« Nous connaissons une crise du logement privé et social sans précédent »
Pouvez-vous nous rappeler le contexte dans lequel s’inscrit cette future loi sur le logement qui prévoit de baisser les seuils à partir desquels les locataires HLM doivent payer un surloyer ou même être expulsés du logement social et qui devrait être présentée en juin ?
« Cette loi fait suite à une crise actuelle de l’immobilier impactante et sans précédent, puisqu’elle touche l’habitat privé et l’habitat social. Aujourd’hui, on ne construit plus de neuf et on réhabilite difficilement. Cette crise fait patiner l’accession à la propriété et le locatif. Si on parle de construction neuve, il y a eu une forte inflation des coûts de construction, du coup les promoteurs ont mis le pied sur le frein. Et puis l’inflation des taux d’intérêt a fait que les banquiers sont devenus de plus exigeants et
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fébriles. C’est compliqué pour les futurs accédants de prétendre à la propriété. Donc les logements neufs sont arrivés sur le marché en stock et en face les demandeurs ne pouvaient pas acheter, entraînant une crise chez les promoteurs immobiliers qui licencient et qui soldent une partie de leurs programmes, notamment dans les grandes villes. »
Pourquoi est-ce que la construction neuve a
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également freiné dans le logement social ?
« En plus des éléments évoqués précédemment, la loi Climat a dit stop aux passoires énergétiques. Les bailleurs sociaux ont freiné la construction neuve, et décidé de rénover les logements classés F ou G, sachant que les appartements classés G seront interdits à la location au 1er janvier prochain. Résultat, ceux qui voulaient devenir propriétaires restent locataires, dont il n’y a pas de mouvement dans le parc, et pour les bailleurs sociaux, il n’est pas possible de tout réhabiliter, vu la masse. Du coup, l’interdiction fera que des appartements ne seront plus louables, rajoutant de la tension sur le marché locatif déjà tendu. L’une des solutions portée par la loi est de développer l’accession sociale à la propriété et pour cela de développer l’office foncier solidaire qui permet de créer un »bail réel solidaire« . Concrètement, il permet, quand on accède à la propriété, de dissocier le bâti du foncier. Les futurs propriétaires achètent le bâti et louent sur du long terme le foncier à l’Office foncier solidaire qui garde la main sur les prix. À la Maison pour tous, nous allons présenter notre Office foncier solidaire au préfet en juin pour un agrément en septembre. »
→ Alors qu’en est-il de ces changements de seuils ?
« Le ministère du Logement considère qu’il faut sortir du parc les gens » riches « qui dépassent les plafonds de ressources. Sauf que ça existe et que c’est déjà appliqué par les bailleurs. De par le Code de la construction et de l’habitation, il existe des textes qui obligent les locataires qui dépassent les plafonds de payer un surloyer et la loi prévoit que si les revenus augmentent encore dans le temps, on doit mettre fin au bail. Donc la loi existe déjà. Mais après, on les met où, sachant que dans les agences immobilières, il n’y a plus un bien à louer et que leur situation ne leur permet pas non plus d’acheter. Cela fait des gens qui sont frustrés de ne pas pouvoir évoluer, ce qui freine l’économie. Il va donc falloir un renversement de situation parce que si on veut tuer l’immobilier, on ne peut pas mieux faire.
Dans le Jura, en ce qui nous concerne, à La Maison pour tous, nous avons très peu de personnes concernées par le surloyer. Et lorsque c’est le cas, nous proposons justement l’accession à la propriété, avec le futur Office foncier solidaire. »
Quelles sont les actions majeures de la Maison pour tous actuellement ?
« Nous nous inscrivons, comme les autres bailleurs, dans la réhabilitation, avec des chantiers énormes, notamment dans le quartier Chabot à Saint- Claude et rue Henri-Grenat à Lons-leSaunier, avec deux autres chantiers liés à la réhabilitation énergétique pour le quotidien des locataires. Et ce qui a été oublié dans la loi, c’est qu’on ne peut pas parler d’une même météo dans le sud et dans le nord. Il y a la nécessité de territorialiser les plans d’actions liés aux réhabilitations, sachant que les passoires thermiques le sont en hiver pour le froid, mais
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aussi l’été pour le chaud. Mais il nous faut aussi des moyens, avec un vrai plan de relance de l’Etat sur la rénovation.
En parallèle, nous n’attendons pas l’Etat pour avancer, nous continuons à lancer des opérations de construction : le clos de la Pépinière à Lonsle-Saunier, à Poligny, à Dole et sur de l’achat de foncier bâti à Nozeroy avec l’acquisition de l’ancienne école et de l’ancienne chapelle pour réhabiliter la chapelle qui a du cachet et créer des logements. Il y a aussi le projet Mont-Rivel à Champagnole pour un projet de logements, pour répondre à de la demande locale. »
Comment se présente l’avenir ?
« Les experts laissent entendre que les bailleurs publics et privés vont souffrir sur l’année 2024 et le début de l’année 2025. Aujourd’hui, il y a plus de 2 millions de demandeurs de logements et on en construit péniblement 400 000.
Dans le Jura, il y a 4 300 demandeurs en attente et la Maison pour tous répond entre 70 et 80 % de la demande. Entre 30 et 40 logements sont présentés en commission d’attribution chaque semaine ; ce qui veut dire qu’il y a un turn-over qui permet d’avoir une mobilité dans le parc, mais il faut être très vigilant. »