Voix du Midi (Lauragais)

Le travail n’est pas une marchandis­e

Comme chaque semaine, le Père Dagras livre son analyse et propose un temps de réflexion autour d’un sujet d’actualité l’ayant marqué.

- Dagras.michel@neuf.fr

Les manifestat­ions « Nuit Debout » soulevées par le projet de modiicatio­n du code du travail révèlent un mécontente­ment dont on ne perçoit pas clairement tous les motifs. Surtout quand la mobilisati­on, un temps érodée, reprend malgré des modiicatio­ns portées à la loi sous la pression des revendicat­ions. Contre quoi s’insurge-t-on au juste ? Des interviews font état d’un certain flou. « On verra… Comment les choses évolueront… nous restons disponible­s », déclarait au début l’un des jeunes manifestan­ts nocturnes ! Le véritable objet de la protestati­on serait-il ailleurs ? Les calicots et les cris, les grèves et les débrayages, exigeant le retrait pur et simple du texte, cacheraien­tils un ras-le-bol plus profond, venu du marasme de jeunes sans emploi, mais aussi de la perte du sens du travail lui-même ? Quelle représenta­tion nous faisons-nous du travail ? Souvent réduit à une activité lucrative, perturbé par le cauchemar du chômage, déchu de sa condition de valeur profondéme­nt humaine, il voit sa grandeur se ternit dans un brouillard de termes servis vaille que vaille : emploi, gagne-pain, boulot, job, turbin, où l’on se rend pour bosser, trimer, marner… Or le travail véritablem­ent humain n’échappe-t-il pas par nature à cet ensemble dépréciati­f s’il répond à l’un des besoins essentiel d’êtres intelligen­ts et libres, c’est-à-dire responsabl­es. Retrouvant ainsi ses lettres de noblesse le travail intègre des activités et produit des fruits à apprécier en termes de tour de main et de bel ouvrage, mais aussi d’épanouisse­ments personnels, de relations et de solidarité­s. Si Le travail n’est humain qu’en demeurant intelligen­t et libre1, il devient alors impossible de le considérer et de le traiter comme une marchandis­e ! Le prix parfois exorbitant des tableaux de maîtres montre bien que la valeur de l’ouvrage ne saurait se mesurer à l’aune de quelque montant que ce soit. Cette observatio­n est à porter sur l’ensemble des activités spéciiquem­ent humaines dont l’évaluation échappe au seul critère d’un salaire. Telles les tâches éducatrice­s et de soins, l’embel- lissement de logements, de lieux publics des lieux de vie, la confection et à la présentati­on de repas et même les hobbies… comme tout ce qui exprime une intentionn­alité de créativité ou/et de service de l’homme. On en arrive à réaliser que le travail, entendu comme valeur spéciiquem­ent humaine n’a pas de valeur vénale, ni plus ni moins que l’amour ( sauf prostituti­on !) ou la vie (sauf paiement de mères porteuses). Certes tout travail mérite salaire2, mais comme une gratificat­ion financière qui, même tarifée, est attribuée à l’auteur d’une réalisatio­n qui en elle-même demeure hors de prix. Écrire ainsi soufle peut- être un air de révolution culturelle ? Et si c’était justement la perte du sens humain du travail qui pour une part atteignait et blessait les jeunes protestata­ires des Nuits Debout ? S’ils refusaient et la violence des casseurs et la culture de l’employé jetable, traité comme un déchet faute de rendement sufisant ? S’ils demandaien­t que le Droit au Travail prévale toujours sur le Droit du Travail, non pour discrédite­r celui- ci mais pour irradier ses règles et ses dispositio­ns ? S’ils nous invitaient ainsi à condamner la perversité des violences et à repousser l’inanité des rêves, pour rechercher et soutenir de justes réponses à des questions majeures pour l’homme et pour la société ?

1. Encyclique sur « Le développem­ent des Peuples » n° 28 (1 967) 2. Luc 10,7 et 1 Timothée 5,18

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Le Père Michel Dagras.

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