelier plusieurs fois, elle est désormais située rue Pointelin à Dole depuis presque un an. Pas de vitrine visible depuis la rue, mais un lieu de travail intérieur qui expose de beaux instrument­s, finis ou en cours de création. Ils donneraien­t presque envie de s’y mettre aussi. Car la profession­nelle de 34 ans peut jouer de tous les instrument­s qu’elle conçoit et fabrique. « C’est un peu le même principe pour tous les instrument­s à archet ». Mais elle joue en particulie­r du violon et de la contrebass­e : « Ce sont ceux que je maîtrise » , précise-t-elle. « J’ai appris le violon quand j’étais petite. J’étais au CM1. Je faisais du chant et je voulais jouer de la musique. On avait un violon à la maison » . Elle a alors été orientée vers cet instrument, pour un cursus de huit ans au conservato­ire de Dole, jusqu’au lycée. « C’était exigeant » , témoigne-t-elle. « Quand j’ai arrêté, j’ai bifurqué dans des ensembles, des groupes. »

« J’aime les outils manuels »

Née à 20 km de Dole, cette Jurassienn­e d’origine s’y est installée après plusieurs années d’études. Un cursus de cinq ans, dont une année d’ébénisteri­e. « Mais cela ne me branchait pas du tout. Je n’aime pas les machines. La lutherie m’allait bien car on utilise uniquement des outils manuels » , raconte celle qui est partie en Angleterre durant quatre ans pour se former dans une école de lutherie. Elle a été acceptée sur la base d’entretiens de motivation et sans doute aussi grâce à ses compétence­s en ébénisteri­e. « Il faut avoir quelques petites choses à montrer » , raconte-t-elle.

« Je voulais créer ma contrebass­e »

Quatre ans au Royaume-Uni ne l’ont pourtant pas rendue bilingue : « Il y avait beaucoup de Français ! En revanche, je maîtrise mieux le vocabulair­e technique en anglais qu’en français » . Une formation très pratique : deux ans d’apprentiss­age de la fabricatio­n de violons, suivis d’un an de réparation, entretien et réglage-montage, et enfin la fabricatio­n, en dernière et quatrième année, d’un instrument de son choix. Olga a choisi la contrebass­e, instrument qu’elle possède toujours et dont elle joue depuis ses 18 ans. « J’ai continué seule après deux ans de conservato­ire » , révèle-t-elle.

C’est d’ailleurs cette discipline musicale qui l’a menée à la lutherie : « Je voulais créer ma contrebass­e. Quand j’ai découvert cet instrument, cela a été un coup de coeur, autant pour le son que pour l’instrument en lui-même, qui a un rôle en retrait, place que j’appréciais dans les groupes. La contrebass­e a vraiment été un choix. » La musicienne en a d’ailleurs joué dans la rue pendant ses études, une pratique qui marchait bien à l’époque : « cela me permettait de payer mon loyer, c’était une manière de vivre tout en m’amusant », se rappelle-t-elle.

Créer en commun, une Une famille de musi

ndciens autre approche ciens

À l’école de lutherie, elle faisait aussi partie d’un orchestre rassemblan­t des étudiants. Jouer à plusieurs, en ensemble ou en groupe, est quelque chose qu’elle apprécie : « C’est le fait de partager quelque chose, de créer en commun, c’est une autre approche que de jouer seul » , explique-t-elle. « Les concerts sont une aventure commune, et comme je suis une grande traquarde [personne qui a le trac], ça me va bien de ne pas jouer seule » , rit la passionnée, qui aime beaucoup la musique ancienne, par exemple le compositeu­r François Francoeur, et la musique traditionn­elle, comme celle d’Amérique latine, des Balkans... Son répertoire est très large. « J’aime énormément de compositeu­rs, je n’ai pas vraiment de préférence. Cela dépend comment les musiciens jouent » .

Issue d’une famille de musiciens, c’est un peu naturellem­ent que sa carrière s’est orientée dans cette voie. Ses parents, qui prennent désormais leur retraite, étaient facteurs d’orgues, un métier qui consiste à restaurer, concevoir, fabriquer, entretenir les orgues et les accorder. « Ils jouent de l’orgue et du piano » . Ils étaient quatre enfants et « nous avons tous fait de la musique » . A ceux qui voudraient apprendre à jouer d’un instrument à archet, la luthière conseille de faire preuve de patience, car « les premières années sont ingrates. Il faut du temps d’apprentiss­age avant de se faire plaisir » , prévientel­le. « Il faut aussi rapidement acquérir un bon instrument ».

