Voix du Jura

Crise ouverte à l’APEI, le dialogue impossible

Des salariés ont manifesté lundi matin devant l’antenne de l’APEI du Jura à Lons-le-Saunier. Le dialogue entre salariés, direction, présidence et syndicats ne semble plus possible. La présidente refuse de démissionn­er.

- • Valentin Machard

Ils veulent frapper un grand coup. Les banderoles accrochées devant les locaux de l’APEI à Lons-le-Saunier annoncent clairement le message : « Madame Denis, directrice APEI, et Madame Canal DRH, poussent des salariés à la dépression et des tentatives de suicide. » Les salariés réunis ce lundi matin exigent leurs départs.

« Quatre- vingt- dix personnes, salariés et familles, ont manifesté ce lundi matin sur tous les sites de l’APEI, avant leurs heures de travail, pour ensuite assurer le soin des patients » , affirme Gérald Grosfilley, délégué syndical CFTC au sein de l’APEI.

Ils dénoncent un mal-être au travail extrême. L’ambiance dans cette associatio­n est littéralem­ent délétère avec une direction et une présidence opposées, des représenta­nts du personnel et des salariés braqués et des syndicats adversaire­s. Le dialogue semble désormais impossible.

Plaintes pour harcèlemen­t moral

Cette crise au sein de l’APEI serait due, selon les salariés rassemblés, aux techniques managérial­es des cadres de l’associatio­n. Notamment de l’actuelle directrice générale, qui a pris le relais du précédent directeur général en 2022, lui- même contesté pour ses méthodes. Les membres de ce collectif accusent aussi la directrice des ressources humaines de pousser à bout les salariés.

Le délégué syndical de la CFTC a déposé huit plaintes aux prud’hommes contre la directrice générale et la directrice des ressources humaines pour harcèlemen­t moral et non- assistance à personnes en danger, entre autres.

« Quand une salariée m’a dit que les autres syndicats ont refusé de la défendre, ça m’a posé problème. Mais quand en un mois, j’ai eu trois personnes qui me disent que les autres syndicats ont refusé de les défendre, là ça m’a posé un grand problème ! » , fustige Gérald Grosfilley. « Quand le salarié vient travailler la boule au ventre, ça a une répercussi­on sur nos résidents ! »

«Quand le salarié vient travailler la boule au ventre, ça a une répercussi­on sur nos résidents !» GÉRALD GROSFILLEY, délégué syndical de la CFTC

Le comité social d’entreprise divisé

Une enquête sur les conditions de travail au sein de l’APEI a été ouverte en décembre dernier, menée par le bureau d’étude Secafi, spécialisé dans le dialogue social en entreprise. « L’enquête reconnaît qu’il y a un problème de management au sein de l’APEI » , affirme Gérald Grosfilley.

Selon nos informatio­ns, alors qu’une rupture convention­nelle est en cours de négociatio­ns entre l’actuelle directrice générale et le conseil d’administra­tion de l’APEI, des élus du comité social d’entreprise (CSE) défendent la directrice. La DRH et la directrice générale « s’accrochent à leurs sièges en se servant du CSE ! » , dénonce Gérald Grosfilley.

 Dans leur lettre ouverte, les salariés considèren­t « insupporta­ble que ces élus du CSE remettent en cause les conclusion­s du rapport Secafi diligenté par eux-mêmes après une alerte issue d’une partie des cadres du pôle adultes. »

Une présidente contestée

De leur côté, des élus du CSE, du conseil d’administra­tion et des membres de la CGT désignerai­ent la présidente du conseil d’administra­tion de l’APEI, Martine Bregand, en poste depuis 2022, responsabl­e de la situation délétère au sein de l’associatio­n et reprochera­ient son manque de communicat­ion.

Une charge que rejettent les salariés et Gérald Grosfilley dans leur lettre ouverte : « Il est inconcevab­le que le

CSE, dont la mission première est de défendre les intérêts des salariés, puisse faire preuve d’une telle absence de neutralité et se permettent de désigner arbitraire­ment des responsabl­es au chaos dans lequel l’associatio­n s’enfonce jour après jour. »

Martine Bregand a le soutien des salariés, soulignent-ils encore : « Nous avons décidé de soutenir la présidente actuelle dont le courage à reprendre une gouvernanc­e dans une période plus que difficile, est à souligner et dont les prises de position à destinatio­n de projets importants semblent ne pas convenir à une partie de son conseil d’administra­tion, du siège et du CSE. »

La présidente refuse de démissionn­er

Lundi soir se tenait le conseil d’administra­tion de l’APEI. Un rendez-vous qui s’est avéré musclé alors que les administra­teurs sont divisés sur la situation de l’associatio­n.

Quelques heures avant la séance, Martine Bregand, présidente de l’APEI, prévenait : « Si des personnes ne se sentent plus à leur place, qu’elles partent ! La directrice générale n’est plus en accord avec les objectifs du conseil d’administra­tion. »

Avant d’ajouter : « Il ne faut pas oublier qu’on est une associatio­n de parents d’enfants handicapés et pas une entreprise du CAC 40. Je souhaite qu’on retrouve tout d’abord une sérénité au sein du conseil d’administra­tion et que ceux qui ne partagent l’avis de la majorité, il faut qu’ils s’écartent. Et qu’on passe à des projets plus sérieux ! » 

Au bout des échanges tendus entre administra­teurs, alors que la réunion tourne au dialogue de sourds, Martine Bregand propose au conseil d’administra­tion de démissionn­er. Avant de rétropédal­er : « J’ai le soutien de l’APEI national et, après réflexion, ce n’est pas au milieu du chaos qu’il faut que la présidente démissionn­e. Mais je ne veux pas y laisser ma santé ! »

Martine Bregand assure vouloir aller au bout de son mandat, jusqu’à la prochaine assemblée générale de l’APEI, en juin. Les presque 200 adhérents à l’associatio­n éliront alors les administra­teurs du conseil d’administra­tion. L’Associatio­n de parents d’enfants inadaptés compte aujourd’hui 300 salariés, suit 550 patients et presque autant de familles dans le bassin lédonien.

■ Contactés, la direction de l’APEI, le CSE et la CGT n’ont pas répondu à nos sollicitat­ions.

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