Revendications
La colère couvait depuis plusieurs mois. Elle a commencé à monter il y a quelques semaines avec l’opération « On marche sur la tête » au cours de laquelle les agriculteurs ont retourné de nombreux panneaux d’agglomération. Un premier avertissement qui n’a pas vraiment porté ses fruits. Les Jeunes Agriculteurs (JA) et la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles ont donc décidé de remettre ça le mardi 16 janvier à l’occasion d’une manifestation régionale dans les rues de Toulouse, envahies pour l’occasion par plus de 400 tracteurs et 1000 manifestants. Mais là encore, ils n’ont pas eu gain de cause quant à leurs principales revendications. Au point que la situation s’est tendue avec un blocage de l’autoroute A64 à Carbonne. Qui a depuis fait boule de neige.
Une première manifestation à Castelnaudary
Dans le Lauragais, une première manifestation a été organisée vendredi 19 janvier. Dépôts de déchets verts et fumier, présence d’une vingtaine de tracteurs pour autant de véhicules divers, feux de bois et de paille pour se tenir chaud… C’est le péage de l’autoroute A61 qui a été le théâtre de cette mobilisation ayant réuni une cinquantaine d’agriculteurs venus du bassin chaurien mais également de Fanjeaux, Belpech ou Villefranche-de-Lauragais.
Sur place, ces agriculteurs issus de plusieurs syndicats ont envahi les deux voies centrales et le bas-côté de la route entre le péage et le rond-point de la D6. Les manifestants ont garé leurs véhicules et déposé des déchets verts, paille et fumier afin que les automobilistes ne puissent plus circuler que sur une voie, dans chaque sens.
L’opération s’accompagne d’une distribution de tracts afin d’informer les usagers de l’autoroute sur leurs revendications.
« On n’est pas entendu. Le haut sommet de l’État ne se rend pas compte du mal-être dans les campagnes. Il faut réagir vite », confie alors David Marty. Présent lors de la manifestation régionale organisée à Toulouse trois jours plus tôt, le président des JA du canton de Belpech explique ne pas être satisfait de la réponse de l’État. Il n’est pas le seul, précise-t-il. «Tout le monde reste sur sa faim. La préfecture de Région nous a reçus, mais il n’y a pas trop eu d’avancées. C’était plutôt du saupoudrage. »
Lors de cette nouvelle action, les agriculteurs du Lauragais audois reprennent donc les revendications exposées au niveau régional ce mardi : des prix producteurs ne couvrant pas l’ensemble des charges ou l’accumulation d’injonctions qu’ils jugent contradictoires. David Marty détaille : « On nous demande de respecter des normes et on signe des contrats de libre-échange avec des pays qui ne les respectent pas. » Il ajoute : « Nous demandons également un accompagnement technique et financier pour aller vers la transition écologique et non des interdictions arbitraires de produits de protection de culture. » Avant de reprendre son souffle. « La liste est hyper longue, constate-t-il. On fait ça pour montrer à nos dirigeants que ça va poser de gros soucis si on n’est pas écouté. »
Une opération qui prenait fin en fin de journée. Mais le responsable syndical prévenait alors : « La mobilisation va prendre de l’ampleur dans les départements, les régions et dans toute la France. Ici également. […]On ne s’interdit rien ! »
La situation se tend mardi 23 janvier
Une promesse tenue quelques jours plus tard, en l’absence d’avancées significatives des discussions avec l’État. Mardi 23 janvier deux nouvelles actions d’envergure étaient ainsi organisées dans le Lauragais.
À Villefranche-de-Lauragais, près de 80 agriculteurs pénétraient sur l’autoroute A61 au petit matin, entraînant le blocage de la circulation dans le sens Narbonne — Toulouse. Mur de paille et de terre étaient érigés de part et d’autre d’un campement. «Tant qu’on n’a pas de réponses concrètes de l’État, on restera là. On maintiendra le blocage », annonçait Nicolas Thuries, cosecrétaire général des JA 31 et agriculteur à Caraman. «On a voulu marquer le coup avec les agriculteurs des cantons voisins. On a pris la décision de venir sur l’A61 pour monter un campement durable et tenir quelques jours en fonction des retours de Paris. On attend des mesures concrètes et rapides. Il faut qu’on arrête de nous dire qu’on va reprendre les études, les réflexions, que l’on va faire appel à des experts… C’est toujours pareil, ça n’avance jamais, ça fait 20 ans que ça n’avance pas! […] On s’organise pour tenir deux, trois, quatre jours ou plus s’il le faut. […] Je suis content de voir, ici, des agriculteurs qu’on ne voyait pas forcément jusqu’à présent pour des revendications moindres. On sent qu’il y a une prise de conscience et que tout le monde se bouge », abondait Baptiste Marquié, président des JA du canton de Nailloux.
Une détermination identique à celle affichée par les agriculteurs du Lauragais audois mobilisés dans le même temps à Castelnaudary, dans le cadre d’une action visant à bloquer les accès à la plateforme de la Socamil, la centrale régionale d’achat alimentaire et non alimentaire de l’enseigne Leclerc. Une action « à durée indéterminée », avertissait alors Léo Gasc, secrétaire général des JA de l’Aude. « Tant qu’on n’a pas de réponse et
Voici les principales requêtes des agriculteurs : demande du retrait de la nouvelle fiscalité sur le gazole non routier ; respect des lois Egalim par les industriels et la grande distribution afin de protéger le revenu des agriculteurs et qu’ils puissent vivre du juste prix de leurs productions ; demande de prise en charge des frais vétérinaires et compensation financière pour les animaux atteints ou morts de la Maladie hémorragique épizootique (MHE) ; accès à l’eau facilité pour les agriculteurs devant irriguer leurs terres ; respect des clauses miroir, à savoir la non importation de produits qui ne respectent pas les normes imposées aux agriculteurs français pour leurs productions ; simplification du mille-feuille réglementaire pour réduire la charge administrative pesant sur les agriculteurs.
qu’il n’y a pas des actes, on ne bougera pas », assurait-il.
Agriculteur à Fanjeaux, ce dernier indiquait toutefois que l’enseigne Leclerc n’était pas directement visée par cette action. « On sait que Monsieur Leclerc a un poids politique énorme et qu’il a la possibilité de nous faire entendre. On n’en a pas après lui directement, même s’il est aussi concerné par la loi Egalim. »
Mardi 23 janvier, à l’heure de notre bouclage, la mobilisation des agriculteurs du Lauragais semblait bien partie pour durer quelques jours encore. «Tant qu’on n’aura pas d’annonces concrètes, on restera là ! Notre mobilisation est pour une durée indéterminée », insistait Maxime Algans, membre du bureau des JA de Haute-Garonne et agriculteur à Montlaur.