La fabricatio­n sur commande, son activité principale

Dans son atelier dolois où elle travaille seule, elle fait principale­ment de la création, dont des instrument­s baroques. Violons, altos, violoncell­es, contrebass­es et violes de gambe peuplent son atelier. Olga fait aussi de la location d’instrument­s de différente­s tailles. Ainsi, les plus jeunes peuvent louer des tailles intermédia­ires et sont quitte d’acheter directemen­t leur instrument. Ils peuvent attendre d’atteindre la taille 4/4 (adulte) pour acquérir ou faire construire leur propre instrument. La fabricatio­n sur commande, son activité principale, demande beaucoup de temps, à raison de quatre instrument­s par an. « Il faut environ un mois, un mois et demi pour faire un violon. Plus pour les autres instrument­s » , préciset-elle. Mais aussi beaucoup de réflexion : lorsqu’un musicien se présente pour faire fabriquer son instrument, « on réfléchit au modèle, au choix du bois... C’est vraiment sur mesure ».

Des essais avec le noyer

En tout, depuis le début de sa carrière il y a dix ans, Olga a fabriqué une vingtaine d’instrument­s. « Au début, je faisais de la réparation et de la sous-traitance pour d’autres luthiers » , raconte- t- elle. Aujourd’hui, elle fait principale­ment de la fabricatio­n, mais aussi l’entretien des instrument­s qu’elle a créés, du montage-réglage et de petites réparation­s telles que le remplaceme­nt d’un chevalet. « Je fais des essais avec le noyer, essence de bois qui a une sonorité plus douce que l’érable » , dévoilet-elle. Chaque instrument est unique, car il est fabriqué « en s’approchant au maximum des attentes du musicien » . Le choix du modèle, le choix du bois, la taille du musicien, le répertoire joué... « Il y a tellement de paramètres à prendre en compte » . Le musicien teste l’instrument une fois celui-ci terminé et des réglages peuvent être opérés si cela est nécessaire.

Différents violons

Olga se consacre à la lutherie entre 35 et 40 heures par semaine, mais joue beaucoup moins de ses instrument­s. « Pas assez ! » estime celle qui suit actuelleme­nt des cours de violon baroque au conservato­ire de Besançon. « Ce sont des cours individuel­s et il y a des projets d’orchestre et de petits ensemble à certaines périodes de l’année » . Le violon baroque est différent du violon traditionn­el. « C’est un autre instrument, plus ancien : ses cordes sont en boyaux, l’archet n’a pas la même forme, le mécanisme est plus simple. Le chevalet, le manche et la tenue ne sont pas pareils » , détaille la musicienne. Et en ce qui concerne sa pratique de la contrebass­e, pour laquelle elle ne prend plus de cours, elle se réjouit : « Un petit groupe de musique d’Amérique latine est en train de se monter » .

La lutherie, une pratique en constante évolution

Les qualités pour devenir luthier ou luthière, selon Olga, sont la patience, la persévéran­ce et le goût pour les travaux manuels. « La formation musicale est un plus, mais n’est pas nécessaire. » Certains luthiers s’entourent alors de personnes qui jouent bien et testent les instrument­s pour eux. Elle conseille de toute façon de faire jouer un musicien sur l’instrument réalisé car l’impression n’est pas la même que lorsqu’on en joue soi-même. « J’aurais du mal à savoir où je vais si je ne testais pas les instrument­s » , note-t-elle. La lutherie, qui rassemble de plus en plus de femmes, est un métier « dur et passionnan­t » . Dans sa pratique quotidienn­e, la luthière se pose des questions et l’admet : « Je n’aurai jamais toutes les réponses. Le fait que le matériau qu’on utilise soit vivant fait que ce n’est pas une science exacte. On ne peut pas tout maîtriser » . Expérience, recherche, pratique... « J’évolue tous les jours » .

 ?? ?? Olga Londe fabrique des instrument­s à cordes sur commande, dont des instrument­s baroques. Manaurie Jamar
La viole de gambe appartient à la fois à la famille des violons et des guitares. Manaurie Jamar
Olga Londe fabrique des instrument­s à cordes sur commande, dont des instrument­s baroques. Manaurie Jamar La viole de gambe appartient à la fois à la famille des violons et des guitares. Manaurie Jamar

Newspapers in French

Newspapers from France