Angèle de la Barthe au temps des « sorcières »
Cette Toulousaine, brûlée en 1275, aurait été la première victime de la chasse aux sorcières qui a sévi en Europe, en deux temps, entre le XIVe et le XVIIe siècle.
Toulouse est un roman en rouge et noir à ciel ouvert. Elle a coutume de (se) raconter entre légendes et héroïsmes, dans le tréfonds de ses périodes fastes et de ses déclins. Le personnage de Clémence Isaure à qui l’on attribue la renaissance des Jeux Floraux à la fin du XVe siècle est né de l’imagination des Capitouls.
La réunion des sorcières
La figure d’Angèle de la Barthe est, elle aussi, le fruit d’un récit inventé de toutes pièces par un chroniqueur du XVIIe siècle, période durant laquelle les procès en sorcellerie sont nombreux en Languedoc. Cette Toulousaine, accusée par l’Inquisition d’avoir eu des relations charnelles avec Satan, aurait donné naissance à un monstre doté d’une tête de loup et d’une queue de serpent qu’elle nourrissait de bébés déterrés dans des cimetières… « L’image de la sorcière associée au diable n’apparaît que dans les années 1315-1320 » explique l’historien et archiviste François Bordes, ancien directeur des Archives municipales, auteur du livre Sorciers et sorcières. Procès de sorcellerie en Gascogne et Pays basque (Privat). « C’est là véritablement que naît tout un stéréotype qui va perdurer dans le temps : la réunion des sorcières dans des endroits reculés, comme dans des forêts, loin des villages, au cours de sabbats, assemblées associées à des rituels démoniaques, le pouvoir de voler sur un balai ou une branche, le » baiser infâme « donné au derrière du diable… »
La question de la sorcellerie est évidemment ancienne. Sous Clovis puis sous Charlemagne, les personnes mises en cause, condamnés à payer de fortes amendes ou à être empoisonnés, sont le plus souvent victimes de lynchage par les villageois. En 1317, le pape
Jean XXII élargit le pouvoir aux inquisiteurs pour intenter des procédures contre les sorciers et sorcières. Neuf ans plus tard, la bulle Super Illius Specula définit la sorcellerie comme une hérésie. C’est le début de procès et d’exécutions, le plus souvent au bûcher, qui vont s’étendre sur quatre siècles. 80 000 personnes (75 à 80% étant des femmes), très majoritairement issues des classes populaires, victimes le plus souvent de règlements de compte locaux, vont payer de leur vie dans toute l’Europe. Les privilégiées, comme dans la célèbre Affaire des poisons, série de scandales éclatant entre 1676 et 1682, arrivent à s’en sortir.
La sorcellerie comme hérésie
Cette chasse connaît deux vagues, la plus terrible étant celle qui eût lieu entre 1580 et 1620, essentiellement dans trois régions pour ce qui concerne le Royaume de France : en Lorraine, en Franche-Comté et dans le Labour (Pays basque). Le phénomène s’éteint véritablement au XVIIIe siècle, malgré quelques terribles soubresauts, comme à Bournel (Lot-et-Garonne) où une femme est brûlée vive en 1826, ou encore une autre jetée dans un four à Camalès (Hautes-Pyrénées) 30 ans plus tard.