Qui sont ces militants qui «défendent» le bois de la Crémade depuis le 12 novembre ?
Depuis trois mois et leur installation dans les arbres, des opposants à l’A69 occupent, à Saïx, l’un des derniers bois devant être rasé pour les besoins du chantier de construction de l’autoroute. Une ZAD devenue le symbole de leur lutte.
Aucune ZAD ne sera « constituée tant que je serai ministre de l’Intérieur.» C’est la promesse que faisait le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en octobre dernier. Une intervention devant l’Assemblée nationale, lors des questions au Gouvernement, quelques jours seulement après le week-end de mobilisation des opposants à l’A69 à Saïx qui s’était soldé par la constitution d’une zone à défendre dans une propriété située sur le tracé. Celle-ci avait finalement été démantelée dès le lendemain lors d’une opération des forces de l’ordre.
Un mois plus tard, le dimanche 12 novembre, à seulement quelques centaines de mètreslà, des militants écologistes décidaient pourtant de s’installer à nouveau dans les arbres sur ce même site de La Crémade. Leur objectif ? Sauver l’un des derniers bois situés sur le tracé de la future A69. Les prémices surtout d’une nouvelle ZAD aménagée au fil des semaines qui ont suivi et que sont venus renforcer de nouveaux activistes au début du mois de janvier, à la suite d’un appel lancé par les habitants de ce site rebaptisé « La Crém’arbre ».
Tentative d’évacuation de la ZAD le 20 janvier
Le samedi 20 janvier, une opération de police était menée sur le site. Le soir même, le préfet Michel Vilbois annonçait «l’évacuation réussie de ce campement illégal », en précisant que huit opposants à l’autoroute A69 avaient été interpellés à cette occasion. Sur des images aériennes tournées lors de l’opération et diffusées par les collectifs engagés dans la lutte contre l’autoroute A69, on pouvait apercevoir notamment une tractopelle détruire les habitations de fortune qui avaient été installées sur le site.
Les habitants de la ZAD répliquaient aussitôt en évoquant une «expulsion ratée» et leur volonté de reconstruire immédiatement les lieux après ce qu’ils n’hésitent pas à nommer « une expédition punitive ». Trois semaines plus tard, la ZAD est toujours là. Une cinquantaine de militants l’occupent au sol, mais également dans des cabanes ou hamacs installés dans les arbres de ce bois.
Pourquoi la ZAD n’est toujours pas évacuée ?
Depuis quelques jours, le préfet du Tarn annonce son intention d’expulser les occupants de cette ZAD. Tout en précisant « étudier les conditions juridiques » qui permettraient de procéder à cette évacuation de façon légale. Il précise vouloir ainsi répondre «à la demande explicite du propriétaire ».
« Aucune procédure d’expulsion n’a été notifiée à ce jour aux habitants et habitantes du lieu. Les parcelles occupées sont des terrains où se joue toujours une procédure juridique d’expropriation. Notre installation s’est faite en accord avec les propriétaires », répond quant à lui l’un des zadistes. Avant de dénoncer l’illégalité des opérations menées par les forces de l’ordre sur le site depuis plusieurs semaines. «Les autorités ont déployé des moyens de répression disproportionnés. Hélicoptère, drones, compagnies de CRS et de gendarmes mobiles, PSIG, tirs de LBD, grenades assourdissantes, grenades lacrymogènes en tirs tendus… Un tel déploiement pour voler quelques palettes, saccager un champ ou entraver la préparation d’un événement festif et convivial. Malgré ces tentatives, nous ne nous laissons pas abattre. Installations collectives détruites, dortoirs brûlés, tentes lacérées, affaires personnelles volées ou enterrées. Ces pratiques policières extra-légales se doivent d’être dénoncées», poursuit-il.
Qui sont les habitants de la Zone à défendre
Malgré cette menace d’expulsion qui plane sur la tête de ces activistes, la vie suit donc bel et bien son cours dans le bois de la Crémade où les habitants présents affichent une détermination sans faille. «Toutes les personnes qui viennent nous rejoindre depuis des semaines et des mois nous donnent de la force. Plusieurs sont arrivées depuis l’international. Nous continuons de croire que l’A69 ne passera pas», indique l’un des occupants de cet espace naturel.
Justement, quel est le profil des militants installés à Saïx ? «Ce sont des informations que l’on ne donne pas trop », répond l’une d’entre eux, évoquant le «fichage compulsif» dont elle et ses compagnons de lutte sont victimes. Samedi 10 février, pour cette raison, c’est le visage dissimulé sous des masques qu’une délégation d’habitants de la Crém’arbre est d’ailleurs venue faire face à la presse. « C’est aussi car, aucun d’entre nous, n’est le visage de la lutte», ajoute la militante.
«On n’est pas dans un entre-soi militant»
«La diversité des profils des militants présents sur cette ZAD constitue l’une de nos forces et se reflète dans la multiplicité de nos moyens de lutte», assure pour autant cette opposante à l’autoroute A69 installée sur le site. «On n’est vraiment pas dans un entre soi militant, où tout le monde aurait le même âge, serait du même milieu social. On croise des gens qui viennent de n’importe quel milieu, qui ont n’importe quel âge, de n’importe quel genre », ajoute-t-elle.
Les habitants de la ZAD viennent aussi de nombreuses régions de France. « Pas mal sont de la région, car c’est une lutte qui est ancrée localement et qui a réussi à mobiliser une grande partie de la population locale. Mais il y a aussi des personnes qui viennent de villes assez éloignées, voire de l’international et restent donc là plusieurs jours. Certains font beaucoup de trajet pour venir », souligne une occupante du bois de la Crémade.
Les habitants des lieux l’assurent : «La lutte continue, se renouvelle et reste inventive. » Jusqu’à quand ? « L’expulsion de ces individus du terrain illégalement occupé interviendra dans les prochains jours», avançait une nouvelle fois le préfet du Tarn, dimanche 11 février au soir.