La justice envisage un supplément d’information : ce que cela signifie
La Chambre de l’instruction dira le 8 février si elle ordonne un supplément d’information dans l’affaire Jubillar. La réouverture de l’enquête sur la base d’éléments nouveaux ?
Le dossier Jubillar était clos. La justice envisage de le rouvrir. Au terme de l’audience de ce jeudi 18 février 2024, la Chambre de l’instruction (Chins) de la cour d’appel de Toulouse décidera le 8 février 2024 si elle ordonne un supplément d’information aux magistrats instructeurs. Que recouvre cette possible injonction ? Pour quelle raison la Chins se cabrerait-elle ? Quelles conséquences sur l’avenir du plaquiste accusé du meurtre de son épouse ? Tentatives d’explications.
L’origine du problème
En novembre 2023, un échange téléphonique est capté lors d’un parloir entre un détenu incarcéré à Lannemezan (Hautes-Pyrénées) et sa mère. Il est enregistré par l’administration pénitentiaire. Le prisonnier évoque l’affaire Jubillar, surpris que le plaquiste soit renvoyé devant les assises du Tarn pour le meurtre de son épouse. Il lâche plusieurs noms qu’il semble rattacher à la disparition de Delphine. Vantardise de détenu ? Éléments capitaux ? L’enregistrement est transmis à la justice.
Quelles conséquences ?
À réception de cette pièce à conviction, le parquet général estime qu’il faut investiguer. Problème. L’instruction est close. L’Ordonnance de mise en accusation (OMA) a été délivrée par les juges d’instruction après trois années d’enquête. « Au cours de l’affaire Jubillar, des dizaines de courriers ou conversations de ce type ont fait l’objet d’investigations », confie une source bien informée. Cet enregistrement mérite-t-il toute l’attention que la justice semble lui porter ? Le parquet général a jugé par l’affirmative en sollicitant un supplément d’information, à laquelle aucune des parties présentes ne s’est opposée. La Chambre de l’instruction (Chins) rendra sa décision le 8 février 2024. En clair, l’instruction reprendrait sur ce point précis ainsi que sur les allégations de potentiels autres témoins. La séance se déroulait à huis clos et aucun avocat n’a souhaité en briser la confidentialité. Si la Chins l’ordonnait, les gendarmes de la SR de Toulouse de faire la lumière sur les déclarations et actes des personnes visées.
Et pour Cédric Jubillar ?
Il peut être considéré comme le « grand gagnant » de ce coup de théâtre programmé. Si la piste liée au coup de fil venait à prouver au grand jour son innocence, Cédric Jubillar recouvrera la liberté après deux ans et demi de détention provisoire. Si elle débouche sur une nouvelle impasse, il continuera de s’affirmer victime d’une erreur judiciaire.
Dans le cadre d’un hypothétique procès d’assises, la défense ne se privera pas de s’appuyer sur ces péripéties judiciaires pour instiller le doute dans l’esprit des jurés en mode toutes les pistes n’ont pas été exploitées (ou mal).
En sollicitant ce supplément d’information, le parquet général ne s’est-il pas tiré une balle dans le pied ? Ou souhaitait-il juste prendre ses distances, ouvrir le parapluie en somme, dans le cas où l’affaire virerait au fiasco judiciaire ?
Les réactions des avocats
Les avocats de Cédric Jubillar, Me Jean-Baptiste Alary, Emmanuelle Franck et Alexandre Martin, ont livré leur sentiment à la sortie de l’audience. « Nous estimons que tout ce qui doit être fait pour rechercher la vérité doit être ordonné. Mais cela illustre ce que nous disons depuis deux ans et demi, à savoir que c’est un dossier vide et que l’on cherche encore la vérité ». « Est-il raisonnable de renvoyer un homme devant une cour d’assises devant laquelle il encourt la peine maximale sur un dossier aussi insuffisant ? », interroge Me Alary. Du côté des parties civiles, on est une fois de plus resté discret. Me Laurent Decaunes et Laurent Nakache-Haarfi, avocats de la famille de Delphine Jubillar (née Aussaguel), ont rappelé l’évidence : « Pour la famille [de la victime] c’est très douloureux d’être confrontée à ces faux rebondissements ». Et manifestement, cela risque de durer encore quelques mois.