Fin du projet autour de la prise d’Alzeau : « Il faut parfois savoir abandonner »
Karine Noppe a travaillé durant 16 mois au projet de réhabilitation de la maison du gardien de la prise d’Alzeau, à Arfons. Avant de finalement décider de l’abandonner. Témoignage.
Elle n’aura passé pas moins de 16 mois à élaborer ce projet, à tâcher de le rendre concret… Pour finalement décider, avec lucidité, qu’il serait plus judicieux de tirer un trait dessus. « Fédérer autour d’un projet est loin d’être simple. Des liens se créent, certes, mais cela ne suffit pas : il faut un collectif qui s’engage durablement, qui soit prêt à dépenser de l’énergie pour que cela fonctionne », estime Karine Noppe. À 52 ans, l’auto-entrepreneuse s’est vite rendu compte des difficultés d’une telle entreprise. Car même si La Demoiselle d’Alzeau cochait de nombreuses cases, une question restait en suspens : comment faire fonctionner ce « lieu de vie éco-responsable » qu’allait devenir l’ancienne maison du gardien de la prise d’Alzeau, nichée au coeur de la montagne Noire, dans la commune d’Arfons ? « Je l’ai vécu une première fois avec mon épicerie (Le Radis bleu, à Damiatte, NDLR). Ce qu’il faut, c’est savoir comment rendre le projet viable et pérenne », traduit-elle. Et c’est visiblement ce qu’il manquait à cette réhabilitation.
De (trop) nombreux interlocuteurs
Une désillusion ? Pas tellement. « En réalité, le projet s’annonçait compliqué dès le départ, reconnaît Karine Noppe. Même s’il a très vite séduit et fait rêver, je me suis rendu compte assez rapidement qu’il manquait des éléments dans l’appel à projets. Puis nous avons dû faire face à pas mal de problématiques, en particulier liées à l’implantation du site, à cheval entre deux communes, Arfons et Lacombe, deux communautés de communes, Aux Sources du canal du Midi et La montagne Noire, deux départements, le Tarn et l’Aude, et deux anciennes régions, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Bref, il a fallu jongler entre tout un tas d’instances et de partenaires très différents. »
« On s’est retrouvés confrontés à des personnes très motivées, mais aussi à quelques personnes un peu réticentes ou frileuses, à d’autres qui avaient une idée négative de ce que cela pourrait générer… Je pensais sincèrement que la création d’un projet commun comme celui-ci serait source de rassemblement, notamment entre les différents partenaires, regrette la docteure en écologie des eaux douces. Mais je crois que ce qu’il manquait surtout, c’était de la communication. Quoi qu’il en soit, cette expérience m’aura beaucoup appris, ma position de porteuse de projet m’ayant permis de comprendre les tiraillements des uns et des autres. Je pense notamment aux agents des Voies navigables de France qui, au fond, font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont. »
« L’échec peut s’avérer enrichissant »
La Demoiselle d’Alzeau ne verra donc finalement pas le jour – du moins pas sous ce nom ni cette forme-là, pas comme elle avait été imaginée ici –, mais de ce renoncement, Karine Noppe préfère en tirer les aspects positifs, en faire une force, plutôt que de le percevoir comme un simple échec. « Je ne regrette rien. Au contraire. Ce projet m’a permis de clôturer l’activité du Radis bleu un peu plus sereinement, sans me morfondre. Car cette épicerie, c’était mon bébé. Et savoir que j’avais quelque chose d’autre derrière avait un côté rassurant et motivant, c’était mon moteur », analyse-t-elle.
Et ce, même si l’aventure s’est terminée plus tôt que prévue. « Il faut savoir abandonner, reprendelle. En France, on voit toujours le côté négatif des choses, alors que l’échec peut s’avérer enrichissant, cela apporte de la résilience, insiste la quinquagénaire. Tout cela m’a appris à faire la différence entre le coeur et la raison. Durant 16 mois, j’ai donné sans compter, je suis allée au bout des choses, je ne pouvais sincèrement pas faire plus. »
Quel avenir pour la maison du gardien ?
Reste désormais à mettre les choses en ordre, et notamment à dissoudre l’association qui avait été créée au démarrage. « Il y a eu une sorte d’émulation autour de ce projet, se félicite Karine Noppe, jetant ainsi un dernier coup d’oeil dans le rétroviseur. Les deux animations que nous avons organisées l’an dernier ont très bien fonctionné, les participants ayant montré beaucoup d’intérêts et de curiosité pour notre travail. Même la fille de l’ancien propriétaire des lieux s’est prise au jeu ! »
Quant à savoir ce que deviendra la maison du gardien : « C’est un bâtiment relativement sain. C’est pour cela, aussi, que l’on s’était dit que le projet de La Demoiselle d’Alzeau serait possible, recontextualise-t-elle. La bâtisse existe, elle est là. Je pense que c’est désormais aux collectivités de s’emparer du sujet pour ne pas la laisser dépérir. »
Changement de vie et nouvelle aventure
Après des mois « difficiles » durant lesquels elle a d’abord dû se résoudre à abandonner le projet, à boucler tous les dossiers, puis à (re)trouver un emploi, Karine Noppe est désormais bien décidée à tourner la page de La Demoiselle d’Alzeau. « Il a fallu postuler à droite à gauche, passer des entretiens, essuyer des refus… Je me suis sentie un peu comme de l’huile sur le feu, il ne fallait jamais baisser la garde », témoigne-t-elle.
Jusqu’à ce que la chance lui sourit enfin. D’ici l’été, la future chargée de projet s’envolera outre-Atlantique pour débuter une nouvelle vie. « Un bureau d’études québécois m’a proposé une offre. Ils m’attendent pour le 1er juillet, s’enthousiasme-t-elle. Ce sera un véritable challenge, car je pars juste avec mes valises. Mais le point positif, c’est que je me sens attendue, désirée ! » En attendant, la quinquagénaire devrait profiter des mois qui viennent pour souffler un peu. « Je ne me suis jamais posée de toute ma carrière. Là, je vais avoir cinq mois pour prendre du temps pour moi. »