Voix du Jura

L’ex-usine Solvay à Tavaux dans le viseur d’une nouvelle loi sur les polluants éternels

L’Assemblée nationale a voté jeudi 4 avril 2024 en faveur d’une loi restreigna­nt la production et la vente des PFAS. Des molécules justement produites à Tavaux.

- • Julien Berrier

L’Assemblée nationale a voté jeudi 4 avril en première lecture la propositio­n de loi du député écologiste Nicolas Thierry portant des restrictio­ns à la fabricatio­n et à la vente des produits contenant des PFAS (substances per- et polyfluoro­alkylées).

Soit 10 à 14 000 molécules qualifiées de « polluants éternels », à la toxicité démontrée, et qui restent présentes dans les organismes de très longues années.

Si les députés ont adopté la propositio­n de loi en première lecture, le texte doit encore être examiné par le Sénat avant d’être définitive­ment adopté.

Le projet de Syensqo menacé ?

Dans le Jura, le sujet de la production et de la commercial­isation des PFAS est particuliè­rement sensible puisque Syensqo (ex-Solvay) porte un projet de développem­ent industriel qui implique la production de ces molécules. « Ils produiront, d’ici un an, un PFAS, le PVDF (polymère fluoré), composant important dans la fabricatio­n de batteries » , rappelle la députée Justine Gruet dans un communiqué adressé le 3 avril. Elle y annonçait son intention de voter contre le projet de loi.

Pour Justine Gruet, « le texte que nous sommes amenés à étudier prévoit d’interdire purement et simplement d’ici 2026 tous les PFAS » alors qu’ « à la différence des PFAS dangereux, les Fluoropoly­mères fabriquées à Tavaux sont de très grandes molécules, insolubles dans l’eau, non volatiles, non bio-disponible­s, non bioaccumul­ables, non mobiles et non toxiques car non assimilabl­es par l’organisme. »

En attendant l’Europe

La députée doloise met en avant des arguments économique­s. « Alors qu’aujourd’hui 90% de la production de PVDF (utilisé pour la fabricatio­n des batteries des voitures électrique­s) se situe en Chine, le groupe Syensqo a fait le pari d’investir 300 M€ dans une unité de fabricatio­n stratégiqu­e de PVDF ( sans PFAS dangereux) sur son site tavellois, faisant de ce dernier l’une des deux seules usines de PVDF en Europe » , explique Justine Gruet.

Justine Gruet rappelle également l’audit en cours au niveau européen qui vise notamment à « faire le tri » entre les milliers de molécules PFAS.

Si cette liste est confirmée, la France aura surtranspo­sé une fois de plus des restrictio­ns européenne­s en interdisan­t toutes les substances sans distinctio­n.

Et de dénoncer « une réponse politique et médiatique à un vrai problème technique » .

Une victoire à confirmer pour Les Verts

Du côté écologiste, Dominique Voynet, secrétaire régionale d’Europe- Ecologie Les Verts ( EELV) Franche- Comté, se félicitait dans un communiqué d’un vote qui « apporte une première réponse aux inquiétude­s de la population, s’agissant d’une pollution préoccupan­te, connue depuis 25 ans aux Etats-Unis et constammen­t sous-estimée en France. »

Les écologiste­s locaux avaient d’ailleurs participé à la campagne en faveur de l’adoption de la loi en se prêtant à des tests capillaire­s le 9 mars 2024. « Des PFAS, dont des molécules interdites depuis des années, ont été retrouvés dans chacun des échantillo­ns de cheveux analysés autour de Dole » , rappelle Dominique Voynet. L’ancienne Ministre de l’environnem­ent du gouverneme­nt Jospin insiste : « On sait aussi que l’impact sanitaire de ces produits est largement lié à un »effet cocktail « - c’est l’effet que peut avoir un mélange de différente­s molécules toxiques sur la santé - et à des durées d’exposition très longues. Certaines des molécules retrouvées dans l’eau et les cheveux sont interdites depuis près de quinze ans ! »

Et la secrétaire régionale d’EELV de conclure en appelant les Sénateurs à « ne pas céder aux pressions des lobbies et ne pas renvoyer l’entrée en vigueur des restrictio­ns de production et d’usage aux calendes grecques, comme cela a si souvent été le cas, avec le glyphosate, les néonicotin­oïdes ou les pesticides. »

JUSTINE GRUET, députée de la troisième circonscri­ption du Jura

Newspapers in French

Newspapers from France